Alexis Thambwe Mwamba a planifié sa sortie sur Top Congo Fm samedi 11 avril. Et quand la vedette du jour s’est exprimée, essentiellement sur la prochaine organisation du Congrès du Parlement dédié à l’état d’urgence, la polémique est née. Et pourtant, le speaker du Sénat n’a pu dissimuler le fait que le Président de la République, certainement contraint par l’urgence et la nécessité de gérer la crise sanitaire imposée par le Coronavirus, a dû proclamer l’état d’urgence en se passant de la procédure constitutionnelle. Aux termes de l’article 119 point 2 de la Constitution de la République démocratique du Congo, les deux Chambres du Parlement se réunissent en Congrès pour l’autorisation de la proclamation de l’état d’urgence ou de l’état de siège et de la déclaration de guerre, conformément aux articles 85 et 86 de la Constitution. Le Président de la République a pris son Ordonnance malgré tout. Et, de l’avis de Thambwe Mwamba, le Congrès doit «corriger», régulariser après coup… pour donner au Chef de l’État les moyens de faire face à la crise. La position de Thambwe a beau être claire comme l’eau de roche, Jean-Marc Kabund, président intérimaire de l’UDPS et 1er vice-président de l’Assemblée nationale, y a vu un piège tendant à asséner un coup à l’Institution Président de la République. «La régularisation des actes pris par le PR n’entre pas dans les attributions du Congrès -Art. 119 de la Constitution. C’est un prisme déformant. Convoquer un congrès quant à ce, est une démarche spécieuse qui tend à asséner un coup à l’institution Président de la République», a posté le dauphin de Félix Tshisekedi au parti samedi avant de s’insurger contre l’annonce de Thambwe Mwamba dimanche soir sur les antennes de Top Congo Fm. Depuis, l’opinion assiste, médusée, à cette nouvelle veillée d’armes entre FCC et UDPS. Thambwe n’a-t-il pas abattu toutes les cartes au micro de Christian Lusakueno? Kabund est-il au courant d’un agenda caché? Via les réseaux sociaux, un militant de l’UDPS a pris le tweet de Kabund au sérieux. Il demande si le Président de la République n’a pas les pouvoirs d’annuler le fameux Congrès. L’ancien député national Franck Diongo ne s’est fait pas prier pour recommander au Président de la République de déployer l’Armée et la Police au Palais du Peuple afin d’empêcher toute réunion de plus de 20 personnes, allant jusqu’à proposer la dissolution du Parlement. Sans le dire, Diongo vise les plénières du Parlement, donc du Congrès. Voici que ce rendez-vous redouté par certains politiques s’impose pour baliser la suite. D’une durée de 30 jours, l’état d’urgence proclamé le 24 mars par le Président de la République expire le 24 avril prochain. Pour son éventuelle prorogation, les juristes évoquent l’article 144 de la Constitution. Ce dernier stipule: «En application des dispositions de l’article 85 de la présente Constitution, l’état de siège, comme l’état d’urgence, est déclaré par le Président de la République. L’Assemblée nationale et le Sénat se réunissent alors de plein droit. S’ils ne sont pas en session, une session extraordinaire est convoquée à cet effet conformément à l’article 116 de la présente Constitution. La clôture des sessions ordinaires ou extraordinaires est de droit retardée pour permettre, le cas échéant, l’application des dispositions de l’alinéa précédent. L’état d’urgence ou l’état de siège peut être proclamé sur tout ou partie du territoire de la République pour une durée de trente jours». Puis: «L’ordonnance proclamant l’état d’urgence ou l’état de siège cesse de plein droit de produire ses effets après l’expiration du délai prévu à l’alinéa trois du présent article, à moins que l’Assemblée nationale et le Sénat, saisis par le Président de la République sur décision du Conseil des ministres, n’en aient autorisé la prorogation pour des périodes successives de quinze jours». Kabund et Diongo ont-ils bien lu cette disposition constitutionnelle? Savent-ils que de la prorogation de l’état d’urgence dépend de la durée d’existence du Fonds de Solidarité mis en place le 6 avril dernier. Ont-ils analysé tous ces contours avant de dégoupiller chacun sa bombe? Kabund ira ou ira pas à cet impérieux Congrès? Wait and see.
Contradictions à l’UDPS
Comme Kabund, des pro-UDPS spéculent sur les réseaux sociaux. Ils prétendent que le Congrès est sur le point d’être convoqué pour déclencher des poursuites contre Félix Tshisekedi que Vital Kamerhe, placé en détention préventive de 15 jours pour détournement présumé de 57 millions de dollars, s’apprêterait à citer comme complice, question d’ouvrir la voie royale à Alexis Thambwe Mwamba, président du Sénat, donc dauphin constitutionnel du Président de la République. Trop beau pour être vrai. Un tweet attribué au député Paul Tshilumbu, porte-parole du parti suspendu par Kabund mais jamais d’accord avec cette décision, rejette la thèse d’un coup tordu contre Félix Tshisekedi. «Le président du Sénat a bien dit qu’il ne s’agit pas de faire du juridisme. Les élus doivent voter une loi d’application de l’état d’urgence face à la menace du Covid 19. Donc, le coup contre le Président de la République n’existe que dans la tête de Kabund qui n’arrive même pas à gérer le parti», lit-on dans ce post. A l’instar de Tshilumbu, Jacquemain Shabani, un autre cadre contestataire de l’UDPS soutient sur Twitter qu’il n’y a pas de place à aucune forme de juridisme, de polémique ou même de crise entre les institutions de la République. L’ancien secrétaire général du parti a le sentiment que le Chef de l’Etat a fait sa part et il reste au Parlement de faire la sienne. Pour sa part, le Parlement a mis la machine en marche. Il a donné dimanche le coup d’envoi des opérations de décontamination du Palais du peuple en prévision de ce Congrès pas comme les autres.
Tino MABADA