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Insultes contre les Bayaka: Lettre ouverte du professeur Kabisa à Gabriel Mokia

La déplorable réputation et les velléités de moquerie qui s’attachent aux Bayaka depuis des décennies remontent en réalité à l’époque coloniale. Les insultes, les sarcasmes et les humiliations dont les Bayaka sont victimes, y compris de nos jours si on prête l’oreille à la récente saillie de Gabriel Mokia; constituent un des funestes héritages du colonisateur belge .

Pourquoi? Parce que les Bayaka furent les derniers parmi les ethnies des Bantous congolais à se soumettre au joug de la colonisation. Il a fallu attendre les années 1942-43, alors que tout le reste du Congo belge était déjà «pacifié» et que toutes les autres ethnies s’étaient pliées devant le nouveau pouvoir, pour assister à la reddition des dernières poches de résistance armée des membres de cette communauté ethnique.

De 1876, année du commencement du deuxième voyage en Afrique du Gallois Henry Morton Stanley, premier Européen à réussir la traversée du continent noir en son centre en partant de la bourgade de Bangamoyo sur le rivage de l’Ocean Indien à l’Est, pour arriver trois ans plus tard à Boma, à l’Ouest, sur le littoral atlantique où l’explorateur parvînt en août 1879; jusqu’au milieu de la Deuxième Guerre mondiale; le royaume yaka fut redouté en raison de la bravoure de ses guerriers. Pour se venger d’eux, le pouvoir colonial belge déploya une vaste campagne de dénigrement contre les Bayaka auprès des autres ethnies.

Dans le même temps, Léopoldville décida de châtier ce peuple rebelle, récalcitrant, fier et altier en excluant les Bayaka de tout programme de développement économique et de progrès social: quasiment pas d’écoles, ni d’hôpitaux, ni d’usines, ni de routes, etc. Ils furent en outre exclus de l’administration et de la Force publique, nom que porta l’armée congolaise sous la colonisation.

Distillée au sein des différentes couches de la population, la mauvaise renommée ainsi attribuée aux Bayaka ne cessa de se dégrader au fil des années.

À entendre les propos insultants et offensants tenus récemment par Gabriel Mokia contre ce peuple martyr, il semble que la propagande anti Bayaka continue d’opérer dans l’esprit de certains Congolais.

De toute évidence, Gabriel Mokia avoue par là sa tragique ignorance de l’histoire du Congo ainsi que son mépris souverain des Bantous congolais dont il partage pourtant la même nationalité. Il s’est ainsi volontairement disqualifié. Non seulement comme membre de notre communauté nationale. Mais surtout comme politicien. Il a perdu et vendangé le peu d’estime qui s’attachait encore sur son nom.

Après tout, peut-être, ne méritait-il pas mieux? Par ces temps de péril majeur où l’occupation militaire des Tutsis menace le destin du Congo et la destinée des Congolais, tout réflexe ethnique consistant à se moquer d’une autre communauté nationale congolaise fragilise la cohésion nationale , sape l’unité de notre pays et, finalement,fait le jeu de l’occupant. Il y a du collabo dans les propos tenus par Mokia contre nos frères Bayaka. Pour cela, il mérite d’être condamné sans réserve et sans appel.

Professeur Boniface Kabisa

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