Plus que treize jours avant le dimanche 23 décembre, ce rendez-vous électoral censé permettre aux RD-Congolais de faire un pas important dans le processus de démocratisation de leur pays en vivant la première passation démocratique du pouvoir entre le Président sortant et le Président qui sera élu. L’importance de l’événement vaut à n’en point douter la tension qu’il suscite. Entre confusion, incertitude, doute et crainte, le suspense est perceptible. Et la suspicion y est naturelle, sinon essentielle. Ici, l’intox passe généralement mieux que l’info. A certains égards, on serait tenté de croire que l’ignorance est entretenue avec irresponsabilité par les politiques, eux-mêmes, et l’Organe de gestion des élections. L’exemple du débat jusque-là présent autour de la machine à voter est éloquent car il risque d’entrainer des problèmes le jour du vote. A côté de ça, après le vote, l’application du seuil électoral fera encore couler encre et sueur, peut-être aussi, ne le souhaitons pas, du sang. Comme la machine, le système du seuil électoral dans ce processus électoral très tendu est non seulement expérimental mais souffre aussi d’une faible vulgarisation.
«Il y a des députés qui ont voté l’actuelle loi électorale et soutenue l’application du seuil mais qui s’étonne quand on leur explique le calcul du seuil», soufflait un expert de la CENI lors d’une réunion avec les acteurs de la Société civile, le week-end dernier. Qu’en est-il du calcul du seuil?
Déjà, le calcul du seuil se fera par le bureau de la CENI seule, sans témoin. Ce qui est tout à fait normal au vu de la loi électorale qui prévoit qu’il y ait des témoins et observateurs presque dans toutes les opérations partant du vote à la compilation des résultats mais pas au niveau de la centralisation des résultats.
L’élection présidentielle ne pose pas de problème puisque pas concernée par cette innovation. Cependant, pour les législatives nationales, provinciales et les locales, ce sera une autre histoire. D’abord des élections législatives nationales. Le seuil y est fixé à 1%. Il seuil sera calculé après les opérations de vote. Une formule simple sera appliquée: le nombre de suffrages valablement exprimés divisé par cent puis multiplié par un. C’est-à-dire, la CENI fait le décompte et la sommation des tous les votes qui répondent valablement à la procédure. Sur le 40 millions d’électeurs enrôlés dans le fichier électoral, posons qu’il y a 30 millions des suffrages valablement exprimés. Première étape. La liste du regroupement, du parti ou candidat indépendant compétiteur devrait engranger au moins 300 mille voix dans tout le pays pour prétendre avoir un ou plusieurs sièges à l’Assemblée nationale. Il est donc judicieux de montrer à son électorat comment bien voter plutôt que de les inviter à y aller avec leurs stylos.
La deuxième étape se passe au niveau de la circonscription électorale, la CENI détermine le quotient électoral en divisant le nombre total des suffrages valablement exprimés par le nombre des sièges de la circonscription. Posons une fois encore que pour la circonscription X le nombre de suffrages exprimés est de 600 mille et le nombre des sièges de la circonscription à 10. Ne pourra arracher un siège que la liste qui aurait obtenu au moins 60 000 voix. Et donc, dans cette logique, une liste qui aurait 120 000 voix s’assurerait deux sièges dans la circonscription.
Il faut noter qu’à l’intérieur des listes gagnantes, l’attribution des sièges se fera par majorité simple. En d’autres termes, n’aura le siège que le candidat qui aura le plus de voix. Ce ne sera pas au parti de se choisir ses élus.
Avec ce système de seuil, un candidat député national peut être le mieux élu de sa circonscription, avec 65 000 voix, par exemple, mais voir le siège attribué à un autre candidat avec moins des voix. L’indépendants ont très peu de chance d’accéder à l’hémicycle. Surtout dans les circonscriptions à plus d’un siège.
Les exceptions
Mais tout n’est pas perdu. Il y a quelques exceptions. La première: dans une circonscription à un seul siège, le seuil électoral n’est pas pris en compte. L’attribution du siège se fait par majorité simple. Le mieux élu a le siège. La deuxième: dans une circonscription à plus d’un siège, si un candidat X ou une candidate Y rafle seul -e- plus de la moitié du nombre de suffrages exprimés de la circonscription; par exemple: 31 mille voix sur 60 mille suffrages exprimés. Il a automatiquement droit à un siège même s’il est indépendant ou que son parti ou regroupement n’a pas atteint le seuil électoral. Et si son parti ou regroupement a atteint le seuil, les voix de ce candidat ne profiteront plus à la liste de son organisation électorale. Troisième: si aucun parti n’atteint le seuil, la Centrale électorale retournera au système proportionnel. Autre exception: c’est le cas de figure dans lequel dans une circonscription, par exemple à 18 sièges comme la Tshangu, un seul parti ou regroupement gagne tout. Il n’a cependant aligné 12 personnes dans sa liste. La Centrale électorale recourrait au système de la majorité simple pour attribuer les six sièges aux autres partis ou regroupements en lice.
Aux élections provinciales, ce sera mutatis mutandis la même acrobatie. Seulement, le seuil y est à 3%. Le nombre de suffrages valablement exprimés dans la province sera divisé par cent, puis multiplié par 3. Et au niveau des élections locales, le seuil sera de 10%. Avec le nombre pléthorique des candidats aux législatives nationales et provinciales, les cours d’appel et constitutionnelle a de fortes chances d’avoir un volume important des contentieux dus l’ignorance du système de seuil. Lequel système avait été créé par les allemands afin d’éviter l’émiettement des sièges dans les assemblées en décourageant la prolifération de petites formations politiques comme c’est le cas en RD-Congo. Le seuil donne ainsi au grand parti la chance mettre en œuvre leurs projets de société sans être lié par des accord avec des petits partis.
HRM
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