Jules Alingete, l’Inspecteur général chef de service de l’Inspection générale des finances -IGF-, a déjà dressé une vingtaine de rapports mais, jusque-là, seuls deux ont déjà abouti à la condamnation en justice des personnalités concernées. Il s’agit du procès SECOPE et BCECO. Dans le procès SECOPE, l’Inspecteur général de l’EPST Michel Djamba Kaombe et le directeur national du Service de contrôle et de paie des personnels enseignants -SECOPE- Delion Kampayi ont été jugés et condamnés à 20 ans des travaux forcés pour détournement des deniers publics. Tandis que le procès BCECO s’est soldé par la condamnation à 10 ans de prison ferme du Directeur général Théophile Matondo Mbungu poursuivi pour détournement de 5 millions de dollars.
Un troisième rapport, celui concernant le projet Bukangalonzo, a vu le Parquet près la Cour constitutionnelle inculper trois personnalités et va déboucher, le 25 octobre prochain, sur un procès public. Et tant que la Cour constitutionnelle ne les aura pas condamnés de manière définitive et irrévocable pour détournement de deniers publics, les prévenus, notamment l’ancien Premier ministre Matata Ponyo, l’ex-ministre délégué en charge des Finances Patrice Kitebi et le sujet sud-africain Christo Grobler, continueront à jouir de leur présomption d’innocence et personne, même pas Jules Alingete, n’a le droit de les traiter des voleurs. De même, tant que la Justice n’aura pas encore condamné toute autre personnalité à la suite d’une dénonciation de l’IGF, la juste mesure devrait être de mise et l’on devrait se garder de tout propos à caractère injurieux à l’égard de tous les agents publics incriminés jusque-là par l’IGF.
Mais à la faveur de ses nombreuses interviews dans les médias, Alingete semble étaler son péché mignon: l’injure publique. Celle-ci peut se constater dans les propos de l’Inspecteur général des finances immortalisés dans un tweet du journaliste Stanis Bujakera. «Ils disent que nous faisons du populisme, de l’acharnement, du folklore (…) Tous ceux qui utilisent ces termes sont en réalité des voleurs. Nous n’allons pas baisser la garde. Nous sommes formés pour les traquer». La faute est là. Et c’est l’autre faute de Jules Alingete à qui la plupart des gestionnaires déjà incriminés par lui reprochent également le manque d’objectivité tant, accusent-ils, l’inspecteur général des finances n’accorde pas aux contrôlés le temps de présenter leurs moyens de défense, violant ainsi le principe du contradictoire. «Les personnes visées dans les rapports de l’IGF ne sauraient être traitées ou qualifiées de voleurs. Le soutenir c’est faire virer au délit la patrouille financière en cours», tranche Maître Smeth Kusolika, le chroniqueur judicaire d’AfricaNews.
Kusolika évoque les études de Rémy Fontier, enseignant, syndicaliste et juriste français pour qui «dire de quelqu’un qu’il est un voleur (…) est une injure si on ne l’accuse pas d’un vol déterminé». Pour qu’il y ait injure publique, il faut la réunion de quatre éléments: une expression outrageante, un terme de mépris ou une invective; les termes s’appliquent à une personne ou à un ensemble de personnes déterminées; l’intention de nuire et la publicité». Alingete est dans ça. Selon le même auteur, «même une insinuation peut constituer une diffamation punissable».
Et de l’avis de l’avocat Kusolika, Jules Alingete pèche quand il ne fait pas la différence entre le vol et le détournement de fonds, et s’expose à ce niveau. «Si le vol est caractérisé en ce que l’auteur enlève une chose étrange après avoir brisé la garde du propriétaire, le détournement, par contre, est l’appropriation frauduleuse de biens par une personne pour son intérêt à qui l’on avait fait confiance pour gérer de l’argent et les fonds détenus par un autre individu ou par une organisation tierce. Ce peut être des fonds sociaux ou des fonds publics», précise-t-il. Suivant ces évidences, si Alingete venait à être traduit en justice pour ses propos discourtois à l’égard des personnes citées dans les rapports de l’IGF et qu’il accuse de vol, les audiences risqueraient de ne pas bien se passer pour lui. A lui et à ses services juridiques, il s’impose quelques notions du droit pénal.
Tino MABADA