Tribune

L’appel des étudiants en Biologie de l’UNIKIN à faire du domaine de Bombo-Lumene un véritable parc national

Au travers d’une tribune signée Trésor Mpuku Tyo, étudiant en Biologie à l’Université de Kinshasa -UNIKIN-, un appel a été lancé aux autorités du pays, dont le Président de la République et le ministre de l’Environnement, pour «faire du domaine de Bombo-Lumene, un véritable parc national de Kinshasa, bien protégé, bien outillé, bien financé». Cet appel est l’œuvre des étudiants en biologie de l’UNIKIN, convaincus que Bombo-Lumene peut «être le moteur du développement du secteur touristique» à Kinshasa.

«Ce domaine pourrait avoir un camping, un lodge, un game farm et plein d’activités éco touristiques avec des randonnées à pied, à cheval, en VTT, descente en kayak des rivières. Chaque activité représente une possibilité d’emplois diversifié pour les riverains du parc, de nombreux nouveaux métiers pour la population de Mbankana, Mutiene et les alentours», détaille Trésor Mpuku. Crée le 10 février 1968, le domaine de Bombo-Lumene, avec une surface totale d’environ 350.000 mètres carré avant Mbankana sur le plateau des Batéké, possédait historiquement une faune riche et variée propre aux savanes: éléphant, buffle, hippopotame, cobe Défassa, Guib harnaché, céphalophe de Grimm, Lion… Des récentes études, avance Trésor Mpuku, fait état de plus d’espèces de mammifères unique présents dans ce domaine.

Sauvez le foret primaire de Bombo-Lumene : la lutte contre la déforestation

Le Président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo, a officiellement lancé, samedi 5 décembre 2020, jour de la célébration de la Journée nationale de l’arbre, le projet scolaire «un milliard d’arbres à l’horizon 2023».  Le Gouvernement a choisi cette année le thème: «l’arbre, un capital socio-économique et environnemental». Pour nous, les étudiants de la biologie et pour tous les amis de la nature, c’est une initiative très louable qui cadre avec le combat pour le climat qui nous est très cher.

Planter des arbres n’a que des effets bénéfiques et devrait être encouragés à tous les niveaux: de la présidence au gouvernement national, aux gouvernements provinciaux et voire même jusque dans toutes les écoles. Nos villes en RD-Congo grandissent chaque jour, nous coupons les arbres sans en replanter, la température monte, l’air se pollue, cela provoque plus de maladies, plus d’allergies, il n’y a plus d’ombre pour les piétons, moins d’oiseaux, moins des fleurs et la disparition des abeilles, avec comme conséquence, encore moins de biodiversité.

La course de la modernité n’est pas une excuse pour ne pas planter des arbres sur tous les boulevards de la capitale. Il faut encourager tout le monde à planter dans son jardin et devant sa maison, car si on veut changer les choses on commence d’abord chez soi. Le reboisement doit faire partie de la politique et de la vision de l’administration RD-congolaise. Cette longue introduction pour simplement attirer l’attention sur le fait que c’est bien de vouloir planter et reboiser mais c’est encore mieux d’arrêter de couper nos arbres de manière anarchique et sauvage.

De manière générale, nos forêts sont en train de disparaître à une vitesse incroyable sur toute l’étendue du territoire mais encore plus autour de Kinshasa où la pression de la démographie qui explose de manière exponentielle reste très forte. En 2035, Kinshasa entrera dans le top 10 des plus grandes villes du monde à la septième place avec 27 millions d’habitants! Et cette population qui prépare chaque jour à manger sur les petits barbecues avec les «makala» fabriqués autour de la ville participe inconsciemment à sa carbonisation. La carbonisation due à la pression de l’homme est le premier danger pour nos forêts dans la ville-province de Kinshasa. Les constructions anarchiques et le braconnage suivent de très près.

La forêt de Bombo-Lumene

Prenons l’exemple du domaine et la réserve de chasse de Bombo-Lumene qui ont respectivement été créés par Arrêté 07 du 10 février 1968 pour la partie « Domaine » et par Arrêté 00621 du 16 avril 1976 pour la partie «Réserve» avec une surface totale d’environ 350.000 mètres carré avant Mbankana sur le plateau des Batéké à peine à 125km et avec une très grande partie à l’intérieur de la ville-province de Kinshasa.

«Historiquement, la Bombo-Lumene possédait une faune riche et variée propre aux savanes: éléphant, buffle, hippopotame, cobe Défassa, Guib harnaché, céphalophe de Grimm, Lion… La pression humaine doublée d’un braconnage intensif provenant de chasseurs de Kinshasa et des environs ont largement entamé ce potentiel faunistique de sorte que ne subsistent que quelques populations décimées de buffles, d’hippopotames, de guibs harnachés et de céphalophes de Grimm. Le lion et l’éléphant ont disparu de ce site -le lion depuis 1975», site Internet de l’ICCN. On y découvre une faune et une flore plus importantes qu’on croyait. Mais des récentes observations nous parlent même de plus d’espèces de mammifères unique présents dans ce domaine.

Le domaine et réserve de Bombo-Lumene est unique en ce sens qu’il possède à la fois de grandes savanes ouvertes et d’épaisses galeries forestières qui abritent à la fois des animaux de la savane et des animaux de la forêt dans la même réserve. La réserve abrite au moins 5 espèces de céphalophes -dont certaines sont rares et répertoriées comme menacées par l’UICN, des sitatungas et des guibs harnachés, des buffles de forêts, au moins 5 espèces de primates, plusieurs espèces de mangoustes, des potamochères roux, des hippopotames, et même des chacals. 

De nombreux oiseaux répertoriés sont rares et menacés de déclin et sont donc classés comme vulnérables par l’UICN, comme la cigogne à cou laineux et le merle à tête blanche.  Le domaine de la Bombo Lumene reste quand même pour le moment un lieu privilégié pour l’observation des oiseaux qui sont restés nombreux et varié avec des espèces -liste de plus de 200 espèces!- comme l’outarde, la cigogne, le francolin, la perdrix, la tourterelle, et spécialement le merle à tête blanche -Cossypha Heinrichi-, un oiseau extrêmement rare qui n’existe qu’en Angola et connu après observation par Marc Languy de WWF avec l’ICCN en 2014. 

Les habitants de la savane et des galeries forestières sont encore intacts mais présentent de dégradations prononcées et la biodiversité est menacée en permanence par le braconnage intensif, la coupe pour la carbonisation et le bois de chauffe et l’agriculture à l intérieure du domaine avec souvent les feux de brousse incontrôlée, la récupération des terres par la population avec construction de villages à l’intérieur du domaine.

Le plateau de Batéké s’étend de la RD-Congo au Gabon. La protection de cet écosystème au Gabon par exemple a vu le retour des lions, hyènes et même des éléphants. Si on protège l’endroit, la nature se renouvelle et les animaux reviennent. 

Aujourd’hui chez nous, la pression démographique de Kinshasa risque de faire disparaître ce domaine naturel avec toute sa biodiversité. Après quelques années de mauvaise gestion on est maintenant dans une situation où le chant des oiseaux est remplacé par le bruit des tronçonneuses, des forêts primaires entières sont coupées à une vitesse énorme, des villages anarchiques poussent comme des champignons, des tracteurs sont amenés à l’intérieur du parc pour préparer  les champs, des ponts artisanaux installés sur les rivières pour évacuer le bois par camion ainsi que des tonnes des «makala» chaque jour. Le domaine de Bombo-Lumene est en train de disparaître.

Nouvelle direction

Nous comprenons que récemment il y a eu la nomination d’une nouvelle équipe de gestion du parc et nous avons déjà des échos de Bombo-lumene qu’il y a un nouvel élan et une nouvelle volonté d’attaquer les problèmes du domaine. Mais ces problèmes sont nombreux et les moyens minimes. Alors, nous, les étudiants de la biologie et de conservation de la nature de l’Université de Kinshasa faisons un appel au Président de la République Félix Tshisekedi, au ministre de l’Environnement Claude Nyamugabo, au Gouverneur de Kinshasa Gentiny Ngobila, au Directeur de l’ICCN Cosma Wilungula et surtout aux chancelleries diplomatiques à Kinshasa et leurs agences de développement comme GTZ, Enabel, Difid, Usaid et les institutions comme la Communauté européenne et les ONG comme African parks, WWF, WCS de se mettre ensemble et de trouver les moyens pour faire du domaine de Bombo-Lumene, un véritable parc national de Kinshasa, bien protégé, bien outillé, bien financé.

Nouveaux emplois

Ce domaine pourrait être le moteur du développement du secteur touristique. Le domaine est à l’intérieur de la ville-province de Kinshasa. Ce domaine pourrait avoir un camping, un lodge, un game farm et plein d’activités éco touristiques avec des randonnées à pied, à cheval, en VTT, descente en kayak des rivières. Chaque activité représente une possibilité d’emplois diversifié pour les riverains du parc, de nombreux nouveaux métiers pour la population de Mbankana, Mutiene et les alentours sur le plateau de Batéké. 

Il faut juste la protéger, donner les moyens que le domaine et ses travailleurs méritent. Investir dans les facilités pour les éco gardes, repeupler le domaine avec les animaux endémiques de la région du plateau de Batéké, développer le tourisme durable, construire des éco-lodge tout autour, imaginé une petite industrie d’artisanat pour les touristes et visiteurs, créer les emplois en générale pour les gens des villages autour qui sont occupés aujourd’hui par le braconnage, la coupe du bois, la carbonisation et l’agriculture sauvage à l’intérieur du parc. 

Il faut créer autour du domaine, avec le parc, l’ICCN, des partenaires et bailleurs de fonds des projets agri forestiers, des fermes de tilapia, la production de miel, les insectes comestibles, etc. pour donner des emplois durables à la population. Si nous le faisons, la conséquence sera que la ville-province de Kinshasa va s’élever au rang des villes comme Nairobi, Cape Town, Rio de Janeiro et Singapour qui ont toutes des parcs nationaux dans la capitale et qui sont des moteurs de développement durable éco touristique pour ces villes. 

En 2035, nous aurons 27 millions de Kinois, la ville va s’étendre jusqu’au plateau de Batéké et au lieu d’être une menace pour l’environnement ça devrait être une opportunité. Sauvons le domaine de Bombo-Lumene afin que nos enfants et petits-enfants puissent y passer des week-ends en pleine nature à côté de la mégapole que va être Kinshasa. Ce sera pour eux l’opportunité de voir les animaux phares de près: des éléphants, des lions, des hippopotames.

Pour ce faire, on doit agir maintenant, arrêtons ensemble le bruit des tronçonneuses, sinon le parc va disparaître pour toujours et devenir juste une autre banlieue de Kinshasa. Le parc est là, maintenant il faut juste la volonté de sauvegarder ce poumon vert pour les futures générations des Kinois et des RD-Congolais.

Trésor Mpuku Tyo

Etudiant en Biologie/ Unikin

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