Depuis quelque temps, les chauffeurs de taxi et taxi-bus ont renoué avec les mauvaises habitudes tant décriées de la pratique du demi-terrain. Ce qui oblige les usagers à sectionner plusieurs fois leur trajet en vue d’atteindre leur destination. Cela se traduit par le décaissement des fonds souvent hors de portée des budgets familiaux déjà largement déficitaires. Tous les jours ouvrables, le matin pour se rendre au lieu du travail situé généralement au centre-ville et en fin de journée dans le sens contraire pour regagner leur domicile, les Kinoises et Kinois sont confrontés à une difficulté majeure : trouver une place à bord d’un taxi ou d’un taxi-bus pouvant assurer leur déplacement jusqu’au lieu de destination. Si dans plusieurs grandes villes du continent et d’ailleurs, le transport en commun est pris à bras le corps par les gouvernants, les déplacements à Kinshasa relèvent d’un véritable parcours de combattant.
Dans la ville de Kinshasa particulièrement où le phénomène «demi-terrain» bat son plein, le transport en commun figure parmi les problèmes majeurs qui embarrassent la population. Ce phénomène provoqué par les chauffeurs, consiste à parcourir seulement la moitié du trajet au lieu de transporter les clients jusqu’au terminus. Les usagers, surtout ceux qui résident dans les communes éloignées du centre-ville, entre autres N’Djili, Masina, Kimbanseke, Matete, Lemba, Mont-Ngafula, Selembao, etc. sont pour la plupart les premières victimes de ces mauvaises pratiques. Ces habitants sont contraints de s’armer de beaucoup de patience aux arrêts de bus dans l’attente hypothétique des véhicules commis au transport en commun pour assurer leur mobilité.
Les caprices des conducteurs de ces véhicules ont de fortes répercussions sur la gestion du temps des passagers transportés. C’est ce qui est souvent à la base du non respect de l’heure ou des rendez-vous pris. Pour le commun des mortels, il n’est pas toujours facile d’attraper un taxi-bus en pleine course. Craignant de transporter des passagers indésirables communément appelés «faux têtes», les chauffeurs trient les personnes à embarquer à bord de leurs véhicules.
Ils craignent vivement la présence des agents de l’ordre, des secouristes de la Croix rouge, des journalistes de la RTNC et de l’ACP exemptés du paiement des frais de transport. Il arrive souvent que ces derniers soient en nombre excédentaire par rapport aux passagers payants. D’où un déficit énorme qu’il leur est difficile de combler en peu de temps.
De fausses cartes d’identité en vogue dans les taxi-bus
Et pourtant, s’écrie Thomas Lungela, propriétaire de quelques taxi-bus, le pouvoir public a pris le soin de limiter le nombre d’agents de l’ordre qui ne paient pas de manière à ne pas pénaliser les résultats de l’exploitation des bus de l’Etat. Ce qui n’est pas le cas pour les opérateurs privés qui ne reçoivent aucune subside de l’Etat, mais sont pourtant contraints à des dépenses contraignantes en termes d’achat de carburant, frais de maintenance des véhicules, paiement de diverses taxes sans contrepartie.
Dans l’exploitation de leurs taxi-bus, les chauffeurs et receveurs en voient parfois de toutes les couleurs. Des personnes malintentionnées se faisant passer pour des militaires ou policiers refusent de payer la course comme tous les autres clients. Lorsque des pressions leur sont exercées, elles présentent de fausses cartes de service ou d’identité qui n’ont aucun rapport avec la liste des personnes exemptées.
D’où l’obligation des exploitants de les amener au poste de police le plus proche. Malheureusement, ces arrêts de travail prennent parfois beaucoup de temps, voire des heures d’attente où les chauffeurs pourtant plaignants sont contraints de débourser de fortes sommes avant de reprendre le travail. Ce temps perdu est aussi synonyme d’argent perdu. Dès qu’ils reprennent la route, les chauffeurs des taxi-bus prennent le raccourci aux heures de pointe pour rattraper le temps perdu au grand désarroi des passagers.
Nécessité de résorber le gros du trafic par les sociétés de transport d’Etat
Certains Kinois approchés accusent la faiblesse des gouvernants qui ne parviennent pas à doter la capitale d’un charroi automobile conséquent de manière à résorber la forte demande des voyageurs comme cela est le cas sous d’autres cieux. A les en croire, le gros du trafic devrait en principe être résorbé par des sociétés de transport d’Etat capables de desservir toute la ville, les privés venant en appui et non pas l’inverse. Or, à ce jour, la plupart des véhicules appartiennent à des privés, particulièrement des RD-Congolais et RD-Congolais de la diaspora dont la gestion est confiée à leurs membres de familles qui ne tiennent pas nécessairement compte des préoccupations des habitants de la ville.
Or, selon Mme Fatou, tant que les opérateurs privés ne vont pas trouver leurs comptes dans l’exploitation de leurs véhicules, les chauffeurs qui sont tenus au versement d’un montant convenu, vont toujours multiplier des subterfuges pour remplir d’abord leur contrat sans faire des états d’âme.
A ces perturbations causées par la présence massive à bord des personnes qui ne paient pas, s’ajoutent les tracasseries policières qui ont monnaie courante sur la voie publique. Non seulement les policiers de la circulation routière continuent de rançonner les conducteurs des taxi-bus et taxis avec le fameux «mbote ya likasu», d’autres services aux contours flous se jettent dans la danse pour soutirer de l’argent aux usagers de la route. C’est dans cette catégorie que l’on retrouve les agents dits du «bureau deux», certains agents de la police de proximité, voire certains PM, etc.
Amélioration de la qualité des moyens de transport des masses
Il est de bon ton que les autorités urbaines se penchent sur ces pratiques démobilisatrices en vue d’y apporter des solutions idoines. Voilà un dossier transversal qui interpelle plusieurs structures de l’appareil de l’Etat : gouvernement central, gouvernement et assemblée provinciale, police nationale, etc.
La relance des activités économiques passe nécessairement par l’amélioration de la qualité des services de transport en commun de manière à faciliter la mobilité des gens dans des conditions décentes et permettre ainsi une meilleure gestion du temps. Ce temps est tellement précieux que les Anglais disent « time is monney ». Voilà qui relance la problématique de la mise en route des véhicules de transport de grande capacité, de l’extension du réseau du train urbain, de l’avènement des métros.
Frezia KABAMBA
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