Société

Les «Wewa» ne cessent de dépouiller les paisibles citoyens kinois

Les générations actuelles n’ont pas connu l’époque où le vélo était le moyen de locomotion le plus prisé des Kinoises et des Kinois, Ralley pour les hommes et Ndeke luka pour les dames. Au fil des années, les conditions de vie s’améliorant dans la capitale, les motocyclettes de marques Vespa, Puch, Mobylette ont pris la relève jusqu’à ce que les voitures de marque VW, Mazda, Toyota, Mini Morris et autre Honda n’occupent l’espace et relèguent les vélos dans les villages. Aujourd’hui à Kinshasa, le charroi automobile affecté au transport urbain a pris du volume. Mais cela ne suffit pas. Les difficultés de transport contraignent la grande majorité des habitants de la ville-province de recourir aux déplacements sur des motos-taxis sur de longues distances et parfois même à des endroits quasi inaccessibles à des véhicules sur quatre roues.
En dépit de la forte sollicitation dont ils sont l’objet de la part de leurs passagers, certains motocyclistes profitent de cette position pour s’adonner à des actes illicites. Ils opèrent au grand jour, en jetant leur dévolu sur de paisibles passants qu’ils dépouillent de leurs objets tels que les appareils de téléphonie cellulaire, les bijoux, les sacs, les enveloppes contenant de l’argent, des dossiers personnels, etc. Ces pickpockets opèrent parfois sous la barbe des agents de l’ordre dans des carrefours même aux heures de grande affluence.
Pendant plusieurs décennies, les voies cyclables ont disparu dans la capitale. Ces dernières années, avec la poussée démographique exacerbée par l’exode rurale, le charroi automobile affecté au transport en commun tant par le pouvoir public que les privés, particulièrement les RD-Congolais de la diaspora, ne convenait plus pour absorber la forte demande de mobilité des Kinoises et Kinois. Du coup, les rues et avenues de la capitale et de grandes agglomérations à l’intérieur du pays ont été envahies par des motocyclettes comme si on était dans la série «Bobo Diouf» ou carrément un documentaire réalisé à Djakarta pour apercevoir des bicycles à perte de vue.
Ignorance criante du code de la route et absence du permis de conduire
Aujourd’hui, Kinshasa compte plus de dix millions d’habitants. Les véhicules qui font le taxi, sont en grand nombre constitués en majeure partie par ceux appelés communément «ketches» dont le nombre recensé dans la capitale s’élève à 26.000. Les bus et minibus affectés au transport en commun sont en nombre largement insuffisant pour assurer le déplacement harmonieux des personnes et des biens à travers les communes de la capitale et vers les lieux de négoce situés au centre-ville. Pour pallier à ces insuffisances, les autorités de la ville-province de Kinshasa ont autorisé l’usage des motos-taxis à cette fin.
Force est de noter que la plupart de motards, si pas la quasi-totalité, ignore le code de la route et ne dispose même pas de permis de conduire. Le port du casque de sécurité par les motards semble un luxe. Plus de 90% des motos ne disposent pas de plaques minéralogiques. Ce qui pose un sérieux problème d’identification des conducteurs et propriétaires en cas d’accidents ou d’incidents.
Ces taxis-motos, comme d’aucuns le savent, sont une véritable bouée de sauvetage venue atténuer quelque peu les difficultés de transport vécues quotidiennement par les Kinoises et Kinois, à cause de l’état de délabrement avancé des routes, des travaux de réhabilitation inachevés entrepris dans les différentes artères de la capitale ainsi que de la rareté des bus confortables surtout dans les quartiers périphériques et au-delà de 20 heures.
Actes inciviques commis par les motards ou les clients transportés
Ces taxi-motos ont l’avantage de relier de longues distances, de braver les embouteillages et d’atteindre même les coins les plus reculés et difficiles d’accès pour les véhicules en un temps réduit. Ils sont opérationnels même à des heures avancées de la nuit surtout dans les quartiers périphériques de Kinshasa où les vieux tacots ont encore de beaux jours. Si la mise en route des taxis-motos est saluée des deux mains par la population, d’un autre côté, leur exploitation est à la base de beaucoup d’actes d’incivisme commis par des personnes mal intentionnées.
C’est le moyen de locomotion sur lequel certains voleurs opérant au grand jour ont jeté leur dévolu pour dépouiller de paisibles passants de leurs petits objets tels que les appareils de téléphonie cellulaire, les bijoux, les sacs, les enveloppes contenant de l’argent, des dossiers personnels, etc.
Curieusement, ces actes inciviques sont commis soit par les motards eux-mêmes, soit par les clients transportés par eux qui se font passer pour des clients ordinaires en vue de tromper la vigilance des passants ou piétons en quête d’un moyen de locomotion. Ces pickpockets agissent en plein jour, parfois sous la barbe des agents de l’ordre dans des carrefours même aux heures de grande affluence.
Faiblesse notoire dans l’identification des motos
D’autres catégories plus agressives se muent en véritables gangs organisés, singularisés dans les vols à mains armées, les cas d’extorsion, les traitements dégradants sur de paisibles citoyens. Jimmy Mutombo, motard, marié et père de deux enfants, témoigne: «Ce sont des Kinois malintentionnés qui se cachent derrière ceux qu’on a surnommés Wewa -«toi» en tshiluba. Quant à moi, en tant que responsable, je travaille correctement pour nourrir ma famille. Des actes aussi insensés exposent inévitablement la famille à la malédiction».
Pour combattre ce phénomène, l’autorité provinciale a pris une batterie de mesures depuis quelques mois déjà, interdisant la circulation des taxis-motos au-delà de 21 heures, sans compter certaines tentatives de règlementation du secteur notamment, l’identification de ces motos avec des plaques d’immatriculation comme cela se fait pour tout engin motorisé en circulation.
Curieusement, les motards se plaignent d’avoir payé depuis plusieurs années tous les frais nécessaires, mais la livraison des plaques minéralogiques tarde à se concrétiser. Des langues se délient pour fustiger un conflit d’intérêt dans ce marché de fourniture des plaques confié à une grosse pointure du régime qui ne cesserait de renvoyer aux calendes grecques leur livraison.
Ne pas généraliser les méfaits sur tous les conducteurs
«Ces Wewa font peur. D’abord, ils conduisent mal faisant montre des connaissances approximatives du code de la route. Ils m’ont déjà volé sur la Place Victoire. Alors que je m’apprêtais à sortir l’argent pour honorer la course effectuée, le même motard qui m’a transporté depuis l’UPN, m’a subtilisé mon porte-monnaie, a démarré en trombe et disparu dans la nature. A cette heure, je ne savais plus à quel saint me vouer, vu qu’il était presque minuit», fulmine Patrick Yamba, un passionné de la moto.
Njovu Djanga, étudiant à l’Université de Kinshasa -UNIKIN-, relativise: «Des emplois ont été créés avec l’exploitation des motos-taxis. Nous sommes des responsables. Il y a certes des brebis galeuses Mais, on ne peut pas tous nous imputer des actes illicites que nous n’avons pas commis. Nous vivons parfois des scènes de complicité entre certains éléments des forces de l’ordre et ces inciviques !».
Il y a un sérieux problème de conscientisation et de moralisation des conducteurs des taxis-motos. Des actions musclées doivent être menées par leurs encadreurs pour les ramener à des comportements civiques responsables.
Tracasseries policières découragent les actes de dénonciation
Martin Kovo, opérateur économique, stigmatise la peur au ventre caractérisant beaucoup de motards qui n’ont pas le courage de dénoncer ces actes répréhensibles commis pourtant en leur présence. Il regrette également le manque de résultat palpable réservé à ce genre de plainte.
Alpha Mobila, quant à lui, estime que la peur de se faire arrêter à la place des voleurs ayant commis ces forfaits, décourage souvent les motards pourtant disposés à déposer plainte. Les tracasseries policières en pareils cas ne les incitent nullement à suivre cette voie, car ils perdent souvent inutilement beaucoup de temps et d’argent pour avoir osé dénoncer ces actes inciviques après des structures appropriées de l’Etat.
Frezia KABAMBA

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page