Il n’est un secret pour personne. En RD-Congo, les journalistes et les médias sans distinction d’appartenance politique ou idéologique évoluent dans un environnement généralement à plusieurs égards politique, économique, juridique, sécuritaire. On ne compte pas le nombre des cas des menaces, d’intimidations, des détentions arbitraires, des agressions physiques. Les journalistes se posent la question comment parler de la liberté de la presse quand l’accès aux sources d’informations surtout officielles constitue un gageur. Une bonne raison pour Tshivis Tshivuadi, secrétaire général de l’ONG Journaliste en danger -JED-, de dessiner, mercredi 3 mai 2017 à l’occasion de la Journée mondiale de la presse, un état de lieux sombre. Durant tout le mois de mai, décrété de la liberté de la presse, un slogan de campagne est lancé: «Engageons-nous… pour des médias libres, pour la paix et pour la cohésion nationale». A en croire Tshivis Tshivuadi, ce secteur doit être soutenu par le pouvoir politique et protégé par un Etat de droit.
Aujourd’hui, le tableau général de l’exercice de la liberté de la presse en RD-Congo indique un inquiétant recul. Malgré les lettres de dénonciation et protestation, pour cette année, le JED n’a constaté aucun signe, ni volonté politique tendant à renforcer la liberté de la presse et la sécurité des journalistes. Quelques chiffres le démontrent. A titre illustratif, l’année 2016 s’est terminée avec au moins 87 cas de violation de droit de la presse enregistrés. En l’espace de 5 mois, 69 cas d’atteinte sont recensés dont 21 journalistes interpellés ou arrêtés, 20 cas de menaces et 26 cas de censure ou fermeture des médias. A cette suite s’ajoute un journaliste tué à Mbuji-Mayi au mois de décembre 2016, trois journalistes ont fui les violences et les menaces au Kasaï-Central et deux médias ont été attaqués et incendiés.
Ici à Kinshasa, un journaliste croupit à la Prison centrale de Makala sans aucun jugement le condamnant. Sans parler du signal de RFI qui reste bouillé et de ces médias de l’Opposition fermés depuis plusieurs mois. A ce fait, pour permettre à la presse de jouer correctement et dans la sérénité le rôle qu’on attend d’elle pour consolider la paix et la démocratie à quelques mois des élections dont tout le monde souhaite qu’elles soient libres, transparentes et apaisées, le JED demande aux journalistes de faire preuve de professionnalisme par le respect strict de leur code d’éthique et de déontologie ainsi que de la charte de responsabilité des journaliste en période de crise adopté lors du dernier colloque de la presse.
Recommandations
Au Président la RD-Congo, le JED demande de marquer la fin de son deuxième et dernier mandat par un geste ultime en faveur de la presse en décrétant un moratoire suspendant les emprisonnements des journalistes pour des délits de presse autres que les incitations à la haine et à la violence et d’une loi sur la dépénalisation des délits de presse. Aussi Joseph Kabila est appelé à ordonner la libération des personnes arrêtées pour des motifs liés à la liberté de presse ou d’expression et la réouverture de tous les médias actuellement fermés sur l’ensemble du pays. Les professionnels des médias souhaitent que le Chef de l’Etat engage le Procureur général de la République à initier dorénavant des poursuites judiciaires à l’encontre de tous ceux qui s’attaquent aux journalistes à cause de leur travail ou violent impunément la liberté de l’information.
Aux députés nationaux et sénateurs, la JED veut qu’ils inscrivent la question de la dépénalisation des délits de presse à l’ordre du jour de plus proches sessions et surtout de voter un budget annuel d’aide à la presse conçue non comme un cadeau du prince à la presse mais comme une contribution de la collectivité à sa propre information. «Les parlementaires doivent accélérer le processus déjà en cours pour l’adoption de la loi sur l’accès à l’information qui obligerait les mandataires publics à tous les niveaux à rendre compte au peuple en laissant libre, l’accès des journalistes sans exception aux sources d’informations officielles», recommande le JED.
Aux instances de régulation des médias d’inscrire dans leurs programmes prioritaires à soumettre au gouvernement et aux partenaires de la RD-Congo l’aide à la presse, le renforcement des capacités des médias, l’indépendance et l’accès aux médias publics de tous les courants de pensée et d’opinion. Aux partenaires bilatéraux et multilatéraux de la RD-Congo, le JED leur recommande de considérer le secteur des médias comme étant un secteur sinistré et prioritaire au même titre que le secteur de la santé, des infrastructures ou de l’éducation et de faire bénéficier les médias RD-congolais des avantages liés aux programmes d’appui aux médias des pays post-conflits.
Médias numériques et sociaux bouleversés
«Des esprits critiques pour des temps critiques: le rôle des médias pour la promotion des sociétés justes, pacifiques et inclusive», tel est le thème choisi par l’UNESCO pour célébrer cette journée. Irina Bokova, directrice générale de l’UNESCO, constate que le secteur des médias est bouleversé en profondeur par l’avènement des réseaux numériques et médias sociaux. L’enjeu est clair. L’UNESCO a besoin d’un journaliste original, critique et bien documenté qui s’appuie sur des règles de déontologie professionnelle exigeantes et sur une éducation aux médias de qualité allié à un public correctement initié aux médias et à l’information. L’UNESCO joue, dans ce domaine, un rôle moteur à travers le monde à commencer par son engagement en faveur de la sécurité des journalistes. Le meurtre reste trop souvent la forme la plus tragique de censure. 102 journalistes ont payé de leur vie en 2016. Cette situation est inacceptable et affaiblit les sociétés dans leur ensemble. C’est la raison pour laquelle l’UNESCO est, avec les partenaires, le fer de lance du plan d’action des Nations unies sur la sécurité des journalistes et la question de l’impunité à travers le globe. Cette journée a été débutée par un petit carnaval motorisé dénommé «Carnaval de la liberté».
Bijou KULOSO