Le ministre RD-congolais de la Santé publique, Félix Kabange Numbi, a dernièrement lancé, avec l’appui de l’Organisation mondiale de la santé -OMS- à Kinshasa, le système de récompense financière pour intensifier la surveillance de la maladie du ver de Guinée ou Dracunculose en vue de l’obtention de la certification. Selon le ministre de la Santé publique, il s’agit d’une récompense financière d’USD 400 offerte aux personnes ayant joué un rôle dans le processus de détection de tout cas de la dracunculose en RD-Congo, confirmé génétiquement par le Centre collaborateur de l’OMS, le CDC d’Atlanta aux Etats-Unis d’Amérique.
Le système consiste à encourager et motiver tout bénéficiaire ayant joué un rôle dans le processus de détection de tout cas de la dracunculose confirmé génétiquement par le Centre collaborateur de l’OMS, le CDC d’Atlanta. «Un malade qui accepte de se faire dépister volontairement de la maladie du ver de Guinée-dracunculose-, l’informateur qui l’accompagne pour cette consultation, l’infirmier du centre de santé le recevant pour le prélèvement de l’échantillon et l’équipe cadre de la zone de santé vont tous bénéficier d’un total d’USD 400, en raison d’USD 100 par personne», a expliqué le Dr Mukengeshayi Kupa, secrétaire général à la Santé publique, lors du lancement officiel de la campagne de récompense, en présence du Dr Allarangar Yokouidé, représentant de l’OMS en RD-Congo, ainsi que d’autres directeurs des services centraux et programmes spécialisés des ministères de la Santé publique et des Médias de Kinshasa.
Pour le Dr Allarangar, la RD-Congo doit miser sur la forte sensibilisation des médias pour faire une plus large diffusion de ce système de récompense financière afin que toute la population soit bien informée et soit également mise à contribution pour la vérification de la présence ou non de la maladie du ver de Guinée dans le pays. A l’en croire, ce ne sera que sur cette base que la RD-Congo pourra faire le rapport pour demander la certification de l’éradication de la dracunculose sur son sol. Cette cérémonie a également connu la mise en place d’un comité national pour la certification de l’éradication de la maladie du ver de Guinée. Ce comité aura pour mission de piloter le processus sur le terrain, avec l’appui de différentes divisions provinciales de la santé -DPS- pouvant confirmer ou non des cas autochtones de la dracunculose. La RD-Congo, pays jadis historiquement endémique à la dracunculose avant l’indépendance avec 518 cas déclarés entre 1949 et 1958, présente à ce jour une situation qui n’est pas bien connue sur le plan épidémiologique sur l’ensemble du pays.
Parasite des refuges
Les vers de Guinée, ou Dracunculus medinensis, sont des parasites minces qui vivent à l’intérieur du corps humain. Ils peuvent atteindre jusqu’à 3 pieds de long -1 mètre- avant qu’ils émergent à travers la peau. Le ver se reproduit sans cesse. «Le ver femelle a un long utérus, avec des centaines de milliers de larves immatures, et elle éjecte les larves dans l’eau plein à craquer», a expliqué le Dr Donald Hopkins, vice-président des programmes de santé au Centre Carter. Et d’ajouter: «les larves sont microscopiques, elles ne peuvent pas être vues à l’œil nu. Elles parviennent au stade infectant après avoir été ingérées par de petits crustacés ou copépodes, également appelés puces d’eau». La dracunculose est une maladie parasitaire invalidante provoquée par ce vers. Selon le Dr Donald, la maladie est rarement mortelle, mais les sujets atteints par la maladie peuvent être handicapés pendant des mois. Elle touche les populations des communautés rurales déshéritées et isolées qui, pour l’eau de boisson, sont essentiellement tributaires de points d’eau en surface non aménagés tels que des mares contaminées par des puces d’eau parasitées. «Les gens ingèrent ces puces d’eau parasitées en buvant de l’eau contaminée. Les crustacés sont tués dans l’estomac, mais les larves infectantes y sont libérées. Elles traversent ensuite la paroi intestinale et migrent à travers l’organisme. Les vers femelles fécondées mesurant entre 60 et 100 cm de long à la maturité, effectuent une migration sous les tissus cutanés jusqu’à ce qu’ils atteignent leur point de sortie, généralement situé sur les membres inférieurs, formant une phlyctène ou une tuméfaction à partir de laquelle ils émergent. La période d’incubation de ver peut durer de 10 à 14 mois», a-t-il renchéri. Près d’un an après l’infestation, une phlyctène douloureuse se forme -dans 90% des cas au niveau de la jambe- et un ou plusieurs vers sortent ou émergent de la peau, accompagnés d’une sensation de brûlure. Pour calmer celle-ci, les patients ont souvent tendance à plonger la zone infestée dans l’eau permettant ainsi au ver de libérer des milliers de larves dans l’eau.
Mode de prévention
Selon le vice-président des programmes de santé au Centre Carter, il n’existe ni vaccin ni traitement médicamenteux contre la dracunculose. Mais, a-t-il rassuré, la maladie est tout de même sur le point d’être éradiquée grâce à certaines stratégies de prévention notamment le renforcement de la surveillance pour détecter tous les cas dans les 24 heures suivant l’apparition du ver; la prévention de la transmission moyennant le traitement, le nettoyage et le bandage réguliers des lésions cutanées jusqu’à ce que le ver ait été totalement expulsé de l’organisme; la prévention de la contamination de l’eau de boisson en conseillant au patient de ne pas mettre son ver en contact avec l’eau de boisson; un accès plus large à des sources d’eau de boisson salubres pour éviter l’infection; le filtrage de l’eau provenant de sources ouvertes avant qu’elle ne soit bue; la lutte contre le vecteur à l’aide du téméphos -larvicide; et enfin la promotion de l’éducation sanitaire et du changement de comportement.
En outre, la stratégie d’éradication recommandée par l’OMS en collaboration avec ses principaux partenaires -l’UNICEF, les CDC et le Carter Center-comporte les points suivants: la cartographie de tous les villages d’endémie et mise en place de systèmes de surveillance à assise communautaire dans tous les villages d’endémie connus, avec détection et notification immédiates de tous les cas, supervision et intégration de la surveillance avec d’autres grandes maladies évitables; mise en œuvre de mesures efficaces pour le confinement des cas dans tous les villages d’endémie; mise en œuvre d’interventions spécifiques comme l’accès à de l’eau de boisson saine; l’éducation sanitaire; la mobilisation des communautés; les filtres et la lutte anti vectorielle, avec un insecticide, le téméphos, dans les sources d’eau potentiellement insalubres; la régularité des rapports, même lorsqu’il y a zéro cas, et maintien des bases de données aux niveaux mondial et national sur la dracunculose pour le suivi de la situation épidémiologique; la consolidation du plaidoyer pour l’éradication de la maladie; la gestion du processus de certification pays par pays en vue de l’éradication mondiale.
La mise en œuvre des mesures
Pour l’OMS, la mise en œuvre de ces mesures par les communautés dans les villages permettra d’atteindre le but ultime de l’éradication. Pour rappel, depuis 1995, l’OMS a déjà certifié 198 pays, territoires et zones appartenant à 186 états membres et qui sont désormais exempts de transmission. En 2015, il ne manquait plus que huit pays à certifier, ainsi que les quatre derniers pays d’endémie -Éthiopie, Mali, Soudan du Sud et Tchad- et l’Angola, le Kenya, la RD-Congo et le Soudan.
Olitho KAHUNGU
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