Après quatre années d’un procès marathon, la Justice allemande a condamné, lundi 28 septembre 2015, deux chefs de la rébellion huturwandaise à la prison ferme, pour avoir orchestré depuis l’Allemagne des crimes contre l’humanité et de guerre dans l’Est de la RD- Congo. Il s’agit d’Ignace Murwanashyaka et Straton Musoni, respectivement Président et vice-président des Forces démocratiques de libération du Rwanda-FDLR. Ignace Murwanashyaka est condamné à 13 ans et Straton Musoni à 8 ans de prison par une Cour de Stuttgart.
Ignace Murwanashyaka et Straton Musoni, président et vice-président des Forces démocratiques de libération du Rwanda -FDLR-, ont été condamnés respectivement à 13 ans et 8 ans de prison par une Cour de Stuttgart dans le sud-ouest de l’Allemagne, où ils comparaissaient depuis le 4 mai 2011. De l’Allemagne, où ils vivent depuis vingt ans, ces chefs de guerre se sentaient en sécurité pour diriger, à distance, leurs troupes des Forces démocratiques de libération du Rwanda -FDLR. Une rébellion féroce, en partie composée de génocidaires hutus rwandais, qui sévit dans l’Est de la RD-Congo.
Selon le Parquet fédéral basé à Karlsruhe, trois quarts des accusations qui pesaient sur ces deux chefs de guerre ont été abandonnées dans la mesure où les deux hommes, âgés de 51 et 54 ans, devaient initialement répondre de 26 crimes contre l’humanité et 39 crimes de guerre, commis en 2009. Il s’agit de meurtres, de viols, du pillage et de l’incendie de nombreux villages, et du recrutement de force d’enfants-soldats. «Ils devaient également répondre de la direction d’une entreprise terroriste à l’étranger. Mais la Cour avait finalement abandonné les trois quarts des accusations pour se concentrer sur les meurtres», a précisé le Parquet fédéral. A en croire le juge Jürgen Hettich qui a délivré le verdict, «il ne s’est pas agi d’un procès politique mais d’une procédure pénale d’une ampleur particulière».
Pour le Professeur AndrejUmansky et spécialiste de Droit pénal à l’Université de Cologne dans l’Ouest de l’Allemagne, le procès a été marqué par des problèmes de traduction et de pressions sur les témoins, d’autant qu’il s’est aussi heurté à l’éloignement géographique et la nature collective des massacres. Les deux accusés doivent maintenant répondre de leurs actes présumés, devant la Justice allemande. Meurtres, viols, pillages, incendies, recrutement d’enfants-soldats, prises d’otages… Il aura fallu une heure à l’accusation pour lister les faits qui leur sont reprochés. «Il s’agit de toute la palette d’atrocités que l’on peut s’imaginer dans une guerre civile», a lancé le procureur fédéral Christian Ritscher devant le Tribunal de Stuttgart. En tout, 26 chefs d’accusation de crimes contre l’humanité et 39 de crimes de guerre, commis par les FDLR entre 2008 et 2009 dans l’Est de la RD-Congo précisément dans les cités de Busurungi, Kipopo, Mianga, Butulonga et Malemo, ont été reconnus contre eux. Selon l’accusation, Ignace Murwanashyaka et Straton Musoni ont ordonné et coordonné les exactions depuis l’Allemagne par le biais de communications téléphoniques, e-mails, via des pages Internet et des émissions de radio.
Contrairement à la justice française, qui avait remis CallixteMbarushimana, un autre responsable des FDLR, à la Cour pénale internationale -CPI- pour le juger, les magistrats allemands se disent compétents pour juger ce type de crimes, même si aucun citoyen allemand n’y est impliqué. Le principe de la compétence universelle de la Justice allemande pour les crimes violant le droit international a été introduit en 2002. Dès l’ouverture de ce procès, Berlin avait reçu des félicitations de la part du Secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon, qui estime que ce procès peut contribuer à stabiliser l’Est de la RD-Congo. Dans la même logique d’idées, l’ONG HumanRights Watch, a indiqué que cette audience vient clore un chapitre d’inaction. «La condamnation d’hier lundi 28 septembre est un message très clair: que les personnes qui sont impliquées dans de crimes graves, ne peuvent plus se cacher», a affirmé Géraldine MatiolliZeltern, chercheuse à HumanRights Watch.
Pour cette organisation internationale, une justice est enfin rendue à des milliers de RD-Congolais ayant subi de graves abus de la part des FDLR, et les crimes commis par d’autres chefs rebelles ne resteront pas impunis. «Il y a de plus en plus des pays comme l’Allemagne qui poursuivent les crimes de guerre et crimes contre l’humanité, où qu’ils soient commis. Et donc, j’espère que toutes ces personnes qui, depuis l’Europe, les Etats-Unis et ailleurs, organisaient les financements ou le soutien politique à des groupes armés au Congo, comme les FDLR, vont recevoir le message 5 sur 5, que ce sont de crimes et qu’ils peuvent faire face à la justice», a ajouté Géraldine MatiolliZeltern. HRW pense qu’il est maintenant temps d’arrêter le chef militaire des FDLR, le Général Sylvestre Mudacumura, toujours dans l’Est de la RD-Congo, et qui continue de diriger des troupes qui commettent des crimes graves contre les populations civiles RD-congolaises.
Satisfaction du gouvernement RD-congolais
Le gouvernement de la RD-Congo se dit satisfait de la condamnation par la justice allemande d’Ignace Murwanashyaka et Straton Musoni. Pour le porte-parole du gouvernement, Lambert Mende, cette sentence fait reculer les limites de l’impunité. «Nous sommes tout à fait conscients que c’est l’impunité qui nourrit la persistance de ce phénomène dans l’Est de la RD-Congo. Il y a des gens qui y viennent après avoir causé des ravages chez eux et qui prétendent nous imposer leurs présences, détruisent notre écosystème et tuent nos populations», a affirmé Lambert Mende qui a estimé que cette condamnation est un message clair et un signal qui va impacter l’attitude de ces rebelles qui refusent d’être désarmés et combattent les FARDC.
Ignace Murwanashyaka a été reconnu coupable de crimes de guerre en lien avec cinq attaques commises par les FDLR dans l’Est de la RD-Congo et pour avoir dirigé une organisation terroriste. Quant à Straton Musoni, il a été reconnu coupable d’avoir dirigé une organisation terroriste, mais a été acquitté concernant l’accusation de crimes de guerre et crimes contre l’humanité. Ignace Murwanashyaka avait en effet été arrêté une première fois en 2006, puis relâché. En 2008, l’Allemagne avait refusé une extradition réclamée par le Rwanda, avant qu’il ne soit finalement arrêté pour être jugé en novembre 2009. C’est en mai 2011 que le procès de Murwanashaka et Musoni avait commencé en Allemagne.
Olitho KAHUNGU
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