La commission électorale nationale indépendante a lancé le vendredi 22 décembre la publication des résultats partiels de la présidentielle des 20, 21, 22, 23, 24 et 25 décembre. Cette proclamation est rythmée par des tableaux et cartes officiels reprenant chaque fois les tendances selon que les résultats de différents territoires ou villes sont renseignés par la Centrale électorale. Mais une carte, rendue publique le 26 décembre, diffère de toutes les autres dans ce sens qu’elle donne les tendances générales de trois principaux protagonistes de cette présidentielle. Notamment Félix Tshisekedi, donné en tête dans 21 provinces, avec des scores frôlant les 100% dans les 3 Kasaï, Moïse Katumbi, limité dans les 4 provinces issues de l’espace Grand-Katanga, avec notamment 79% dans le Haut-Katanga, et Martin Fayulu, consacré roitelet dans une seule province, le Kwilu, où il s’en tire avec 67%.
Quoi que partiels, ces résultats publiés par la CENI via cette carte et projetés sur écran géant depuis son centre «Bosolo», sont salués et présentés comme un massacre électoral par le camp de Félix Tshisekedi. Les gens veulent comprendre comment la CENI en est arrivée à ces chiffres sortis quatre jours après le début de l’officialisation des résultats alors que le vote étaient en cours dans certaines provinces en retard et que la compilation n’avait pas encore débuté.
«Cette table fait jaser. Elle a joué et continue, de par son caractère manipulateur, à jouer un rôle prépondérant dans la préparation de l’opinion à accepter les résultats», se convainc un expert électoral. Cette manière de vouloir imposer le fait accompli ne passe pas aux yeux de certains acteurs de la Société civile, attirés par la thèse du simulacre électoral, très critiques à l’égard du tableau de Kadima, curieux de savoir sur quelle méthode objective s’est appuyée la Centrale électorale pour parvenir à de tels résultats favorables à Tshisekedi avant le début de la compilation.
La thèse d’un score préétabli!
Président honoraire du Conseil de l’apostolat des laïcs catholiques du Congo -CALCC-, Crispin Nlanda Ibanda assène: «La CENI a fini de démontrer non seulement sa partialité mais aussi son manque de sérieux et de professionnalisme. Même si tout le tableau était orange, moi je n’y croirais pas pour la bonne et simple raison que le nombre des machines à voter entre les mains des privés, suffit pour se permettre de donner un score stalinien à n’importe qui. Tshisekedi aurait pu gagner à la régulière. Mais là, Kadima a terni sa victoire».
Puis: «Un principe bien connu de droit dit la fraude corrompt tout. Je ne sais pas comment en âme et conscience, les juges de la Cour constitutionnelle pourront ne pas invalider ces élections. Sur le plan politique, ces élections ouvrent la voie à une crise dans un environnement sécuritaire dangereux. Denis Kadima et Félix Tshisekedi donnent des arguments, des prétextes à ceux qui veulent faire la guerre contre le pays. Et c’est cela que tous les analystes sérieux craignaient. Les personnes qui ont une forte sensibilité spirituelle le percevaient de partout et disaient très clairement qu’il ne fallait pas organiser ces élections. Mais le président Félix Tshisekedi s’est entêté. Aujourd’hui, l’opprobre s’ajoute à l’opprobre dont il tenait à se laver. Et il met en danger la nation».
Dieudonné Mushagalusa, président du Panel des experts de la Société civil, a les commentaires suivants: «Un non sens. On dégage le diagramme ou le pourcentage après compilation. Or, dans ce cas et à ce jour là, il n’y avait jamais eu compilation. Le système mis en place pour la récolte, l’encodage et la transmission des données ne pouvait pas permettre d’avoir ce tableau surtout que les élections n’ont pas commencé le même jour partout où c’est hachuré. Voilà une preuve palpable que le résultat était préétabli».
Aucune compilation à la CENI/Haut-Katanga
Président du conseil d’administration de l’ODEP, Florimond Muteba se montre sceptique: «Cette carte est publiée avant même qu’il y ait la compilation. Ça procède des choses étranges qui ont accompagné le processus électoral. Combien de fois la CENI s’est adressée au ministère des Finances déjà pour débloquer le fonds? Ça procède de tous ces désordres que nous avons tous constatés. Pourquoi ces désordres? C’est tout simplement parce que le gouvernement et la CENI ne se sont pas appropriés de ces principes de base dans la gestion, notamment prévoir, organiser, commander et contrôler. Prévaloir c’est planifier.
A partir de 2019, le processus électoral devrait être planifié. Ici il y a phase de planification, programmation et la mise en œuvre des activités. Tout cela devrait être prévu par le gouvernement et la CENI. Ce désordre a commencé depuis longtemps déjà par rapport au fait de mettre de côté la provision pour le financement du processus, au point où nous arrivons à la fin et la CENI vous dit il nous doit encore 160. 000.000 de dollars. Quelques jours avant les élections, il fallait demander aux Angolais, aux Congolais d’en face. Bref, il fallait tendre la main autour de nous ici pour qu’il y ait les avions pour venir essayer d’amener les kits électoraux. Ça procède toujours de ce desordre, c’est-à-dire ce déficit de la planification, de la programmation, de la budgétisation, de suivi, d’évaluation du projet électoral».
Florimond Muteba pense que cet imbroglio va au-delà du tableau et il plaide pour le traitement de tous les dégâts nés de ce désordre.
«Vous avez le rapport de la CENI qui signale plus 1100 et quelques cas des rapports négatifs qui ont été donnés contre 300, et qu’ils disent ça a été bien passé. Le problème est qu’il y a des gens qui ne veulent pas entendre parler des critiques. On a vu beaucoup de faits qui sont tout sauf pouvant faire partie d’une organisation, d’une élection libre, transparente et apaisée. On a vu autant de machines dans les maisons des dignitaires du régime, des candidats. Tout ça procède de déficit de contrôle. La gouvernance basée sur l’improvisation nous a accompagné jusque dans le processus électoral. Nous espérons que ça changera un jour».
Dans un communiqué remis à la presse le 28 décembre, l’ONG Justicia ASBL évoque une «publication hasardeuse des résultats partiels issus des dispositifs électroniques des votes sans contre-vérification avec les résultats du comptage des élections en violation de l’article 47 de la loi électorale».
Cette proclamation des résultats partiels en violation de la Loi électorale entame l’intégrité de ces élections et renforce les suspicions de fraude électorale légitimement formulées par Ensemble pour la République, le parti de Moïse Katumbi, désormais favorable à l’annulation des scrutins.
Mercredi 27 décembre, une importante délégation de cette formation politique a fait le déplacement du siège provincial de la CENI/Haut-Katanga, à Lubumbashi. Après avoir attendu pendant de longues heures sans être reçue, elle a dit avoir constaté que la compilation, comme un peut partout à travers le pays, n’avait toujours pas commencé après une semaine de vote. Elle a jugé, elle aussi, paradoxal la CENI publie les résultats partiels sans attendre cette opération importante prévue par la loi électorale. «La CENI avait déjà son vainqueur», fait remarquer Ensemble pour la République, criant à des résultats fantaisistes et interpellant les USA, la France, la Belgique et l’Union européenne.
Jeudi soir, la CENI a publié les résultats partiels de Likasi ville/Haut-Katanga, donnant Katumbi en tête avec 74,3%, après un taux de traitement 75%.