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Salaires détournés au ministère de l’Environnement

Le ministre de l'Environnement, Bavon N'sa Mputu
Le ministre de l’Environnement, Bavon N’sa Mputu
Confié à la Société générale de surveillance -SGS-, le Programme de contrôle de la production et de la commercialisation des bois pour l’Est de la RD-Congo -PCPCB/EST- a viré au cauchemar pour les travailleurs dont les salaires versés par la Banque mondiale ont été trafiqués et détournés
La signature en novembre 2011 entre le gouvernement de la République et la Société générale de surveillance -SGS sa- du contrat de mise en œuvre du Programme de contrôle de la production et de la commercialisation des bois pour l’Est de la RD-Congo -PCPCB/EST- s’est faite dans le cadre d’un partenariat public-privé -PPP. Concrètement, l’Etat a concédé à la SGS le contrôle de la production et de la commercialisation des bois dans sa partie orientale.
En pratique, les PPP sont ruineux: malfaçons et clauses léonines fourmillent. Du fait de la procédure qui donne très souvent les clés du contrat aux prestataires privés, ceux-ci font ce qu’ils veulent et se constituent des rentes sur le dos de l’Etat et des travailleurs. Et ça n’a pas raté au ministère de l’Environnement et Conservation de la nature où le contrat PCPCB/Est de novembre 2011 n’est pas exempt des soupçons des magouilles. A l’origine: un dégraissage des effectifs sous le fallacieux prétexte de l’insécurité destiné à cacher une vaste opération de détournement des rémunérations reçues de la Banque mondiale.
A l’article 2 de l’arrêté n°148 du 19 novembre 2013 portant autorisation de licenciement de 24 travailleurs de la Société générale de surveillance -SGS-, le ministre de l’Emploi, Travail et Prévoyance sociale Modeste Bahati a beau décréter «les travailleurs ainsi licenciés bénéficient de tous les droits et avantages tant légaux que conventionnels et conservent la priorité d’embauche dans la même catégorie d’emploi conformément à la loi», la Société suisse avait déjà établi son plan et réussi son coup. Alors que le gouvernement de la République a, via le ministère de l’Environnement, Conservation de la nature et Tourisme, signé avec la Société générale de surveillance -SGS SA- le contrat n° 092 MECNT/UC-
PFCN/CPM/EKB/2011/SCen date du 3 novembre 2011 pour la mise en œuvre du Programme de contrôle de la production et de la commercialisation des bois pour l’Est de la République Démocratique du Congo -PCPCB/Est-, le prestataire avait déjà asséné le coup fatal. Le Projet n’avait même pas encore débuté à l’Est, que la SGS a pris l’initiative d’écrire une lettre en date du 30 juillet 2013 au ministère de l’Environnement pour solliciter la rupture unilatérale du contrat de prestation pour raison d’insécurité. Alertés, les agents ont, à leur tour, écrit au chef de Projet de la SGS chargé de l’Est pour détruire un à un les arguments contenus dans le courrier du 30 juillet 2013. Rien n’y a fait.
La SGS est passée à la vitesse supérieure, adressant un courrier au ministère du travail pour solliciter le licenciement massif d’un premier groupe de 24 agents «pour raisons économiques». En réalité, la SGS n’a jamais fait faillite et il n’existe aucun audit sur sa gestion validé par le ministère des Finances pour justifier une quelconque raison économique et il est dommage que les autorités politico-administratives, pourtant tenues de protéger leurs concitoyens, préfèrent bafouer leurs droits pour des intérêts obscurs. N’empêche. La SGS a pu obtenir gain de cause à l’issue de la signature de l’arrêté du 19 novembre par Bahati. Jamais consultée à cet effet, en violation flagrante du Code du travail, la représentation du personnel a contesté en vain.
Les choses sont allées vite, trop vite. Cette diligence a éveillé la curiosité de la Délégation syndicale qui n’a pas tardé à faire la découverte macabre: la SGS s’est adressée à l’UCP/Banque mondiale pour solliciter les indemnités de sorties et les a obtenues sans les reverser aux agents bénéficiaires.
Tripatouillages
La SGS a utilisé au nom du gouvernement de la République environ USD 10 millions de la Banque mondiale pour la mise en œuvre du Projet PCPCB-Est mais elle voudrait se dérober sans rendre compte.
Alors que le contrat a viré au cauchemar, les agents, eux, ont pu se débrouiller pour prendre connaissance du document signé entre la SGS et le gouvernement par l’entremise du ministère de l’Environnement. Nouvelle découverte sinistre: les salaires payés par la SGS en exécution ducontrat étaient différents de ceux prévus par le contrat lui-même pour tous les agents recrutés localement. En page 36 du contrat, le tableau reprend les renseignements ci-après: USD 6.174 dont USD 3588 de salaire de base pour le technicien scanner avec USD ; USD 4.110 dont USD 2389 de salaire de base pour le responsable administratif et financier; USD 4.110 pour l’informaticien; USD 2.055 dont USD 1194 de salaire de base pour le chef inspecteur forestier; USD 1.644 dont USD 956 de salaire de base pour l’inspecteur forestier; USD 2.055 pour l’analyste; USD 1028 pour dont USD 597 pour l’opérateur de saisie et le secrétaire; USD 617 dont USD 358 de salaire de base pour le chauffeur et USD 474 dont USD 275 de salaire de base pour l’agent d’entretien.
A l’arrivée cependant, les salaires sont ponctionnés à la lumière des bulletins de paie auxquels les investigateurs d’AfricaNews ont eu accès. Le responsable des opérations forestières s’est contenté d’un salaire net d’USD 3617,89 en juillet 2013 contre USD 3695 un mois plus tôt. Le secrétaire s’en tiré avec USD 536,74 en juillet et USD 238,31 en juin. Personne n’a pu donc toucher le salaire tel que prévu dans le contrat SGS-gouvernement.
Une lecture attentive permet de se rendre compte que les montants prévus étaient nets d’impôt. En plus de détourner les salaires, les montants alloués étaient taxés.  Les agents lésés ont écrit aux différentes autorités pour bloquer toute remise et reprise avec la société SGS avant que celle-ci ne règle le contentieux avec les agents. Qu’on ne dise surtout pas qu’il s’agit-là d’une faute, impardonnable, d’une société partenaire, alors que lesministères de l’Environnement et du Travail sont dotés de divers services compétents susceptibles d’avoir les informations sur les connexions de SGS et les fonds mis à sa disposition.  Au-delà des implications qui restent à clarifier, la SGS ne pourra plus, avant longtemps, évoquer la transparence, la morale et l’intégrité qui lui ont toujours servir de fonds de commerce.
KISUNGU KAS
 

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