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«L’esprit et la lettre de l’article 42 s’opposent à tout amalgame ou raccordement frauduleux. Il est clair que l’existence des poursuites judiciaires n’ayant pas un lien direct avec l’action disciplinaire déjà ouverte ne peut justifier en bon droit la continuation d’une suspension à l’expiration du délai légal», écrit le Secrétaire général de la Police judiciaire des parquets dont le camp justifie la mise à l’écart par l’entreprise consistant à geler les dossiers d’enquêtes sur les détournements des deniers publics…
Entre la ministre d’Etat à la Justice, Rose Mutombo, et l’Inspecteur général de la Police judiciaire des parquets, Antoine-Camille Boyau, la guerre est déclarée. Au cœur des enjeux: la gestion des fonds secrets de recherches et le gel de certains dossiers sensibles de la République liés à des détournements de deniers publics et la fraude fiscale. Dans un échange épistolaire qu’AfricaNews a pu consulter, les deux personnalités se sont lancées dans la «violence des termes» prenant soin de mettre en ampliation le sommet de l’Etat. Tout a débuté en novembre 2022 avec une lettre de la ministre d’Etat en charge de la Justice Rose Mutombo à l’Inspecteur général de la Police judiciaire des parquets portant sur la clé des répartitions de ces fonds secrets évalués à 789,37 millions de Francs congolais dont 197,34 millions ont été réservés à l’office de l’Inspecteur général. Le coordonnateur des investigations criminelles, la direction administrative, la direction documentation, la Police scientifique, les Etudes & planification ainsi qu’Interpol se sont vus dotées chacune de 98,67 millions de francs congolais.
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Deux mois plutôt, les hommes de Boyau avaient réalisé une découverte macabre à Kingabwa où 25 containers relatifs à l’importation d’un data center par la société Vodacom ont été saisis. Pour les proches de l’affaire, les deux dossiers seraient liés. Certaines langues au sein de la Police judiciaire soupçonnent la ministre de jouer le jeu des opérateurs économiques visés par ces enquêtes alors qu’elle a décidé d’initier une action disciplinaire contre l’Inspecteur général depuis mars 2023.
Des sources concordantes, AfricaNews a appris que dix-huit projets de réquisitions d’informations remis au Parquet par l’Inspecteur général Boyau depuis le 7 novembre 2022 n’ont jamais été signés jusqu’à ce jour. Parmi ces réquisitions: les dossiers Vodacom, le détournement de la TVA mais aussi le détournement de la paie des fonctionnaires. Dans les deux derniers dossiers, les faits se seraient déroulés avec la bénédiction d’un ancien premier ministre.
A en croire ces sources au sein de la Police judiciaire des parquets, pour justifier la mise à l’écart de Antoine-Camille Boyau, Rose Mutombo a argué une «faute grave» de l’Inspecteur général qui ne s’est pas présenté à son poste de travail le 27 janvier, jour de son retour après son congé de restitution. Boyau, prié de présenter ses moyens de défense, a évoqué les raisons de maladie, brandissant les pièces de la clinique Diamant, estimant sournois les motifs derrière lesquels se réfugie là ministre de la Justice.
Les justifications ont échoué de convaincre la ministre. Rose Mutombo a décidé de s’en tenir à sa décision, jugeant les motifs avancés par l’IG «non pertinents». «Ce prétexte fallacieux n’a été invoqué que postérieurement, bien évidemment comme parade à l’action disciplinaire vous concernant», a répliqué la ministre, accusant l’Inspecteur général d’être «en cavale» car poursuivi à la Cour de Cassation. D’une faute disciplinaire, la situation a viré à une suspension pour «existence d’un dossier judiciaire».
Dans la réponse qu’il a réservée à la ministre Mutombo, Boyau a contesté «tout amalgame ou raccordement frauduleux» dans l’interprétation de la Loi portant statut des Agents de carrière des services publics de l’Etat. «Il est clair que l’existence des poursuites judiciaires n’ayant pas un lien direct avec l’action disciplinaire déjà ouverte ne peut justifier en bon droit la continuation d’une suspension à l’expiration du délai légal», a-t-il riposté.
Le camp de l’Inspecteur général suspendu est catégorique: «la mise à l’écart est un stratagème pour l’éloigner poliment de la gestion des fonds secrets de recherches dont il a pourtant plaidé le décaissement régulier auprès du président de la République, mais aussi et surtout l’empêcher de piloter les enquêtes sur les dossiers Vodacom et de détournement permanent de la paie des fonctionnaires de l’Etat par un ancien premier ministre». Le reste relève, selon eux, «des subterfuges censés couvrir les écarts de la ministre».
Cette guerre marquée par le refus de clôturer l’action disciplinaire contre Boyau, estime ce camp, favorise le détournement depuis novembre 2022 des fonds secrets de recherches en même temps qu’elle fait bloquer systématiquement les actions susceptibles d’aboutir à des poursuites judiciaires contre de grands détourneurs des deniers publics.
Seules des enquêtes sérieuses sur la gestion des fonds secrets pendant la période de suspension du Secrétaire général de la Police judiciaire des parquets et la suite réservée à ses projets de réquisitions par le Procureur général près la Cour de Cassation pourraient aider à dégager les responsabilités.
Natine K.