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RDC: La mission de contrôle de l’IGF n’a jamais vu ni entendu le PCA de la SCTP SA: José Makila hurle sa colère après la violation de ses droits constitutionnels, il accable au passage 2 inspecteurs des finances

Le rapport à l’origine de la sanction infligée au Président du Conseil d’administration de la SCTP SA par la Min’Etat en charge du Portefeuille soulève trop de questions. D’une part, ses observations violent la présomption d’innocence et le principe du contradictoire comme elles n’ont été portées à la connaissance du responsable incriminé que huit jours après l’arrêté ministériel le sanctionnant. Et, d’autre part, deux de ses signataires y contestent aux administrateurs actuels des avantages dûment accordés par le propriétaire et actionnaire unique de l’entreprise, l’Etat, aujourd’hui présentés comme un détournement par une seule personne mais dont ils avaient eux-mêmes joui hier, entre 2008 et 2019, à l’époque où ils étaient encore Commissaires aux comptes au sein de la même boîte… 

José Makila Sumanda sort de sa réserve. Depuis Dallas, aux Etats-Unis, où il est en congé statutaire autorisé par la ministre d’Etat en charge du Portefeuille et d’où il a appris la mesure de sa suspension par la même Adèle Kayinda Mahina, à la suite d’un rapport de l’Inspection générale des finances -IGF-, le Président du Conseil d’administration de la Société commerciale des transports et des ports -SCTP SA- a adressé un long courrier à l’Inspecteur général chef de service Jules Alingete Key. Il y hurle sa colère et révèle que les inspecteurs des finances envoyés en mission à la SCTP ne l’ont jamais vu ni entendu.

Il proteste sur le caractère arbitraire de cette démarche et évoque une cabale quand il fait également constater que les observations de l’IGF lui transmises après coup sont à l’origine de sa suspension par la ministre d’État en charge du Portefeuille, saisie avant lui du contenu du rapport l’envoyant é à la potence. D’avoir reçu les observations de l’IGF huit jours après la publication de l’arrêté ministériel le sanctionnant, Makila s’indigne!

«Nous avons été saisi ce vendredi 23 juillet 2021, par lettre n°1327/SCTP-DG/CDG/2021 du 22 juillet 2021 de la Direction Générale, la feuille d’observations formulées par l’équipe de contrôle de l’Inspection Générale des Finances, en mission à la SCTP SA depuis plusieurs mois. Cette feuille d’observations nous parvient 8 -huit- jours après la signature de l’Arrêté ministériel n°001/MINPF/JDK/FKI/AKM/2021 du 15 juillet 2021 portant notre suspension aux fonctions de Président du Conseil d’Administration de la SCTP SA», fait-il constater.

Et d’enfoncer: «Curieusement, et comme par magie, ledit Arrêté ministériel fonde ses motivations sur lesdites observations sans qu’il ne nous soit donné l’occasion de présenter nos moyens de défense conformément à la Constitution et aux règles élémentaires de tout audit de gestion».   

Droits constitutionnels délibérément foulés!

Imposture. Le PCA aurait dû être entendu préalablement à la copie contestée de l’IGF. Les équipes de Jules Alingete auraient dû l’auditionner pour avoir, à son égard, ne serait-ce que des éléments de preuve et des arguments irréfutables. À cet égard, il importe de rappeler que la Constitution et les lois de la République Démocratique du Congo prévoient que tout individu a le droit d’être entendu avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son endroit. Jules Alingete n’y a pas fait cas. La ministre Adèle Kayinda non plus. Et Makila fulmine de colère pour ses droits constitutionnels foulés.

Mais l’histoire du PCA de la SCTP SA n’est pas exceptionnelle. Avant lui, ces pratiques en vogue à l’IGF et dans les ministères sectoriels ont sévi contre les PCA et les Directeurs généraux du FPI et de l’INPP. Ces derniers ont aussi désapprouvé mais personne n’a voulu les écouter. Et pourtant quand un, deux, trois responsables se plaignent contre la promotion de l’injustice, contre le même mode opératoire, contre la tendance à instrumentaliser l’IGF, c’est de trop! Il faut faire gaffe! Tout le monde est d’accord  avec la traque des prédateurs. Cependant, l’opinion s’accorde aussi à dire que s’il n’y a pas excès et abus de pouvoir dans le fonctionnement actuel de l’IGF, il y a des lacunes qu’il faudrait corriger! Ça mérite que la communauté s’y attarde…par souci d’impartialité! Sans quoi l’arbitraire s’installe! Les décideurs, les instances appropriées et les chercheurs en droit apprécieront!

Makila, lui, n’entend pas se réfugier derrière ces manquements pour démonter un après l’autre les griefs mis à sa charge par l’IGF. Personne ne lui en voudra à ce sujet, les inspecteurs des finances s’étant révélés partiaux et subjectifs pour ne lui avoir pas donné la possibilité de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments de fait sur la base desquels ils ont pu formuler leurs observations. La copie rendue par l’IGF suscite indiscutablement des doutes quant à l’objectivité de ses auteurs. Voici que le doute profite à l’accusé.

Un artilleur lourd!

À l’analyse, la feuille d’observations attaquée est ainsi fondée sur de simples affirmations présomptives. Surtout que les enquêteurs de l’IGF n’ont jamais vu le Président du Conseil d’administration de la SCTP et n’ont jamais parlé avec lui. Surtout qu’ils n’ont jamais mis leurs pieds au siège du Conseil d’administration de l’ex-ONATRA. Leur rapport viole la présomption d’innocence et le principe du contradictoire. Et, raisonnablement, pareil rapport ne vaut. Tel un artilleur lourd, Makila le souligne dans sa réaction transmise à Alingete, affirmant que cet état des choses lui parait «découler d’un plan préalablement conçu en vue de neutraliser, quel qu’en soit le moyen, le Président du Conseil d’administration de la SCTP SA» qu’il est. Ça c’est côté forme.

Côté fond, Makila, «respectueux de la légalité» et pour, explique-t-il, «préserver notre honneur ainsi que notre dignité bafoués injustement», entreprend d’éclairer la lanterne de Jules Alingete «sur les affabulations articulées par votre équipe de contrôle à notre égard dans sa feuille d’observations». Et il a réponse à tous les neuf reproches lui faits.

Alors que les inspecteurs des finances le rendent responsable du recrutement de 2.106 agents entre 2020 et 2021, sans tenir compte de la précarité de la trésorerie de l’entreprise, de la hauteur des arriérés non encore apurés et des besoins réels en effectifs exprimés par les Départements opérationnels, le PCA brandit le point huit de l’Article 8 du Règlement intérieur du Conseil d’administration qui stipule que tout recrutement en tenant compte du profil du poste, de représentativité nationale et de la santé financière de l’entreprise. Il se défend d’être co-responsable d’un tel recrutement mettant l’IGF au défi de produire une décision y relative du Conseil d’administration ou une instruction via laquelle il aurait autorisé la Direction Générale dans ce sens. Il reconnaît néanmoins que le Conseil d’administration a donné son aval et endossé, pour nécessités impérieuses de service, l’engagement et la promotion de quelques cadres de commandement. 

Abordant le dossier de la créance 207 millions de dollars de RawBank, le PCA croit dur comme fer qu’il est faux d’affirmer que la décote de 25% avait été négociée et décidée unilatéralement et en cachette par les responsables de la SCTP SA, y compris le Président du Conseil d’administration. Il s’agit, soutient-il, d’une décision avalisée par l’actionnaire unique à l’issue d’une réunion ayant connu la participation des ministres de la République, du gouverneur de la Banque centrale du Congo ainsi que des délégués de haut rang de la Présidence et de la Primature.

Deux inspecteurs des finances rattrapés par l’épisode des Commissaires des comptes! 

Si l’IGF le charge également de s’être accordé des avantages indus au titre des soins médicaux, Makila évoque la décision prise le 16 octobre 2012, longtemps avant sa nomination, par le Conseil d’administration, sous le règne du tandem Nkulu Muenze et Tito Umba, octroyant une allocation forfaitaire en faveur du PCA, de l’ADG, du DGA et le cas échéant du Directeur financier: 15.000 dollars lorsqu’il est seul et 20.000 dollars quand il est accompagné. Voté face au mutisme des textes régissant la SCTP SA en cas de décès ou de maladie des administrateurs et ou des censeurs, ce taux forfaitaire auquel se joignent les titres de voyage s’applique aussi au conjoint et aux enfants légitimes en âge de scolarité. Les PV y relatifs sont bien rangés dans les tiroirs du représentant de l’Etat propriétaire, le ministère du Portefeuille.

Makila renvoie, en outre, Jules Alingete à l’Article 10 du Décret n°13/055 du 13 décembre 2013 portant statut des mandataires publics dans les entreprises du Portefeuille de l’Etat où il est disposé «la rémunération de base, les primes, les avantages sociaux des mandataires actifs ainsi que les jetons de présence des mandataires publics non actifs sont fixés par l’Assemblée générale des actionnaires». De ce fait, il trouve étrange que l’IGF considère comme tentative de détournement dans son chef l’application des avantages découlant de la volonté souveraine de l’Etat, propriétaire et actionnaire unique de la SCTP SA. 

Ici, le PCA fait de graves révélations, il accable deux inspecteurs des finances membres de la mission d’audit, la même, d’avoir eu droit hier, entre 2008 et 2019, quand ils étaient Commissaires aux comptes à l’ex-ONATRA, à certains avantages contestés à l’actuel Conseil d’administration et maladroitement présentés comme un détournement. 

Locataire contractuel de la Villa M110 SCTP depuis 2017

Makila taille également en pièces les assertions de l’IGF concernant le non-paiement, par lui, des loyers de la Villa M 110. Un petit effort de recherche de la part des inspecteurs suffit pour qu’ils découvrent que l’actuel PCA de la SCTP SA est locataire de la Villa citée depuis 2017. Le contrat de bail y afférent a été signé in tempore non suspecto avec l’ancien Directeur général ai Lewhis Banguka, en date du 21 janvier 2017. Les travaux de réfection autorisés par le bailleur et chiffrés à 134.000 dollars représentant 134 mois de loyer free après un rabais de 2.000 dollars ont donné lieu à un Avenant sous l’ère Daniel Mukoko Samba. Il a été convenu qu’à l’apurement de cette période, le loyer passera à 3.000 dollars par mois.

Très offensif, le sénateur demande si l’IGF est en mesure de prouver que ses agents ont fait effectivement le déplacement du siège du Conseil d’administration et que les justificatifs des fonds perçus par le PCA au titre des états de besoin et des frais de fonctionnement leur ont été refusés pour alléguer que ce dernier a indûment touché à cet effet 458.570 dollars. Se dédouanant une fois de plus, il précise qu’il s’agit plutôt d’une allocation mensuelle forfaitaire des besoins mensuels du Conseil d’administration évalués à 36.857 dollars depuis avril 2015, à l’époque d’un autre ancien Directeur général, Kimbembe Mazunga. Sauf  nouveau management, inutile de rappeler à l’IGF q’un PCA ne tient jamais la caisse d’une entreprise pour penser lui imputer des fautes de gestion.  

Les autres questions, notamment celles liées aux frais de missions perçus sans effectuer les missions, à la signature des contrats léonins au détriment de l’opérateur public SCTP SA ou la modification irrégulière du Règlement intérieur du Conseil d’administration sans l’aval de l’Assemblée générale ont, elles aussi, trouvé leurs explications étalées dans la réponse parvenue à Alingete, reprise intégralement dans la présente édition.

Les inspecteurs des finances ont-ils versé dans de basses manœuvres et de pratiques malsaines pour satisfaire un individu ou un groupe d’individus comme le laissent entendre certains débats de salon? Ont-ils agi dans le cadre d’une chasse aux sorcières alors que la ville haute fait part d’un Plan consistant à lever les immunités du sénateur dès son retour au pays? La réplique de Makila le met en évidence.

YA KAKESA

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