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RDC : La Gécamines encouragée à se débarrasser de Trafigura

La Gécamines a été encouragée à abandonner son partenariat controversé avec Trafigura, le géant international du négoce des matières premières, en raison de l’implication présumée de l’entreprise dans divers scandales.

Les membres du conseil d’administration et du comité exécutif de la société minière publique ont reçu une lettre le 10 mars faisant compte-rendu de certaines préoccupations concernant la réputation de Trafigura. La lettre était accompagnée d’un dossier de 35 pages détaillant les allégations de corruption; les relations présumées de Trafigura avec des personnes sanctionnées; accusations de fraude; et l’implication dans des catastrophes environnementales.

Selon la lettre, «compte tenu des antécédents de Trafigura, il n’est pas certain que l’entreprise ait fait preuve d’intégrité ou du respect des normes que la Gécamines serait en droit d’attendre d’un partenaire international». Cette lettre d’avertissement intervient alors que la Gécamines examine la possibilité de poursuivre avec l’Entreprise générale du cobalt -EGC-, un projet de développement du cobalt artisanal en RD-Congo. Le projet a été conçu par l’ancien président de la Gécamines, Albert Yuma, qui a été limogé par le président Félix Tshisekedi en décembre suite à des allégations de corruption. Un nouveau conseil d’administration a été installé à la Gécamines, dirigé par Alphonse Kaputo, Bester-Hilaire Ntambwe Ngoy Kabongo et Leon Mwine Kabiena. Selon des articles récemment parus dans les médias internationaux, les nouveaux dirigeants de la Gécamines envisagent de mettre fin à l’accord EGC avec Trafigura.

La situation est devenue si grave que des cadres de Trafigura se seraient rendus en RD-Congo au début du mois pour tenter de sauver le projet.

La lettre adressée aux administrateurs de la Gécamines était anonyme et signée «Un citoyen concerné». Elle précise que «compte tenu des graves préoccupations décrites ci-dessus, il est difficile de voir comment la RD-Congo bénéficierait de liens plus étroits avec Trafigura. La Gécamines devrait mettre fin à sa relation avec Trafigura».

Parmi les allégations contenues dans la lettre figure l’implication présumée de Trafigura dans le scandale de corruption «Lava Jato» au Brésil. Cela a été décrit comme le plus grand scandale de corruption de l’histoire et a conduit à l’emprisonnement de personnalités politiques éminentes, dont l’ancien président Lula da Silva. Les procureurs brésiliens ont déposé une action civile contre Trafigura et ses dirigeants pour corruption et Reuters a signalé que des accusations criminelles étaient en cours de préparation.

La Commodities and Futures Trading Commission -CFTC- américaine a également ouvert une enquête sur l’implication de Trafigura dans le scandale brésilien. La lettre décrit également l’influence de Trafigura sur l’industrie pétrolière angolaise sous l’ancien président Jose Eduardo dos Santos. Le Fonds monétaire international -FMI- a estimé que plus de 32 milliards de dollars ont été pillés de l’industrie pétrolière angolaise.

Trafigura a réussi à se forger une position dominante en Angola après avoir cédé une participation dans Puma Energy, l’une de ses filiales, à un haut responsable du régime dos Santos. La lettre souligne en outre les opérations de Trafigura au Zimbabwe, où le géant commercial a construit une position dominante sur le marché du carburant après avoir conclu une joint-venture avec Kudakwashe Tagwirei, un homme d’affaires local accusé de corruption.

Trafigura a mis fin à son partenariat avec Tagwirei quelques mois seulement avant que le gouvernement américain n’impose des sanctions à l’homme d’affaires zimbabwéen pour corruption. Les administrateurs de la Gécamines ont également été informés du bilan environnemental de Trafigura. Cela inclut la catastrophe du Probo Koala en 2006 en Côte d’Ivoire, lorsque des déchets toxiques produits par Trafigura ont été illégalement déversés. Plus de 100.000 personnes ont eu besoin d’une aide médicale et environ 15 personnes sont mortes à cause des déchets toxiques.

Selon la lettre, «Trafigura a construit son entreprise en collaboration avec des régimes politiques corrompus et la société a également été accusée de corruption dans plusieurs pays. Trafigura a travaillé avec des individus sanctionnés; la société a fait face à de multiples accusations de fraude; et elle a contribué à des catastrophes environnementales». On ne sait pas encore si les allégations contenues dans la lettre influenceront les dirigeants de la Gécamines alors qu’ils examinent leur partenariat avec Trafigura dans le projet du cobalt artisanal. Mais au moins si la Gécamines décide de le valider, la nouvelle direction ne pourra pas prétendre qu’elle n’était pas au courant de la réputation troublante de Trafigura.

Tino MABADA

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