Arrêté mardi soir à Brazzaville, où il pensait prendre un vol vraisemblablement dans le but de se soustraire des poursuites lancées contre lui par le Parquet général près la Cour de Cassation, et sur le point d’être extradé à Kinshasa pour y être jugé, l’homme de Boende voit sa route de réintégration du Sénat barrée par son suppléant et jeune frère. Reagan Bakonga Ilanga a sorti l’arme fatale: la lettre de Jeanine Mabunda du 14 mai 2019 évoquant l’option du sénateur élu pour le mandat de député national suivant son propre courrier daté du 6 mai 2019 adressé au président du Bureau provisoire du Sénat…
En l’espace de trois jours, Willy Bakonga Wilima, a connu une double mésaventure susceptible de compromettre sa carrière politique. Mardi 20 avril, l’ex-ministre d’Etat en charge de l’Enseignement primaire, secondaire et technique -EPST- a été arrêté à Brazzaville alors qu’il tentait de s’enfuir vers la France. En République Démocratique du Congo, où il avait reçu mission de mettre en œuvre la gratuité de l’enseignement de base, voulue comme mesure-phare du Président Félix Tshisekedi, Bakonga a connu des problèmes avec la Justice qui a lancé contre lui un mandat de comparution depuis le 16 avril dernier dans le cadre d’une enquête sur le détournement des fonds publics alloués à la gratuité.
Mardi soir, il a été débarqué d’un vol d’Air France en partance pour Paris, à la demande de Kinshasa, qui est à pied d’œuvre pour son extradition alors qu’il est encore en détention à Brazzaville, dans les locaux de la Centrale d’intelligence et de la documentation, l’ex-Direction générale de la surveillance du territoire -DGST-, ont précisé plusieurs sources.
Sur le chemin de retour au Sénat, un mur infranchissable nommé Reagan Ilanga
Par deux fois, dame chance a refusé de sourire à ce promoteur d’écoles privées. Le destin lui a tourné le dos. En même temps que la planification de sa fuite, Willy Bakonga a voulu retrouver son siège au Sénat visiblement dans le souci de s’aménager un refuge temporaire contre tout ennui judiciaire. Élu député national de la circonscription électorale de Boende dans la province de la Tshuapa puis sénateur, Willy avait cédé ses deux sièges à ses suppléants, son épouse à l’Assemblée nationale et son jeune frère au Sénat, au profit du ministère de l’EPST dans le gouvernement du Premier ministre Ilunga Ilunkamba. Aussi a-t-il formulé sa requête. «J’ai l’honneur de vous informer que je regagne mon siège au Sénat, conformément au règlement d’ordre intérieur et usage au sein de notre institution», a écrit le ministre sortant de l’EPST dans une correspondance adressée au bureau du Sénat le 17 avril mais lue lors de la plénière du jeudi 22 avril.
Coup de théâtre: Reagan Ilanga Bakonga, son suppléant de jeune frère à la Chambre haute du Parlement, a dit niet à ce retour. «Je demande à votre sagesse, au bureau et à l’Assemblée plénière de pouvoir rejeter carrément cette lettre. Il s’agit d’un usage de faux», a expliqué le jeunot, convaincu et décidé de se lancer dans une bataille fratricide pour sauver son siège. Et d’argumenter: «Lors de l’élection du bureau définitif ou le premier bureau -conduit par Alexis Thambwe Mwamba-, Willy Bakonga n’était pas dans la salle pour la simple raison qu’il avait renoncé à son mandat de sénateur. Il a été nommé ministre d’Etat et a cédé sa place à sa femme, qui était sa première suppléante».
«Les problèmes internes de votre famille n’intéressent pas la plénière. Si vous vous sentez lésé, vous allez saisir les Cours et Tribunaux. Pour nous, lorsque nous avons validé le mandat au Sénat, le nom de Willy Bakonga était bel et bien repris comme sénateur», a rétorqué, séance tenante, Modeste Bahati Lukwebo, avant d’ajouter: «À partir du moment où il nous saisit, administrativement nous prenons acte et c’est ce que la plénière a fait».
Reagan Bakonga ne s’est pas avoué vaincu pour autant. Contre son frère en mauvaise posture, il s’est mué en un mur infranchissable et a sorti l’arme fatale: la lettre de Jeanine Mabunda du 14 mai 2019 évoquant l’option du sénateur élu pour le mandat de député national suivant son propre courrier daté du 6 mai 2019 adressé au président du Bureau provisoire du Sénat… Imparable. Si Willy aura la témérité d’insister, Reagan a dit disposer d’un autre explosif redoubtable: la copie du courrier du 6 mai 2019 rangé dans les archives du Sénat et de l’Assemblée nationale. Willy Bakonga a visiblement mangé son pain noir.
Tino MABADA