Moïse Katumbi s’est porté candidat depuis une dizaine de jours. Son annonce et son adoubement par la Convention de son parti, Ensemble pour la République, ont suffi pour provoquer un coup de tonnerre politique. Parti pour ne jamais embellir le décor mais pour gagner, comme n’a cessé de le répéter son entourage ces derniers jours, l’ancien gouverneur de l’ancien Katanga a investi le terrain médiatique, multipliant interviews, révélations et déclarations-choc.
«Il a besoin de vérifier que la dynamique s’amplifie», a jugé Franck Kanabasau, analyste politique membre du Groupe de réflexion les Amis de l’UNIKIN, estimant que les démissions en cascade, le même jour, de trois ministres du gouvernement de Félix Tshisekedi, notamment Christian Mwando du Plan, Chérubin Okende des Transports et Véronique Kilumba ainsi que de Momat Kabulo, ministre du Plan et Budget du gouvernement Kyabula dans le Haut-Katanga, est un signal que Katumbi et son clan incarnent une vision, un projet. «On peut tout dire, cette candidature tant redoutée bouscule le président Félix Tshisekedi, candidat à sa propre succession, et ce départ de l’Union sacrée a fait vaciller ce groupe politique qui a commis l’erreur de ne pas se formaliser pour essayer de placer les garde-fous», a-t-il complété.
Populaire au Sud-Est du pays, Katumbi se lance à un moment où les principaux leaders de l’Est du pays, en proie à l’insécurité depuis bientôt trois décennies, notamment Vital Kamerhe et Modeste Bahati, tous deux alignés derrière Félix Tshisekedi, ne peuvent le faire. Au moment où, l’ancien Directeur de cabinet et le speaker du Sénat ne pourront aisément retourner dans leurs fiefs respectifs et vendre avec succès le produit «Tshisekedi».
Alors que l’électorat, comme ont coutume de le dire les politologues, se construit dans le temps du débat, c’est à l’Est que Katumbi entend séduire en portant la sécurité et la paix, un double sujet que l’UDPS ne saurait plus véritablement porter après avoir essayé toutes les recettes, notamment l’état de siège, les opérations militaires mixtes avec le Rwanda, le Burundi et l’Ouganda et, enfin, le déploiement des forces de l’EAC, encore plus nombreuses et plus hétéroclites.
La récente prise de position de Katumbi contre l’arrivée des troupes sud-soudanaises constituées d’anciens rebelles, mais favorable à la réforme et au renforcement des capacités des FARDC avec un allié crédible, est en train de faire mouche au sein de l’opinion tant il fait constater, pour nombre d’observateurs, l’incapacité du Régime à en finir avec les forces négatives et l’agresseur, tous pourtant bien identifiés.
Ce temps du débat, désormais compté en semaines, Katumbi dont l’opinion n’a pas encore totalement découvert les aptitudes en matière des chiffres mais qui s’y connaît, compte l’exploiter à son avantage en continuant, avec ses moyens privés, d’essaimer les œuvres sociales sur le territoire national, concurrençant le programme officiel de 145 territoires. Le fait d’avoir avec lui Christian Mwando Nsimba, ancien ministre du Plan chargé de piloter ce programme gouvernemental à grands enjeux, constitue un autre atout majeur.
A Kinshasa, un diplomate occidental connaisseur du jeu politique est d’avis que l’attitude de Katumbi procède de sa stratégie à pousser le pouvoir de Tshisekedi à l’erreur afin de monter davantage sa cote de popularité au sein de l’opinion. «Et je constate que le Régime semble se prêter facilement ce jeu, à ce piège, si l’on doit s’en tenir aux dénonciations faites par les ONG, la Société civile et les médias relatives à l’instrumentalisation de la Justice dans le litige avec Pascal Beveraggi et à la confection d’un complot consistant à mettre Katumbi au Centre d’une fausse affaire des caches d’armes dans ses concessions en vue de déstabiliser les institutions pour l’écarter de la course. Un remake de ces vieilles méthodes déplorées hier, entre autres par Félix Tshisekedi, alors membre du Rassemblement», a-t-il analysé, demandant d’observer le comportement du Pouvoir durant les quatre ou cinq prochains mois.