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RDC : Félix Tshisekedi appelé à écarter la Loi Tshiani

«Verrouiller l’accès à la présidence de la RD-Congo en la réservant exclusivement aux RD-Congolais nés de mère et de père RD-congolais». Telle est la quintessence de la proposition de Loi portée par Noël Tshiani Muadiamvita, candidat malheureux à la présidentielle de décembre 2018 avec seulement 0,13% de suffrage à son actif, soit 23.548 votes, qui depuis bien de temps prend de plus en plus position en faveur du Président Félix Tshisekedi. Il mouille le maillot pour l’adoption de la Loi dont il est initiateur.

Chaque jour qui passe, l’acteur politique ne cesse, via les réseaux sociaux, de mobiliser les RD-Congolais à cet effet, car, explique-t-il, c’est pour «défendre la souveraineté nationale et l’intérêt supérieur du peuple» RD-congolais. Très sûr de lui, Tshiani a publiquement prédit que «la loi sera adoptée», après ses consultations avec les présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale et sa rencontre avec quelques députés. Dans l’opinion, cette assurance XXL de Tshiani laisse croire qu’il roule pour Félix Tshisekedi, censé être candidat à sa propre succession en 2023. Sa tactique: éliminer d’entrée de jeu certains de ses adversaires coriaces aux prochaines joutes électorales.

Trois arguments de Me Kabeya pour écarter la Loi Tshiani

Tout en manifestant sa ferme opposition à la Loi Tshiani, «un partisan de toujours de l’UDPS», Me Patrick Kabeya, avocat et auteur d’une lettre ouverte au Chef de l’Etat, a solennellement fait cette demande au Président Félix Tshisekedi: «prenez de grâce la parole pour condamner publiquement cette proposition de loi raciste, qui déshonore notre pays». Dans sa missive au Chef de l’Etat, Me Patrick Kabeya s’est efforcé d’avancer, sans être exhaustifs, les 3 arguments pour lesquels «cette proposition de loi nauséabonde, qui rappelle les pires heures de l’Histoire, est complétement abjecte et absurde», non sans démontrer la responsabilité du Président Félix Tshisekedi «dans le fait de laisser prospérer le débat public à ce sujet alors que vous pourriez facilement y couper court».

Le premier argument soutient que la Loi Tshiani est «purement et simplement inapplicable». Explications: «il n’y a pas chez nous de registre de l’état-civil tenu en bonne et due forme. Pour obtenir des papiers, il suffit de se rendre devant l’agent assermenté et de déclarer qui est son père et qui est sa mère. Aucune vérification n’est faite. Le système est purement déclaratif. En cas de fausse déclaration, sur quel élément se basera alors l’officier d’état-civil pour en contester la véracité? Sur le morphotype de la personne concernée? Le degré de pigmentation de sa peau? Sur son taux de mélanine peut-être?». Le deuxième argument part de la question: «une telle loi serait-elle dans l’ère du temps?» pour déboucher sur cette évidence: «Oui, si nous vivions au XVIIIème siècle. Si l’Humanité n’avait pas depuis plus de 300 ans progressé».

«Comment expliquer que la RD-Congo serait le seul pays au monde à créer sur son sol un statut de sous-citoyen, créant une distinction -et même une discrimination- entre ceux dont les deux parents seraient de sang congolais, des Congolais véritables en somme, de ceux dont l’un des deux parents viendrait d’ailleurs? Les Nilotiques originaires du Rwanda, du Burundi et de l’Ouganda; les Soudanais originaires du Sud-Soudan; les Bantous originaires de l’Angola, de la Zambie et du Centrafrique, ne seront-ils bientôt plus pleinement et entièrement citoyens de ce pays?», s’est interrogé l’auteur de la lettre ouverte à Fatshi, convaincu que «le soubassement raciste, nauséabond, de la proposition de loi de M. Tshiani aurait sans doute sa place dans le régime de l’Apartheid de l’Afrique du Sud des années 1940-1950. Mais elle n’a clairement rien à faire dans la RD-Congo de 2021».

Fatshi face au piège de «qui ne dit mot consent»

Le troisième argument de Me Patrick Kabeya expose: «qui dans ce pays peut penser une seule seconde que la priorité aujourd’hui des Congolais résiderait dans le vote d’une telle loi? Dans un pays où les deux tiers de la population vivent avec moins de 1 dollar par jour, la priorité, c’est le travail, le pouvoir d’achat, le logement, l’eau, l’électricité, le transport, la santé et, pour les enfants, l’éducation qui permet de leur offrir un avenir meilleur». Et d’enchaîner: «à cet égard, je vous félicite, M. le Président, d’avoir imposé la gratuité dans l’école primaire. Les députés devraient suivre votre exemple et s’intéresser à tout sauf à des sujets annexes, qui n’ont rien à voir avec les priorités du quotidien des Congolais».

Ce nouvel argument, de l’avis de Me Kabeya, suffit pour «écater» la proposition de Loi de Noel Tshiani. Cet homme de droit croit dur comme fer que le silence du Président Félix Tshisekedi pourrait lui coûter cher, tant aux yeux des RD-Congolais, il sera «tenu pour responsable, pour ne pas dire coupable, d’une telle infamie. Coupable d’avoir gardé le silence et d’avoir laisser-faire». Pour interpeller son destinataire, Me Kabeya alerte: «créer la division, attiser la haine, faire couler le sang entre Congolais en créant entre eux des catégories, c’est ce à quoi aboutira inévitablement la funeste proposition de loi de M. Tshiani». S’il estime que cette loi «permettra peut-être de favoriser votre réélection», Kabeya dénonce toutefois le «soutien en sous-main» d’une partie des cadres de l’UDPS, à l’initiative de Noël Tshiani, non sans une fois de plus s’interroger: «N’y a-t-il pas d’autres moyens pour garantir votre victoire dans les urnes en 2023 que d’utiliser un procédé aussi vil?»

CLC et internautes contre Tshiani

A la suite de Me Patrick Kabeya, le Comité laïc de coordination -CLC- n’a pas moins dénoncé la Loi Tshiani qui ressuscite en lui les souvenirs de «triste mémoire de l’ivoirité». De l’avis du professeur Isidore Ndaywel et sa suite, cette proposition de Loi constitue «la fabrication gratuite des faux débats» et «ne peut conduire qu’au désastre, par l’introduction coupable du venin de la division dans le corps social national dont la cohésion interne, encore fragile, est en cours de reconstitution».

Conséquence: «le CLC condamne fermement ces attitudes, au moment où plus que jamais la nation a besoin de consolider la paix sociale et de rassembler toutes ses ressources, matérielles et humaines, pour faire face à l’adversité». Sur les réseaux sociaux, son terrain de prédilection, Tshiani est recadré par des internautes qui sont nombreux à manifester leur opposition à son initiative. Une initiative qualifiée par Luc Gerrard Nyafe, ambassadeur itinérant du Président Félix Tshisekedi, de «mauvaise, raciste, excluante», en plus d’être à «l’anti-thèse de la globalisation». Gloria Sengha, sur un ton impératif, n’a pas tremblé pour dire à Tshiani: «Arrêtez de faire l’apologie de la xénophobie». Faut-il un dessin pour trouver la catégorie de la proposition de Loi de Noël Tshiani dans cette pensée de Montesquieu: «les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires»?

Laurent OMBA

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