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Omari: 17 millions de dollars à justifier

Libérés sous caution après une garde à vue de 48 heures au Parquet de Matete, les patrons du football en République démocratique du Congo clament leur innocence en public, laissant entendre que le dossier transmis au Parquet est vide. Quelques heures après sa libération, Constant Omari Selemani s’est blanchi, en publiant sur son compte Twitter un message en anglais et en français: «Bonjour et mes sincères remerciements aux autorités de notre vraie justice qui ont finalement réalisé qu’on ne peut pas porter atteinte aux responsables que nous sommes sur base des mensonges, haine et jalousie». Fuite en avant ou tentative d’influencer la décision du Parquet? Les documents de la chaine des dépenses transmis au cabinet du spécial parlent d’eux-mêmes.
 
Constant Omari, ses deux vice-présidents Roger Bondembe et Théobald Binamungu ainsi que le secrétaire général aux Sports Barthélemy Okito ont été interpellés le mardi 17 avril sur base d’une dénonciation du conseiller spécial du Chef de l’Etat en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, agissant conformément à l’ordonnance présidentielle n°16/065 du 14 juillet 2016 qui le place sous l’autorité directe du Chef de l’Etat à qui il rend compte de sa mission et le charge entre autres «de faire mener toutes les investigations, enquêtes et instructions susceptibles d’identifier, interpeller et sanctionner toute personne ou groupe de personnes, organisations, organismes, entreprises ou autres services impliqués dans les actes de corruption, de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme».
Surpris par le tweet de Constant Omari tendant vraisemblablement à opposer le Parquet aux services compétents rattachés au conseiller spécial en matière de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, des sources judiciaires, affirmant que si la somme d’un million de dollars qui a défrayé la chronique n’a jamais été décaissée, ils ont entrepris d’organiser les fuites qui semblent prouver que, contrairement à ces écrits sur Twitter, le président de la Fédération congolaise de football association -FECOFA- sorti dimanche du pays pour Paris a objectivement des fonds publics à justifier couvrant la période 2015-2017. Si la FIFA audite les fédérations pour les fonds mis à leur disposition, qui reprocherait l’Etat de retracer les fonds publics alloués à ces ASBL?
Selon des sources, l’ancien Premier ministre Matata Ponyo Mapon avait, par ses lettres n°CAB/PM/CCPG/LKS/2016/4000 du 11 juillet 2016 et CAB/PM/CCPG/LKS/4524 du 15 août 2016, instruit l’ancien ministre des Sports Denis Kambayi Cimbumbu d’exiger aux fédérations sportives de lui fournir des justifications quant à l’utilisation des fonds du contribuable RD-congolais mis à leur disposition dans le cadre de leur participation aux différentes compétitions. Ces courriers de Matata Ponyo se sont butés à une résistance farouche des animateurs des fédérations, unanimement opposés non seulement au contrôle mais aussi à la Commission instituée à cet effet par le Secrétaire général aux Sports et Loisirs sur instructions du ministre.
Pugilat manqué pendant la séance de confrontation
S’agissant des fonds destinés particulièrement aux Léopards football, le staff de la FECOFA a affiché la même hostilité, refusant de recevoir les inspecteurs commis au contrôle malgré l’obligation légale de justifier l’utilisation d’importantes sommes allouées aux équipes nationales.
Les revendications des athlètes et du sélectionneur Florent Ibenge selon lesquelles certaines primes et gratifications leur allouées ne parviennent pas à destination, ajoutées à l’absence de justification ont poussé les OPJ rattachés aux services du conseiller spécial  anti-fraude de Kabila à se convaincre qu’il y a eu détournements de l’argent public décaissé en faveur des fauves estimé, selon les ordres de paiement informatisés -OPI- mis à leur disposition par la chaîne des dépenses de plus ou moins 9.480.237,123 dollars en 2015; 4.685.980 dollars en 2016 et 3.436.388, 595 dollars en 2017. Soit un total de 17.601.902,669 dollars.
La Fecofagate est née. Révélant le contenu des auditions de Constant Omari et consorts par les Officiers de police judiciaire placés sous la direction de Luzolo Bambi, les sources judiciaires ont renseigné que les responsables interrogés n’ont pas pu justifier les sommes décaissées en faveur des Léopards par le Trésor public.
Elles ont évoqué les dépositions du secrétaire général aux Sports se lamentant lui aussi du fait que toutes les fédérations sportives ne justifient pas les fonds reçus de l’Etat. Selon leurs indiscrétions, Okito a même dénoncé l’utilisation abusive et frauduleuse des crédits alloués à ses services par différents cabinets des ministres des Sports. Les sources proches de l’enquête ont indiqué pour leur part qu’une séance de confrontation a failli se terminer par une bagarre entre le secrétaire général aux Sports et le président de la FECOFA quand le premier a déclaré disposer des documents qui prouvent que depuis 2009, année de son arrivée au ministère des Sports, jusqu’à ces jours, le détournement se chiffre à plus de 70 millions de dollars.
Il se dégage également des revendications du sélectionneur de l’équipe nationale Florent Ibenge, entendu courant avril, qu’un responsable de l’administration des sports lui a toujours réclamé le tiers de son salaire de 18.000 Euros et de sa prime pour être reconduit à ce poste. Depuis novembre 2017, Ibenge est impayé au motif qu’il ne veut pas ristourner des responsables.

Alors qu’il est reproché à Omari le détournement des deniers publics et privés pour avoir utilisé à sa guise ou donné une autre destination que celle définie dans les lignes budgétaires -primes, location des chambres, etc.- et de n’avoir pas pu justifier les fonds plusieurs fois perçus de l’Etat -faits punis et prévus par l’article 145 du Code pénal-, il est paradoxal que le président de la Fédé parle d’un dossier vide.
Dans les milieux judiciaires encouragés par le récent nettoyage au sein de la Magistrature et selon la volonté des auditeurs sportifs relayés par certaines radios à Kinshasa, seul un procès public dirigé par des juges compétents et justes, au cours duquel  Omari et son staff brandirait les justifications réclamées, peut permettre de confirmer ou d’infirmer les accusations.

Natine K. 

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