C’est l’avis des évêques catholiques qui demandent une enquête indépendante autant que le parti Ensemble pour la République et d’autres partenaires, tous affligés après ce crime odieux…
La nouvelle a fait l’écho d’une bombe. Le corps sans vie et criblé des balles de Chérubin Okende, ancien ministre et opposant du régime Tshisekedi, a été retrouvé, jeudi 13 juillet très tôt le matin, sur le siège conducteur de son véhicule, stationné, moteur en marche, sur la route ex-Poids Lourds à Kinshasa. La découverte a laissé pantois toute la nation RD-congolaise ainsi que les partenaires bi et multilatéraux du pays. Moïse Katumbi, leader du parti Ensemble pour la République dont Okende était porte-parole, a dû interrompre son séjour abidjanais où il prenait part au Congrès de la Confédération africaine de football -CAF. L’ancien gouverneur n’a pas caché sa «colère» face à un «assassinat politique» pour «faire taire» l’Opposition.
«Chérubin -Okende, NDLR- était un homme bien, un père de famille, un homme pacifique et très loyal qui a servi son pays», s’est remémoré l’ex-allié de Félix Tshisekedi, devenu son plus farouche opposant. «Il a été assassiné sauvagement, c’est triste pour notre pays et notre démocratie», a-t-il poursuivi. «On arrête nos conseillers, on arrête nos partenaires, on tue, on veut nous réduire au silence… Ce crime ne restera pas impuni», a également dénoncé Katumbi.
Ancien ministre des Transports, voies de communication et désenclavement dans le gouvernement Sama Lukonde I, Chérubin Okende avait démissionné en décembre pour s’aligner sur le choix de son parti de claquer la porte de la majorité au pouvoir. Mercredi 12 juillet, il avait été invité à la Cour constitutionnelle pour une «séance de travail» en vue «donner des compléments d’informations» sur la «déclaration de son patrimoine» après avoir quitté le gouvernement. Le même jour, peu après la tombée de la nuit, Dieudonné Bolengetenge, SG d’Ensemble pour la République, avait alerté sur son enlèvement «à partir du parking de la Cour constitutionnelle».
Des condamnations à l’unisson
Face à la polémique grandissante, le président de la Cour constitutionnelle a décliné toute responsabilité dans le décès du porte-parole d’Ensemble pour la République, également député national élu de Lukunga à Kinshasa, tout en confirmant la thèse d’un assassinat. Selon le Procureur général près la Cour de cassation, une arme a été trouvée à côté du corps inerte de Chérubin Okende. La justice a affirmé être sur les traces du suspect. Une thèse déjà soutenue dans la journée par le député Ados Ndombasi, parlant au nom de tous ses collègues de l’Opposition. L’élu de Funa a évoqué un «meurtre», fait «inadmissible» dans un pays démocratique. «Le député Okende a été assassiné suite à ses convictions politiques. Le peuple ne doit pas cautionner cela», a-t-il tonné.
Dans la foulée du président de la Cour constitutionnelle, le Procureur général près la Cour de cassation a annoncé la détention d’un «proche du défunt» envoyé à la Cour constitutionnelle pour réceptionner un courrier puis déposer un autre. «Cette personne est entre nos mains parce qu’aussitôt qu’il est parti, il est revenu aux alentours de 20h00’ pour vérifier si le défunt se trouvait encore ici. Il réapparait vers 6h00’ ce matin pour dire que le véhicule a été localisé grâce au système GPS. Mais pourquoi ce système n’a pas fonctionné depuis hier», a expliqué le Procureur général.
Le parti Ensemble pour la République a exprimé toute sa consternation suite à «cet ignoble assassinat» rappelant «les vielles pratiques dictatoriales des régimes aux abois». Le parti de Katumbi déplore ainsi un «acharnement malsain» dont il est victime ensemble avec toute l’Opposition. «Ce crime est un assassinat politique. Nous exigeons une enquête indépendante pour identifier les auteurs et les commanditaires de ce crime d’Etat qui ressemble en tous points à l’affaire Chebeya. Nous n’accepterons jamais que notre pays devienne une jungle où l’on assassine impunément», a vociféré le parti de Katumbi qui place le pouvoir devant deux alternatives: «Soit il contrôle tout, alors il en est commanditaire. Soit il ne contrôle rien, alors il est dangereux».
Les messages de condamnation sont allés dans tous les sens. D’abord l’Union européenne qui a «fermement» dénoncé cet assassinat et a demandé «aux autorités de faire rapidement la lumière sur les circonstances de cet assassinat et de traduire les responsables en justice». L’UE a profité pour rappeler en cette période préélectorale qu’elle tient à des scrutins «compétitifs, pacifiques, inclusifs et transparents». Ainsi, rappelle l’UE, «retrouver et traduire en justice les auteurs de ce crime odieux doit être la priorité absolue».
Dans le même sens, les Etats-Unis ont «exhorté les autorités RD-congolaises à faire avancer rapidement l’enquête promise sur cet acte odieux».
Dans les rangs de l’Opposition, l’émotion a encore été plus grande. Corneille Nangaa, ancien président de la Centrale électorale passé dans l’Opposition, a dénoncé un «crime d’Etat» tout en déplorant une «flambée d’insécurité» contre les personnalités politiques non membres de l’Union sacrée de la Nation.
«Choqué et atterré», Martin Fayulu a reprouvé «un assassinat politique». Même discours pour Matata Ponyo qui a constaté le basculement vers un «régime de terreur et de dictature inqualifiable».
L’assassinat de Chérubin Okende est, pour Delly Sesanga, un «acte odieux et inacceptable dans un Etat dit de droit». Pour ce candidat annoncé à la présidentielle, Okende vient ainsi s’ajouter «à la liste déjà longue des martyrs et victime de l’incapacité du régime à assurer notre sécurité, dans une volonté claire d’insuffler la terreur dans le pays».
Autre parti de l’Opposition à réagir, le Nouvel élan d’Adolphe Muzito qui s’est fendu d’un communiqué signé par son secrétaire général pour exiger «que les services compétents accélèrent les enquêtes amorcées pour établir les responsabilités et les sanctions à infliger aux auteurs de cet acte odieux».
«Faire toute la lumière»
La Société civile non plus n’est pas restée aphone. Florimond Muteba, PCA de l’Observatoire de la dette publique -ODEP-, a noté une «journée sombre pour la démocratie et le progrès social» en RD-Congo. Pour l’ODEP, il ne fait l’ombre d’aucun doute que Cherubin Okende est entré «dans le panthéon des grands hommes de notre histoire», car tombé «en martyr de la lutte pour la libération totale de la RD-Congo». Plus virulent, la Conférence épiscopale nationale du Congo -CENCO- a condamné un «meurtre ignominieux et crapuleux d’un opposant politique en cette période préélectorale».
La CENCO a dit craindre que ce «crime intolérable et inadmissible» vienne «exaspérer à la veille des élections générales». Les évêques ont également noté les similitudes entre le meurtre de Chérubin Okende et celui de Floribert Chebeya.
Du côté du gouvernement, l’on se veut rassurant. Dans un tweet, le Président Tshisekedi a annoncé avoir «enjoint la justice à faire toute la lumière sur ce dossier afin de sanctionner les coupables de cet acte ignoble».
Message rapidement adopté par le Premier ministre Sama qui s’est «engagé» avec son gouvernement à «faire la lumière» sur un «crime qui va à l’encontre des principes de la République» avant de présider une réunion importante dans son bureau.
«Il faut faire diligence pour qu’une enquête minutieuse puisse être faite. Nous avons convenu que nous allons associer à cette enquête des services étrangers des pays amis pour qu’en toute transparence et très rapidement, nous puissions faire la lumière sur ce crime odieux qui arrive dans un contexte où nous étions déjà sous vigilance», a rapporté le ministre Patrick Muyaya après la réunion.
Quelques temps après la confirmation du décès, une photo du corps inerte et criblé des balles de Chérubin Okende avait fait le tour de la toile alors que la version officielle évoque un «assassinat causé par des bandits qui l’ont enlevé».
Dans la foulée, un audio a également surgi dans lequel on pouvait entendre une voix féminine se présentant comme fille de la victime évoquer des dissensions internes au sein du parti de Katumbi. Très vite, la bande sonore a été discréditée par d’autres membres de la famille alors qu’aucune de ses filles n’est présentement à Kinshasa.
Sur Twitter, l’activiste Victor Tesongo a révélé des confidences que lui auraient faites Okende la veille de son décès. «Hier à 6 heures, j’ai parlé avec Chérubin Okende et il m’avait dit: Victor, j’ai de la pression sur moi venant de la maison civile du Chef de l’Etat. Prie pour moi, stp!», a-t-il tweeté.
Natine K.