Un nouveau scandale financier, après les dossiers forages et lampadaires, implique l’argentier national, décidé à fouler au pied les mesures d’encadrement de l’IGF pour opérer des décaissements en mode urgence et alimenter son réseau de rétrocommission
Le ministre des Finances, Nicolas Kazadi, est épinglé dans un nouveau scandale financier, révélé par l’Observatoire de la dépense publique -ODEP- au travers d’un communiqué publié le mercredi 22 mai 2024. L’argentier national, selon l’ODEP, est au cœur d’un circuit opérant par décaissement des fonds en procédure d’urgence pour le paiement de la dette intérieure et rétrocommission en faveur de l’argentier national et de sa clique.
«La dette intérieure est toutes les années en dépassement budgétaire parce qu’à chaque paiement, les montants payés sont décotés en sa -Nicolas Kazadi, ndlr- faveur et celle de ses complices», a dévoilé l’organisation de Florimond Muteba, avant de se faire comprendre en empruntant un langage courant et moins technique: «L’Etat vous doit 10 millions de dollars. Un deal est monté entre le ministre et le créancier. On lui propose par exemple de ne toucher que 40% de sa créance. Et le reste, le ministre et ses complices à divers niveaux de sa hiérarchie et de son entourage». Ce circuit, soigneusement mis en place par Kazadi, a fini par être repéré grâce à la perspicacité des inspecteurs de l’Inspection générale des finances -IGF- en mission à la Banque centrale du Congo -BCC- pendant cette période où le gouvernement Sama Lukonde, réputé démissionnaire, expédie les affaires courantes.
«L’IGF examine pendant cette période toute dépense en procédure d’urgence avant paiement au guichet de la BCC», a renseigné l’ODEP dans son communiqué, précisant qu’une «procédure exceptionnelle» a été initiée pour faciliter l’examen de toute dépense à engager en mode urgence. «L’objectif -est- d’empêcher en cette période le paiement en urgence des dépenses telles que la dette intérieure, les fournisseurs de l’Etat, les interventions économiques, les frais de mission à l’extérieur, source de nombreux détournements», a expliqué l’ODEP. Cependant, cette mesure d’encadrement prise par l’IGF, soucieuse de protéger les caisses du Trésor public contre la prédation, n’a pas fait les affaires de Nicolas Kazadi, habitué à décaisser les fonds suivant la procédure d’urgence.
Quoi que déjà au cœur d’un double scandale financier dans les dossiers des forages et des lampadaires, où il a fait sortir l’argent en procédure d’urgence sans que les travaux ne soient exécutés à temps, Kazadi n’a pas boudé son plaisir de fouler au pied la procédure exceptionnelle de l’IGF. Motif suffisant pour déclencher une guerre avec ce service de la présidence de la République, dirigé par Jules Alingete. Ce dernier, en rage, a saisi le parquet près la Cour de cassation, selon l’ODEP. «Le procureur près la Cour de cassation a enjoint aux inspecteurs des finances en mission à la BCC, les inspecteurs de police judiciaire pour faire respecter la procédure exceptionnelle. Madame Mushengezi a été interpellée, interrogée, mise aux frais pendant trois heures puis relâchée pour obstruction à la mission de l’IGF», a révélé cette organisation de la société civile dans son communiqué de mercredi.
Elle a déploré «l’acharnement du ministre des Finances à demeurer dans les pratiques de gouvernance peu orthodoxes». Faut-il comprendre que mauvaise herbe croit toujours? Affirmatif, selon l’organisation de Florimond Muteba, décidée cependant à rester vent debout contre ces pratiques qui fragilisent l’équilibre économico-financier de la RD-Congo. Ainsi, a-t-elle demandé au président Félix Tshisekedi de «cesser de donner l’impression au peuple RD-congolais de favoriser l’impunité ou même pire d’être complice de son protégé Nicolas Kazadi». L’ODEP, sans ambages, a exigé, au minimum, la suspension de Kazadi, ce «ministre récidiviste» pour qu’il soit mis «hors d’état de continuer à nuire».