
15 ans après le revers à la présidentielle de 2006, comment le Bureau d’âge et le rapprochement avec le Président Félix Tshisekedi se sont révélés une véritable opportunité politique pour celui qui s’est toujours voué un destin national…
Ni Kabiliste pur jus, ni Tshisekediste, ni Fatshiste, président de la Convention pour la République et la démocratie -CRD-, un parti qui se contentait de jouer les seconds couteaux au sein du FCC, le Mobutiste Christophe Mboso N’kodia Pwanga incarne un destin politique hors norme. Cet inconnu de la grande majorité de jeunes RD-congolais jusqu’à sa désignation comme président du Bureau d’âge à la chute du Bureau Mabunda, est devenu numéro 2 du pays à la surprise générale, au lendemain de son élection au perchoir de l’Assemblée nationale.
À 78 ans, le nouveau président de la chambre basse du Parlement RD-congolais est le doyen des élus nationaux. Transfuge du Front commun pour le Congo -FCC-, la légion de Joseph Kabila, le vieux Christophe a rallié Félix Tshisekedi en jouant un rôle déterminant dans la débâcle institutionnelle de la coalition de l’ancien régime.
En fin politicien, Mboso a dirigé avec beaucoup de tact les plénières du 10 décembre 2020 et du 27 janvier 2021 qui ont conduit respectivement à la destitution de Jeanine Mabunda et à la déchéance du gouvernement du Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba. Du coup, le natif du Kwango est devenu l’un des maillons essentiels de la chaine mise en place par Félix Tshisekedi pour se créer une nouvelle majorité à la chambre basse du Parlement.
Le Kwango et les Présidents depuis le concours de Mafuta Kizola à Kasa-Vubu!
Face au jeune PPRD Jean-Pierre Lihau, qui s’est lancé prématurément dans la campagne pour succéder à Jeanine Mabunda, Mboso a fait parler toute son expérience politique, se positionnant comme l’homme de la situation. «Après son revers à la présidentielle de 2006, le député réélu de Kenge avait une revanche à prendre. Faute de devenir n°1 du pays à cette époque, il en est devenu le n°2 quinze ans plus tard à la faveur de son élection au perchoir, prenant du coup une revanche sur lui-même», analyse le député honoraire UDPS Serge Mayamba.
Mboso a fait du renouvellement du bureau de l’Assemblée nationale un enjeu de taille. Il a compris que la solidification de la majorité en gestation en dépend. Profitant de sa position au Bureau d’âge, du rapprochement et des contacts établis avec le Président de la République, il s’est montré utile jusqu’à arracher la totale confiance de Félix Tshisekedi.
Dans un accès de lucidité, il a laissé le temps et les circonstances faire leur œuvre, pendant que lui-même s’est mis à révéler son talent politique. Sa tactique pour se hisser au perchoir en fournit la preuve. Pas de parole accordée à un seul député FCC pendant toutes les plénières qu’il a dirigées, empêchant ainsi toute éventuelle motion incidentielle, la redoutable arme du camp Kabila à l’Assemblée nationale face à toutes les initiatives de l’Opposition jugées dangereuses. Pas question de réunir la conférence des présidents dont les ténors se recrutent parmi les lieutenants de Joseph Kabila. À cela s’ajoute l’idée de l’institution d’une commission qui s’est chargée d’éliminer tous les concurrents directs, garantissant le succès de l’Union sacrée. Dans ce jeu, Mboso s’est positionné comme un des acteurs majeurs pour asseoir l’Union sacrée à l’hémicycle, où elle est devenue la nouvelle majorité parlementaire.
Le parallèle est saisissant entre son action et le concours que son père, son frère du Kwango Albert Delvaux Mafuta Kizola a prêté au Président Joseph Kasa-Vubu pour se débarrasser du Premier ministre Patrice Lumumba.
Pour la petite histoire, en 1960, le Président Joseph Kasa-Vubu est en conflit avec son Premier ministre Patrice Lumumba, majoritaire au Parlement. Kasa-Vubu limoge Lumumba. Son acte est considéré comme illégal et anticonstitutionnel par le Premier ministre, qui prononce à son tour la déchéance du Président.
La Loi fondamentale stipulait en effet que le Chef de l’État ne peut procéder à la révocation du Premier ministre qu’avec l’accord du Parlement et le contreseing de deux ministres. Or, en l’espèce, aucune motion contre le gouvernement n’avait été enregistrée au Parlement et aucun ministre n’avait contresigné le texte de l’éviction. Au demeurant, un acte aussi grave ne pouvait être pris par un simple communiqué de presse.
Le Président Kasa-Vubu a bel et bien dérogé à la procédure légale. Sûr de la protection de l’ANC de Mobutu et des forces de la MONUC, il a préféré s’intéresser au contreseing de deux ministres, notamment le ministre des Affaires étrangères Justin-Marie Bomboko et le ministre résident à Bruxelles Albert Delvaux Mafuta Kizola, premier président de la jeune province du Kwango. Mafuta Kizola a été plusieurs fois ministre dans les gouvernements nommés après la chute de Lumumba. Après un long moment d’éclipse, il a fait sa réapparition en 1977 alors qu’il ne disposait plus de moyens colossaux, à la faveur des élections des membres du Bureau politique et du Conseil législatif, quand il s’est lancé dans la campagne au dernier moment avec son slogan «Le bon vin est toujours servi au bon moment», parvenant à se faire élire grâce aux nombreuses voix de la nombreuse diaspora kinoise de Kwango.
La même année, Christophe Mboso a décidé d’embrasser la politique. “Il a abattu ses cartes aux élections du Bureau politique et du Conseil législatif, le parlement, à la faveur de ce double scrutin voulu et contrôlé par l’Amérique de Carter. Il a été élu membre du Bureau politique et commissaire du peuple cette anné-là, après avoir battu Bernardin Mungul Diaka dans la circonscription électorale de Kwango. Mobutu est passé par lui Mboso pour réduire l’influence de Ya Mungul”, a témoigné son ami et complice Matadi Wamba Kamba Muntu, également élu député le même jour. C’est cette législature bouillonante qui a vu naître l’UDPS avec la fameuse lettre de 13 parlementaires.
En 1997, Laurent Désiré Kabila a déniché aussi son collaborateur du Kwango: Théophile Mbemba. Ce professeur issu des milieux de l’opposition à Mobutu a été promu gouverneur de la ville de Kinshasa de 1997 à 2001.
Joseph Kabila, qui a succédé à son père assassiné la même année, l’a pris pour diriger son cabinet de février à juin 2001, puis pour conduire le ministère de l’Intérieur, sécurité et ordre public de 2001 à 2006.
En 2007, André Kimbuta Yango, un autre originaire du Kwango, a prêté main forte au Président Joseph Kabila pour arracher le gouvernorat de la ville de Kinshasa au MLC de Jean-Pierre Bemba, pourtant majoritaire à l’Assemblée provinciale. Il est resté pendant 12 ans à la tête de la ville, siège des institutions. Kimbuta n’a pas été un gouverneur ordinaire. Kabila s’est quelques fois appuyé sur lui pour mener des dossiers discrets comme des négociations secrètes avec l’UDPS… des Tshisekedi.
Au crépuscule de 2020, rangé pour sa part derrière le Président Félix Tshisekedi dans le schéma d’évincer et de remplacer le Bureau Mabunda ainsi que le gouvernement du Premier ministre Ilunga Ilunkamba, Mboso a pris la route inverse, quittant Kabila pour le Président Félix Tshisekedi. Il a su profiter de sa position de doyen d’âge pour négocier sa désignation comme candidat du Président au perchoir avant d’être élu définitivement aux commandes de l’Assemblée nationale, synonyme de n°2 de la République, avec 389 voix favorables sur 460.
Aujourd’hui, le vieux Christophe est un chef de corps, un grand homme incarné dans sa petite taille. Pour reprendre les termes du quotidien français «Le Monde», cela prouve que le qualificatif de vieux n’est toujours pas négatif. Comme on parle d’un vieux bordeaux, il y a des gens que l’âge détruit et d’autres qu’il améliore.
Compétences intellectuelles et parcours politique indéniables
Mais pour atteindre pareil niveau d’amélioration après l’échec à la présidentielle de 2006, Mboso a dû tailler son chemin dans le roc, comme l’indique son post-nom «N’kodia Pwanga». Titulaire en 1972 d’un diplôme de licence en Sciences politiques et administratives, obtenue à l’Université de Lubumbashi, Christophe Mboso N’kodia a longtemps enseigné au sein du Centre interdisciplinaire pour le développement et l’éducation permanente -CIDEP-, avant d’en prendre la direction. En 2000, il choisit de se perfectionner en suivant une formation en Sciences politiques appliquées et institutions belges et européennes, ainsi qu’un cursus sur les droits humains.
Mboso N’kodia Pwanga a débuté sa carrière politique sous Mobutu Sese Seko. Membre du comité directeur du Mouvement populaire de la révolution -MPR-, le parti unique de l’ancien Président du Zaïre, il a été élu député national du Kwango, dans l’ex-province du Bandundu, entre 1977 et 1990. Il a, à ce titre, été membre de plusieurs commissions parlementaires.
Il a été plusieurs fois ministre jusqu’à la chute de Mobutu, en 1997. Il s’est notamment vu confier les portefeuilles des Mines, de l’Énergie, des Affaires foncières ou encore de l’Agriculture.
Après un court exil de trois mois entre la Tunisie, la Côte d’Ivoire et la Belgique, à la chute de Mobutu, Mboso fait son retour en politique en 1998 avec la création de la Convention pour la République et la démocratie -CRD- dont sont issus les députés Pasi Za Pamba et Jonathan Bialosuka, entrés depuis dans la dissidence contre leur mentor politique. Sénateur au sein du Parlement de transition entre 2003 et 2006, il a tenté sa chance à la présidentielle de 2006, remportée par Joseph Kabila.
Modeste rattrapage face au Kwilu et à Maï-Ndombe
Devenu aujourd’hui le principal collaborateur institutionnel du Président de la République, l’enfant terrible du Kwango promet d’accompagner Félix Tshisekedi dans la confection et la réussite des réformes attendues par la population. «En cet instant précis où j’accède au perchoir de l’Assemblée nationale, je mesure l’étendue de ma responsabilité et les attentes de notre Nation. Notre joie commune c’est de contenter que le train de la démocratie est bel et bien en marche dans notre pays…», a-t-il déclaré peu après son élection.
Puis: «Nous attendons travailler rapidement pour la mise en place des réformes nécessaires pour la prise en charge des besoins sociaux de la population dans tous les secteurs de la vie de notre Nation».
Mboso a pris devant ses collègues l’engagement de pouvoir faire rayonner l’institution Assemblée nationale grâce à son expertise. «Hier, j’étais votre doyen d’âge, aujourd’hui je deviens votre président tout en le demeurant. Je mettrai mon expérience accumulée durant plus de cinq décennies au service de la patrie en vue du rayonnement de notre institution», a-t-il dit.
Avec lui, le Kwango, cette province visiblement oubliée de tous les régimes passés, croit avoir trouvé un digne fils capable de militer pour son développement et surtout tenter de faire une espèce de rattrapage face au Kwilu et au Maï-Ndombe, ces deux autres provinces issues du Grand Bandundu dont les ressortissants ont longtemps régné à des postes élevés du pays.
Le Kwilu a déjà produit un président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, et trois Premiers ministres, en l’occurrence Bernardin Mungul Diaka, Antoine Gizenga et Adolphe Muzito. Et pour la province du Maï-Ndombe, l’histoire renseigne qu’elle a pu compter deux Premiers ministres: André Boboliko Lokonga et Joseph Nsinga Udjuu.
Achille KADIMA
Olitho KAHUNGU