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Le dialogue dans l’impasse, l’impossible requête de Tshisekedi

Le leader de l’UDPS partagé entre les exigences irréalistes de la feuille de route de l’UDPS, notamment la bipolarisation de la scène politique, et les résultats des pourparlers entre ses lieutenants et la Majorité présidentielle, lance une patate chaude au facilitateur Edem Kodjo
Alors qu’il était sûr d’aller vite, Edem Kodjo, le facilitateur du dialogue national en RD-Congo, n’a pas réussi à installer le Comité préparatoire dans le délai imparti. Faute d’avoir obtenu à temps les listes de la Société civile et de l’UDPS. Ce blocage est le fruit d’un gros désaccord entre la Facilitation et le parti d’Etienne Tshisekedi, où l’on s’érige en seul et unique interlocuteur légitime du Pouvoir et l’on considère que le dialogue doit mettre en présence deux blocs: l’UDPS et le Pouvoir.
Evoquant la configuration politique du dialogue, la feuille de route de l’UDPS identifie, à son Point III.A., les protagonistes de la crise politique actuelle: «Les élections ont eu le mérite de reconfigurer politiquement la classe politique congolaise et recadrer la ligne de démarcation claire entre ceux qui soutiennent le système en place et leurs alliés, d’un côté, et ceux qui réclament la vérité des urnes, de l’autre. Deux tendances se dessinent clairement entre les tenants du statu quo et ceux qui militent pour le changement».
Puis: «Ainsi, le contentieux électoral de 2011 se trouve être la cause essentielle de la crise politique actuelle en République Démocratique du Congo. Il va sans dire que ce dialogue pourra mettre autour d’une table le Président élu, Monsieur Etienne Tshisekedi, et ses alliés pour le camp du changement; Monsieur Joseph Kabila et les siens pour le camp du statu quo…». La feuille de route de l’UDPS remet en cause l’existence d’autres ailes de l’Opposition, notamment celles qui ne sont pas en alliance avec Limeté ni de son obédience. Requête impossible, difficile à faire accepter et au Pouvoir et au reste de l’Opposition. Comment enrayer et laisser de côté les grands groupes comme l’Opposition Républicaine et son leader Léon Kengo wa Dondo ou la Dynamique de l’Opposition -avec des partis à encrage sociologique réel de la trempe du MLC de Jean-Pierre Bemba, de l’UNC de Vital Kamerhe-? Par quelle alchimie ignorer sans couac l’existence du G7 avec ses machines, notamment le MSR, l’ARC, l’UNADEF, l’UNAFEC, sans compter ses ténors Pierre Lumbi, Olivier Kamitatu, José Endundo, Gabriel Kyungu, Charles Mwando et Moise Katumbi, son candidat désigné à la présidentielle de novembre 2016? N’a-t-il pas appris que la grand-mère de Justin Bitakwira maudirait le dialogue si son petit-fils de député ex-UNC n’obtenait pas un quota au Comité préparatoire?
Il est évident que la bipolarisation que demande Tshisekedi est aléatoire. Il sera impossible de l’imposer au reste de la classe politique et à la Société civile. «Pareille demande porte en elle les germes de l’illégalité étant donné qu’elle tend à promouvoir la violation de la Constitution dont tous les camps prônent pourtant le respect», analyse le député Samy Badibanga, président du Groupe parlementaire UDPS et alliés à l’Assemblée nationale.
Côté ordre du jour, la feuille de route de Tshisekedi, à son Point III.B., propose entre autres: «Il faudra que les responsables à l’origine de la fraude électorale soient écartés de la gestion du pays à tous les niveaux et du déroulement du processus électoral en cours». Pas besoin d’un dessin pour comprendre que Tshisekedi vise avant tout Kabila et son fauteuil. Pour le président de l’UDPS, le dialogue qu’il ne peut ni ne sait convoquer serait le moment inespéré de procéder à la remise-reprise avec Kabila. Tshisekedi voit-il un Président de la République reconnu par la Communauté internationale lui laisser le pouvoir pour ses beaux yeux ou son âge avancé? Utopique.
Cette vision surréaliste contraste avec les résultats des pourparlers menés entre les émissaires de Tshisekedi et les envoyés de Kabila successivement à Venise, Ibiza, La Haye et Bruxelles. A en croire le résumé qu’en avait fait le sénateur PPRD Léonard She Okitundu, l’UDPS et le Pouvoir étaient tombés d’accord sur:
1. La tenue d’un Dialogue politique national inclusif. Le Dialogue est national parce qu’il est ouvert à toutes les parties prenantes ainsi qu’à toutes les composantes des parties prenantes.
2. Les parties prenantes sont la Société civile, la Majorité présidentielle et l’Opposition politique.
3. Le Dialogue porte sur l’organisation d’un processus électoral apaisé, complet, inclusif, crédible et conforme aux standards internationaux.
Plus loin, le texte indique: «Un Comité préparatoire est mis en place antérieurement à la tenue du Dialogue. Il rassemble les documents de travail, élabore les projets d’ordre du jour et du règlement intérieur. Sa composition est inclusive et comprend des délégués des parties prenantes. Il détermine le nombre des participants au Dialogue et fixe la durée et le lieu de celui-ci».
Puis: «Par souci de transparence et de crédibilité, le lancement du Comité préparatoire est parrainé par le Facilitateur international nommé par l’Union Africaine avec l’appui de la Communauté internationale, en particulier, le Conseil de sécurité des Nations Unies. En attendant, les parties se concertent en vue de la désignation de leurs délégués au Comité préparatoire».
Voici que Tshisekedi pose deux actes susceptibles de tout compromettre, deux patates chaudes lancées à Edem Kodjo. D’une part, il demande au facilitateur de se conformer à la feuille de route de l’UDPS conditionnant ainsi la participation de ses délégués au Comité préparatoire. Et d’autre part, il revendique tous les 12 mandats octroyés à l’Opposition au sein du Comité préparatoire. Du coup, le processus est bloqué. Peut-être pour longtemps, de l’avis de Samy Badibanga, qui se justifie en ces termes: «L’entourage du président Tshisekedi pose problème. Au sein du parti, il y en a qui veulent aller au dialogue parce qu’ils comptent y tirer un profit personnel et ont dû faire un faux rapport au président Tshisekedi sur les précédentes discussions avec la Majorité. Il y en a qui, et je suis de ceux-ci, croient à un dialogue responsable dont l’issue imposerait un minimum de respect des règles». Rappelant que Tshisekedi bouge difficilement de sa ligne, Badibanga entrevoit dans la requête du président de l’UDPS une manière subtile de se ménager une porte de sortie… pour toujours. Indice: l’ultimatum du 24 avril, date au-delà de laquelle il ne faudrait plus espérer un quelconque dialogue avec l’UDPS. Ci-après, le résumé des pourparlers entre l’UDPS et le Pouvoir tel qu’il a été fait par le sénateur Léonard She Okitundu.
AKM
De Venise à Bruxelles, le résumé des pourparlers entre l’UDPS et le Pouvoir
Les deux précédents cycles électoraux organisés sur la base de la Constitution du 18 février 2006 ont été entachés d’imperfections, moindres pour le premier et accentuées pour le second, sans toutefois que l’ordre d’arrivée de ce dernier, au niveau présidentiel, ait pu être impacté.
Il n’empêche que ces imperfections ont donné lieu à des violences et pertes en vies humaines, ce qui ne pouvait laisser les pouvoirs publics indifférents dans la perspective de l’avènement du troisième cycle électoral.
Si l’on ajoute à cela les engagements pris par le Gouvernement de la RDC aux termes de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, les recommandations découlant de la résolution y consécutive du Conseil de sécurité des Nations Unies, sans oublier les revendications d’une frange importante de l’opposition politique, il appartenait au Chef de l’Etat qui, du reste, a reconnu les erreurs commises lors du scrutin de 2011,de prendre une initiative visant à dégager des voies et moyens susceptibles d’éviter la reproduction des imperfections en cause, partant, de déboucher sur l’organisation d’un processus électoral transparent, crédible et conforme aux standards internationaux.
Pour ce faire, le Chef de l’Etat a commencé par dépêcher des émissaires auprès des leaders des partis politiques et de la Société civile dans sa diversité pour les entendre à ce sujet.
Sur la base du rapport de ces missi dominici, le Chef de l’Etat a lui-même procédé aux consultations des représentants de la classe politique, des forces vives du pays ainsi que du Corps diplomatique.
Tous ceux et toutes celles qui ont répondu à l’invitation du Chef de l’Etat ont fait part à leur illustre Interlocuteur, la volonté de voir se tenir en République Démocratique du Congo, un dialogue politique national autour de la problématique électorale.
Mais le Chef de l’Etat ne pouvait tirer les conclusions de ces entretiens sur une question aussi capitale pour l’avenir du pays sans connaître le point de vue du leader de la première formation de l’opposition politique, à savoir, l’UDPS, actuellement retenu à l’étranger pour des raisons de santé, d’autant plus qu’il a été le premier à préconiser un tel forum à la suite des élections de 2011.
Du contact entre l’autorité Morale de la Majorité présidentielle et le président de l’UDPS, par émissaires interposés, il a été retenu que leurs délégués respectifs engagent des pourparlers pour envisager notamment, l’objet et les contours du dialogue.
Au terme de ces pourparlers qui se sont déroulés respectivement à Venise, à Ibiza, à La Haye et finalement à Bruxelles, il a été essentiellement convenu des points suivants repris notamment dans l’Ordonnance portant convocation du Dialogue:
Domesticité et inclusivité du Dialogue
1. La tenue d’un Dialogue politique national inclusif.
Le Dialogue est national parce qu’il se déroule entre congolais. Il est inclusif parce qu’il est ouvert à toutes les parties prenantes ainsi qu’à toutes les composantes des parties prenantes.
2. Les parties prenantes sont : la Société civile, la Majorité Présidentielle et l’Opposition politique.
Objet du Dialogue
3. Le Dialogue porte sur l’organisation d’un processus électoral apaisé, complet, inclusif, crédible et conforme aux standards internationaux.
Convocation du Dialogue
4. Le Dialogue est convoqué par Ordonnance présidentielle, d’une part, parce qu’il est national et que la Constitution, aux termes de l’article 69, fait du Chef de l’Etat, le garant de la Nation qui, à ce titre, veille au fonctionnement régulier des pouvoirs publics et, d’autre part, parce que le Chef de l’Etat est, entre autres, l’Un des Signataires de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba.
A ce sujet, il n’a jamais été question pour les Nations unies de convoquer le Dialogue et encore moins de le diriger mais plutôt de le promouvoir, moyennant les bons offices de leurs envoyés et représentants spéciaux, auprès du Gouvernement de la République.
Gestion du Dialogue
5. Le Dialogue étant national, il est géré par une Co-modération congolaise, à savoir par un représentant de la Majorité Présidentielle et un représentant de l’Opposition politique, le représentant de la Société Civile officiant en tant que Rapporteur.
Facilitation du Dialogue
6. La Co-modération est assistée en permanence d’une facilitation internationale. Le facilitateur prête ses bons offices à la Co-modération de manière ponctuelle de sorte qu’il peut intervenir spontanément ou à la demande de celle-ci lorsque suite à une divergence sur un point donné, les parties prenantes n’arrivent pas à se mettre d’accord.
7. En offrant ses bons offices, le Facilitateur se borne à amener les parties prenantes à entamer les pourparlers ou à les reprendre en vue de régler elles-mêmes un désaccord persistant. Il ne participe pas aux discussions mais observe attentivement. Il peut seulement faire, le cas échéant, la navette entre les parties prenantes pour les ramener autour de la table. Il est impartial vis-à-vis des parties prenantes et est neutre quant au résultat des discussions.
Témoin international, il garantit la crédibilité et la transparence du Dialogue.
Mode de prise de décision
8. Dans le cadre du Dialogue, les décisions se prennent par consensus.
Garanties de bonne fin
9. La Co-modération, la Facilitation, le consensus comme mode de prise de décision sont des garanties du bon déroulement des négociations, d’équilibre entre les parties et de transparence des débats.
Ce sont autant de moyens de contrôle et de contrepoids réciproques, gages de bonne fin du Dialogue.
Comité Préparatoire
10. Un Comité Préparatoire est mis en place antérieurement à la tenue du Dialogue.
Il rassemble les documents de travail, élabore les projets d’ordre du jour et du règlement intérieur.
Sa composition est inclusive et comprend des délégués des parties prenantes.
Il détermine le nombre des participants au Dialogue et fixe la durée et le lieu de celui-ci.
Par souci de transparence et de crédibilité, le lancement du Comité préparatoire est parrainé par le Facilitateur international nommé par l’Union africaine avec l’appui de la Communauté internationale, en particulier, le Conseil de sécurité des Nations Unies.
En attendant, les parties se concertent en vue de la désignation de leurs délégués au Comité.

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