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Kimasa conteste l’autorité de Gizenga

Au Parti lumumbiste unifié -PALU-, le chef historique et secrétaire général Antoine Gizenga, à qui revient le pouvoir discrétionnaire de nommer et relever le Secrétaire permanent, son plus proche collaborateur, vit une nouvelle fronde susceptible d’effriter son autorité. Prise à Bruxelles où il est en convalescence depuis sa sortie de l’hôpital, sa décision datée du 1er mai 2018 portant exclusion temporaire d’un an pour usurpation des pouvoirs du Congrès du parti du secrétaire permanent Wolf Kimasa, nommé le 3 mars dernier, est rejetée par le concerné. Certains cadres évoquent déjà des sanctions extrêmes à l’égard de Wolf Kimasa, rappelant l’épisode sinistre Laure-Marie Kawanda, ancienne secrétaire permanente radiée du PALU après une émeute mortelle le 30 mars 2013 au siège du parti à Matete, consécutive au refus de l’insurgée de procéder à la remise et reprise avec son successeur Willy Makiashi.
 
Coup de théâtre au Parti lumumbiste unifié -PALU-. Vingt-quatre heures après sa révocation et exclusion du parti, le secrétaire permanent Wolf Kimasa conteste la décision de Gizenga datée du 1er mai 2018 signée de la main du secrétaire général, depuis la Belgique où il est en convalescence.
On peut y lire: «le camarade Wolf Kimasa est exclu temporairement du parti pendant une période d’une année. Le premier secrétaire permanent adjoint chargé de la coordination de la Commission des conseillers généraux aux questions administratives et juridiques, Ngabu Sylvain, assure les fonctions du secrétaire permanent et porte-parole du parti jusqu’à nouvel ordre».
Les griefs à charge du SP Kimasa sont considérés comme flagrants et graves, notamment le fait «d’avoir substitué au programme statutaire le sien propre, usurpant ainsi les attributions du congrès et su secrétaire général chef du parti ce samedi 21 avril 2018».
Avant l’officialisation de cette décision, l’information a fuité et AfricaNews en a fait écho dans son édition série II n°1507 du vendredi 4 au dimanche 6 mai 2018 sous le titre: «PALU: le secrétaire permanent menacé d’éviction, Kimasa, parfum de fin de règne». Et au soir du même vendredi, la décision a été officialisée, Kimasa a été donc exclu du parti pour 12 mois.
Voici que le concerné riposte. Le 5 mai, dans un communiqué signé de sa propre main, Wolf Kimasa «rejette avec vigueur absolue la prétendue décision de son exclusion temporaire du Parti présentée comme émanant du vénérable patriarche Antoine Gizenga». Il évoque ses raisons pour se faire entendre à qui le veut.

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Des fissures au PALU
«Ce document est un faux, puisque comme toute le monde le sait, le Secrétaire général et Chef du parti, le camarade Antoine Gizenga, est actuellement à l’étranger pour des soins médicaux. Il est impensable que sur le lit d’hôpital, qu’il puisse avoir le temps de lire et d’analyser les documents pour prendre une décision d’une telle portée politique», note le communiqué.
A ce stade, Kimasa fait savoir qu’il s’agit vraisemblablement d’une cabale montée de toutes pièces à Kinshasa par des personnes assoiffées du pouvoir dans l’optique d’une guerre de succession et de positionnement politique. «Les auteurs de ce document n’ont guère de considération, de compassion, ni d’amour, ni de respect envers cette très haute personnalité politique -Antoine Gizenga», écrit-il, en soulignant que «dans son état de santé actuel, il mérite repos et tranquillité».
Selon Kimasa, même si ce document aurait été signé par Gizenga, il n’aurait aucune valeur juridique puisque dans cette situation de santé, on se trouverait dans le cas d’un abus de faiblesse. «Cela serait une signature extorquée avec violence morale. Ce qui est inacceptable, parce qu’humainement, moralement et juridiquement condamnable. La situation interne du PALU ne revêtait d’aucune urgence pouvant justifier de l’intervention du camarade patriarche, Antoine Gizenga, préoccupé à l’étranger par son état de santé», argumente Kimasa.
L’homme n’est pas prêt à lâcher prise. «Cela étant, le secrétaire permanent et porte-parole du parti invite tous les camarades cadres et militants du PALU de rester sereins et calmes et de continuer à s’adonner aux activités du parti jusqu’au retour du secrétaire général et chef du parti, qui aura à clarifier cette situation».
 
Kimasa sur les traces de Kawanda      
Au PALU, l’attitude de Kimasa est considérée comme une rébellion contre Gizenga. Ces dernières années, cette signature apposée sur les décisions avec la main tremblotante de Gizenga a toujours suscité respect et soumission de la part de cadres nommés, relevés, suspendus ou révoqués de leurs fonctions par le secrétaire général. Les anciens secrétaires permanents Sylvain Ngabu, Godefroid Mayobo, Dovel Mpango, Willy Makiashi ou Lugi Gizenga n’ont jamais fait de la résistance après leur révocation par Gizenga. Suspendu pour une durée de trois ans, Adolphe Muzito a purgé sa peine jusqu’à sa réhabilitation à travers la même signature.
Seule exception à la règle jusque-là, le cas Laure-Marie Kawanda. Le 30 novembre 2013, la secrétaire permanente sortant devait, après plusieurs refus, procéder à la remise et reprise avec Willy Makiashi nommé 22 jours plus tôt. A la place, le sang avait coulé. Il y a eu mort d’homme et des blessés graves. Kawanda avait créé une résistance en recourant aux services des militants subversifs appelés A5 qui avaient occupé le siège du parti pendant 22 jours, pris en otage et attaqué le 30 novembre 2013 les militants loyaux venus assister à l’investiture de Makiashi. Principale commanditaire de ces troubles, Kawanda ainsi que ses deux complices Floribert Matiti et Godefroid Kapaya furent radiés du PALU sans autre forme de procès.
Surpris d’être révoqué juste après un mois de règne, le plus court mandat d’un secrétaire permanent du PALU, Kimasa a vraisemblablement choisi le schéma Kawanda. Sinon rien n’explique qu’il se mette à contester publiquement la signature qui a fait de lui roi. L’homme crie aujourd’hui à la fausseté de la griffe de Gizenga et à un abus de faiblesse après avoir été lui-même nommé secrétaire permanent trente jours plus tôt, par une décision portant le même seing, dans les mêmes conditions, par le même vieux et souffrant secrétaire général. Il ne s’est jamais offusqué quand il s’est agi d’exhiber le vétéran affaibli par l’âge et la maladie comme un trophée au Palais de la Nation.
Tino MABADA

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