Les milices Muembia ont en effet programmé de déstabiliser tout le territoire de Katanda en y semant la terreur. Les meneurs et bailleurs de fonds doivent être identifiés et poursuivis par l’État RD-congolais pour les violences et crimes qu’ils ont commandités
Depuis deux jours, Katanda pleure et enterre ses morts dans une indifférence totale de ceux qui se présentent dans la capitale, à Kinshasa, comme ses notabilités, alors que, pour la plupart, ils sont incapables de retrouver le territoire de Katanda sur la carte de la RD-Congo. Depuis plus d’une année, un calme a été observé dans cette partie du Kasaï-Oriental usée par un conflit inter ethnique impliquant essentiellement trois communautés à savoir Kapuya et son frère Muembia, contre les Shimba. Hélas, après cette brève période d’accalmie et de paix, les populations se sont réveillées dans l’horreur, dans un bain de sang!
Des événements malheureux sont survenus sur la RN2, provoqués par les milices de Bena Muembia qui ont tiré à balles réelles sur les commerçants qui voyageaient à bord d’un camion de marchandises. Ils se rendaient à Nkumba, en provenance de Mbuji-Mayi, dans la nuit du 20 au 21 février 2024. Les tueries se sont poursuivies dans la matinée du 21 février. La milice Muembia s’est attaquée à toute la population sans viser une ethnie en particulier, même leurs propres frères. Quelques jours avant, ces milices avaient fait des incursions sur les terres du grand chef de la chefferie de Kalambayi.
A qui profite ces nouvelles tueries?
Pour mener une telle razzia, il faut une planification, une organisation, des ressources et surtout de gros moyens. Tout le monde est conscient que les populations sont complètement démunies. D’où peuvent-elles obtenir des armes à feu? D’où tire-t-elle ce courage de s’entretuer et de tuer les autres et pour gagner quoi? Pourquoi saboter le projet de cimenterie qui est l’amorce du développement en termes d’emplois et de flux commerciaux? Il n’y a pas de leaders ou des dignitaires Muembia pour amener ces milices à la raison? Quels bénéfices tire-t-on en répandant le sang des innocents? Autant de questions qui restent sans réponse.
Pendant que Katanda pleure ses morts, le député proclamé par la Commission électorale nationale indépendante -CENI-, Olivier Nsendula publie dans les réseaux sociaux les vidéos des entrainements de cette milice. Entrainements auxquels il a assisté recensement après la publication des résultats. Les vrais motifs de ces tueries ne sont pas connus. Mais depuis un moment, on a vu circuler dans les réseaux sociaux l’annonce de l’opération «déboulonnement pendant 5 ans» qui serait orchestrée par le ministre sortant Tony Mwaba et son frère Nsendula qui, suivant les déclarations des éléments des Forces armées de la RD-Congo -FARDC-, des fractions à l’entrée de Muembia, auraient fourni des armes à feu aux miliciens pour les besoins électoraux et les ont renforcées en minutions et dotées de nouvelles armes récemment.
Quel est le poids de Muembia par rapport à Katanda?
En réalité, Katanda est le plus grand territoire du Kasaï Oriental. Katanda, c’est d’abord Tshitolo aussi grand que la commune de Mont-Ngafula, c’est Nsangu avec ses trois regroupements qui sont les Bakwa Ndoba, Bakwa Bowa et Bena Kabindji. C’est aussi Shimba et les Bakwa Kanda, le regroupement de Bakwa Lonji et de Bakwa Tshinena à la frontière avec Lomami.
Katanda a donné à la République deux Premier-ministres, à savoir: Samy Badibanga Ntita et Bruno Tshibala, un sénateur: Samy Badibanga, deux députés nationaux sortants: Madimba et Ciabola Bintu, des Conseillers du Chef de l’État, de grands hommes d’affaires à Kinshasa. Mais aussi deux ministres dans le gouvernement Sama Lukonde: Rose Mutombo et Tony Mwaba qui n’ont jamais mis leurs pieds à Katanda, si ce n’est qu’à Mbuji-Mayi à l’Hôtel Gloria quand ils se bousculaient pour intégrer la délégation du Chef de l’État dans ses déplacements au Kasaï Oriental!
Muembia ne représente que 3% de la population de Katanda, avec une roche riche en calcaire comme dans tout le territoire et une très grande pauvreté. Des cases qu’on peut compter du bout de doigts
Muembia est le regroupement le plus pauvre du secteur et du territoire. Aucune construction en dur, les cases se comptent du bout des doigts, la population croupit dans la misère la plus totale. Il n’existe aucune école et aucun programme scolaire pour les enfants en âge d’être scolarisés: un village abandonné nourrit par des rêves vendus par les milices de récupérer des terres habitées par les Shimba, alors qu’elles sont incapables d’exploiter les terres en sa procession. En effet, dans ce coin de Katanda, toute initiative de développement est sabotée par les milices Muembia qui ont pris en otage leurs frères les condamnant à la misère. Sa force est dans les armes à feu que ses milices, aujourd’hui incontrôlables, ont reçues des autorités politiques. Et son poids réside dans la quantité de sang que ses milices peuvent verser en une seule journée.
En réalité il n’y a jamais eu de guerres à Katanda
Les conflits c’est entre 3 tribus seulement, dans un seul secteur, sur des milliers d’autres que compte cette partie de la province du Kasaï Oriental: les Baluba Lubilanji. Les trois clans vivaient jadis ensemble et se mariaient. Un élément déterminant pour évaluer le niveau de collaboration et de coopération entre ces clans. Les Pouvoirs publics, aussi bien colonial que celui d’après l’indépendance, n’ont jamais su imposer ou ramener la paix dans cette partie de Katanda victime de ses propres choix et décisions d’autorité: création des chefs sans sang royal, reconnaissance de faux chefs de groupements en violation des rites et procédures coutumières. La cerise sur le gâteau, c’est la déportation punitive des populations d’un village à un autre et mauvais choix des administrateurs du territoire. L’actuel en poste à Katanda est un jeune homme d’une trentaine d’années, fils de responsable fédéral de l’UDPS. Il vit à Mbuji-Mayi!
Les autres secteurs et groupements de Katanda avaient trouvé un début de solution aux problèmes de ces trois clans
Conscient de l’impact de ces guerres inter-claniques sur le climat des affaires et le développement de tout Katanda, un groupe d’experts avait proposé un mode alternatif de règlement des litiges et une stratégie qui associe les populations à toutes les décisions les concernant, chacun dans son village et son groupement. En amont, des contacts ont été pris avec les leaders d’opinion et les notables des trois clans pour obtenir un mot d’ordre et un engagement à œuvrer pour la fin des tueries dans les champs. Les populations ont reçu des appuis et des outils pour la réalisation de leurs projets individuels et communautaires. Les conflits ou actes de violences éventuels, isolés, faisaient l’objet des enquêtes et des solutions concertées.
Pendant, plus d’une année -2022-2023-, il n’y a pas eu de violences encore moins de disputes entre les trois communautés qui avaient commencé à se fréquenter timidement. Pour la première fois, les Shimba ont rendu visite aux Muembia et Kapuya pour parler développement. Compréhensible car, les querelles héritées des aïeux, transmises de bouche à oreille, avaient fini par laisser la place à une histoire édulcorée. La génération Android demande aujourd’hui plus qu’une histoire de terre à récupérer, elle veut la modernisation et le progrès. Elle veut explorer d’autres perspectives de développement. Pourquoi dans son discours de campagne, le Chef de l’État n’a pas encouragé les populations de Katanda qui depuis plus d’une année vivaient dans une paix totale. Il a plutôt parlé de sa honte de les savoir en conflit! Ce discours un peu décalé de la réalité de ce temps-là, prouve qu’il y a des personnes qui tirent profit de la situation de conflit entre ces communautés.
Les milices Muembia formées jadis pour défendre les terres d’avant la déportation, ne poursuivent plus ce but
Elles sont instrumentalisées par des mains noires qui les utilisent, à souhait, tantôt comme outil de répression interne, tantôt pour bloquer le développement de Katanda. On les a vus à l’œuvre le jour du vote. Elles ont été utilisées pour le bourrage des urnes à Muembia, chez eux et à Kapuya chez leur partenaire et voisin. A entendre les déclarations des populations des Katanda, ce sont ces mêmes milices qui ont escorté le chef d’antenne de la CENI qui a disparu avec 9 machines à voter et des sacs contenant des PV non distribués.
Coïncidences troublantes, ces milices entrent en scène seulement quand il est question de l’installation d’une cimenterie à Katanda
Les milices Muembia ont en effet programmé de déstabiliser tout le territoire de Katanda en y semant la terreur. Apparemment, ceux qui les instrumentalisent ne sont pas pour la matérialisation du projet de création d’une cimenterie à Katanda qui pour eux avantagerait le patriarche Mukamba, initiateur du projet. Hier, on pointait du doigt un membre influent de l’UDPS Alexis Mutanda, sans preuve certes. Dotées des armes à feu, les milices Muembia se sont converties en coupeurs de route en massacrant à coups de balles tous ceux qui ont la malchance d’emprunter la route de Katanda centre, toutes ethnies confondues, hommes et femmes, taxis-motos, véhicules privés ou camions des commerçants. Ce qui était conflit intercommunautaire hérité de l’époque coloniale a pris d’autres proportions avec l’opération dite de «déboulement» annoncée il y a quelques semaines. A en croire les populations de Katanda, ces massacres ont été planifiés, programmés, financés et enfin exécutés suivant un chronogramme de 5 ans.
Ce n’est plus un conflit inter-clanique entre les Bena et les Bakwa, mais une affaire d’État
Certes, il y a la guerre d’invasion à l’Est, mais Katanda est aussi, en RD-Congo, un foyer qu’il faille vite éteindre, avec peu de moyens. Il est plus qu’urgent que ces milices soient désarmées, neutralisées et jugées. Les meneurs et bailleurs de fonds doivent être identifiés et poursuivis par l’État RD-congolais pour les violences et crimes qu’ils ont commandités. Le désarmement des miliciens est surtout réclamé par les populations des Muembia, elles-mêmes, qui demandent d’être sécurisées et protégées des atrocités commises à l’intérieur de leurs villages par ces délinquants et pilleurs de leurs champs. Le salut pour ces populations n’est qu’à ce prix.