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Denis Mukwege est désormais le porte-voix de Filimbi et du Front citoyen »

Si le mouvement citoyen congolais Filimbi fait moins parler de lui ces derniers mois, il n’a pas disparu et encore moins rendu les armes. Son coordonnateur, Floribert Anzuluni, se dit toujours déterminé à obtenir le départ du président Joseph Kabila d’ici fin 2016. Pression internationale, présence sur le terrain, association avec des figures de la société civile telles que le Dr. Denis Mukwege… Il détaille sa stratégie à Jeune Afrique.
Vous êtes le coordinateur de Filimbi et du Front citoyen 2016, qui ont pour but d’obtenir le départ du président Joseph Kabila à la fin de son dernier mandat constitutionnel, le 19 décembre prochain. Est-il encore possible que l’élection présidentielle soit organisée cette année ?
Il est de plus en plus difficile d’organiser la présidentielle dans les délais constitutionnels parce que le président Kabila et son entourage ont tout mis en œuvre pour l’empêcher et continuent de bloquer le processus.
Nous restons convaincus que, avec de la bonne volonté, il serait possible de respecter les délais. Mais nous estimons que, même sans élection, le président Kabila devra quitter le pouvoirau plus tard le 19 décembre car il est responsable : il est le garant de la Constitution, il aurait dû s’assurer que l’élection s’organise dans les délais.
On a vu apparaître ces derniers temps le Dr. Denis Mukwege, « l’homme qui répare les femmes », au côté de votre mouvement. Quel est son statut au sein du Front citoyen ?
En réalité, nous sommes en contact avec lui depuis bientôt trois ans, avant même le lancement de Filimbi. Il a participé à la création du Front citoyen 2016, même s’il n’avait pas pu être à son lancement officiel à Dakar.
Désormais, il a officiellement rejoint Filimbi dans le combat pour le respect des délais constitutionnels et l’alternance. Nous avons mené une action à Bukavu le 23 juillet pour marquer cela : nous avons lancé la cellule Filimbi de Bukavu, et, à notre initiative exclusive, nous avons organisé une marche pacifique qui a réuni des milliers de personnes, à l’issue de quoi nous avons remis symboliquement un sifflet au docteur Mukwege pour lui octroyer le statut d’ambassadeur et de porte-voix des citoyens. Il est aujourd’hui le porte-voix tant de Filimbi que du Front citoyen.
Il a accepté de mettre sa crédibilité, son engagement et son réseau international au service du combat pour le respect de la Constitution.
Lorsque vous avez lancé le Front citoyen 2016, il y avait à la fois des organisations de la société civile et des partis politiques. Depuis, les politiques se sont réunis dans une autre plateforme, le Rassemblement de l’opposition, qui a été lancé à Genval, près de Bruxelles, début juin. La société civile s’est-elle dissociée de la classe politique dans ce combat ?
Au sein du Front citoyen, les partis politiques semblaient tellement divisés, leurs ego tellement importants, que les actions communes en devenaient impossible. Certains ont essayé de politiser le Front citoyen… D’autres, comme Étienne Tshisekediprobablement, ont cru qu’il s’agissait d’une plateforme politique partisane et ne souhaitaient s’y subordonner.
Il était préférable que les hommes politiques se réunissent entre eux. Ils l’ont fait, derrière Tshisekedi. Donc nous avons aujourd’hui deux blocs, qui mènent des actions communes. C’est positif. Il n’y a pas de concurrence entre nous. D’ailleurs les mouvements citoyens comme Filimbi et Lucha étaient présents lors du meeting de Tshisekedi à Kinshasa le 31 juillet.

Le mouvement de la société civile a encore du mal à essaimer au Congo et à organiser des manifestations d’ampleur. Comment l’expliquez-vous ?
Historiquement, la mobilisation de la population a toujours été le fait d’hommes politiques au Congo : ils ont des structures que les mouvements citoyens, nés il y a deux ou trois ans seulement, n’ont clairement pas. Mais cela se développe. En tout cas, il est indispensable que les deux s’associent.
Pour l’instant, Filimbi n’a pas réussi à reproduire ce qu’on fait Y’en a marre au Sénégal ou le Balai citoyen au Burkina Faso. Comment l’expliquez-vous ?
Au Sénégal le mouvement citoyen a laissé Abdoulaye Wade se représenter, et il a été battu aux élections. Au Burkina Faso, Blaise Compaoré a tenté de changer la Constitution. Il a été neutralisé. En RD Congo, le cas de figure est inédit : Kabila veut se maintenir sans élection ni réforme de la Constitution. Il n’y a pas de moment précis où la population doit se mobiliser. Il faut trouver comment pousser Kabila à respecter la Constitution.
Nous avons aussi beaucoup joué sur la pression internationale. Nous avons fait des plaidoyers pour obtenir des sanctions ciblées par exemple. Ce quis’est produit avec le chef de la police de Kinshasa, Célestin Kanyama.
Est-ce l’œuvre de Filimbi ?
C’est l’œuvre de la société civile, du Front citoyen et de Filimbi. Et la conséquence immédiate de cette sanction, c’est que, lors de l’arrivée et du meeting d’Étienne Tshisekedi, la police était désarmée et n’a pas utilisé la force. Il n’y a pas eu d’incident. Il y a eu des instructions en ce sens, qui sont la conséquence immédiate des sanctions. Désormais, Kanyama et le gouverneur de Kinshasa, André Kimbuta, prennent énormément de précaution.
Où en est Filimbi sur le terrain ?
On a voulu le décapiter, le stigmatiser, intimider les membres de Filimbi. Mais nous avons continué de travailler dans la clandestinité pour faire émerger des meneurs localement. C’est un travail de longue haleine, mais le mouvement se développe sur le terrain.

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