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RDC : Pari gagné pour le Prof Vunduawe, le Conseil d’État marque les esprits avec la toute première campagne de vulgarisation des compétences des juridictions administratives

Du 18 au 22 avril, la campagne «Le Conseil d’Etat» a permis au public de divers horizons de comprendre la portée des compétences des juridictions de l’ordre administratif. Une initiative du professeur Vunduawe largement saluée par les participants, praticiens du Droit en tête. Le professeur Kaluba, président de la Cour constitutionnelle, a promis d’emboiter le pas au Conseil d’Etat alors que l’avocat Kapiamba a salué une démarche visant «à assurer l’accès aux droits et à la justice»…

Pari gagné pour le professeur Félix Vunduawe te Pemako. «Le Conseil d’Etat se vulgarise», la première campagne de vulgarisation de la Loi organique portant organisation et fonctionnement des juridictions de l’ordre administratif, a été un franc succès. Du 18 au 22 avril, la plus haute juridiction de l’ordre administratif en RD-Congo a entrepris de se faire connaitre et de faire connaitre ses missions et compétences. Justifiant la tenue de ces assises, le premier président du Conseil d’Etat a évoqué une «réponse au constat amer de manque d’informations» sur la justice administrative en RD-Congo.

Tout a commencé le lundi 18 avril avec un auditoire composé des délégués de la Présidence de la République, de la Primature, du gouvernement et des corps diplomatiques. L’orateur du jour, le professeur Noël Botakile, directeur de cabinet du premier président du Conseil d’Etat, a abordé les notions élémentaires du Droit administratif afin de circonscrire les missions du Conseil d’Etat. Il a notamment expliqué que la justice administrative vient pour réparer les abus du pouvoir de l’Administration. Parmi les types de contentieux que connait le Conseil d’Etat, il a évoqué entre autres la pleine juridiction et les référés. «Ces derniers sont des procédures d’urgence», a-t-il indiqué, avant d’expliquer qu’il n’existe que deux ordres de juridictions en RD-Congo: l’ordre judiciaire et l’ordre administratif.

«L’ordre judiciaire est coiffé par la Cour de cassation et l’ordre administratif par le Conseil d’Etat. Aux côtés de ces deux ordres, le législateur a créé une juridiction spécifique avec des compétences spéciales: la Cour constitutionnelle», a-t-il ajouté.

Le premier président et le procureur général du Conseil d’Etat

De son côté, le professeur Elie-Léon Ndomba, président de la section du contentieux et modérateur du jour, a rappelé qu’en attendant la mise en place des autres juridictions de l’ordre administratif -tribunaux administratifs et cours administratives d’appel-, les sections administratives des Cours d’appel de l’ordre judiciaire continuent d’exercer les compétences administratives de manière transitoire.

Mardi 19 avril, c’était autour des institutions d’appui à la démocratie, des institutions de la ville de Kinshasa, ainsi que des délégués de l’ANR, de la DGM, de la Cour des comptes, de l’IGF, des FARDC et de la Police nationale d’être éclairés sur les compétences du Conseil d’Etat et des autres juridictions qu’il coiffe.

Jetant les dés de cette deuxième journée, le professeur Léon Odimula, conseiller au Conseil d’Etat, a fait l’économie du contentieux administratif en droit RD-congolais avant que le professeur Barthélemy Omeonga ne s’étale sur les compétences des juridictions de l’ordre administratif.

«Les juridictions administratives sont de deux types: ordinaires et spécialisées. Les premières ont une existence constitutionnelle et disposent des compétences générales. Elles sont comparables à des médecins généralistes. Il s’agit des tribunaux administratifs, des Cours administratives d’appel et du Conseil d’Etat. Les secondes sont constituées des juridictions disciplinaires d’administrations ou des organismes professionnels siégeant comme des véritables juridictions mais dont les décisions sont entreprises soit par voie d’appel, soit par voie de cassation devant la juridiction administrative ordinaire. Elles sont des compétences d’attribution et sont comparables à des médecins spécialistes et sont innombrables. Présentement, on peut citer: le Conseil supérieur de la magistrature, la Cour des comptes, le Conseil national de l’ordre des avocats…», a-t-il fait savoir.

Mercredi 20 avril devant un auditoire constitué des opérateurs économiques, des entrepreneurs, des délégués des banques et des entreprises publiques ainsi que des professeurs d’universités, les professeur Mboko et Kaluba ont de manière simpliste expliqué les notions de droit administratif, insistant sur l’esprit du constituant de ne pas laisser l’Administration abuser de son pouvoir. Revenant à la charge le jeudi 21 avril cette fois devant les avocats, les architectes, les journalistes et autres ordres professionnels, le professeur Omeonga a, cette fois, abordé les voies de recours devant les juridictions de l’ordre administratif. Dans son exposé, il a rappelé la notion du plein contentieux.

«Il y a plein contentieux lorsque la demande postule à la fois l’annulation d’un acte, d’un règlement ou d’une décision et/ou la réparation d’un préjudice subi du fait de l’administration», a-t-il indiqué. Et d’ajouter: «ce type de recours confère au juge administratif des pouvoirs importants qui lui permettent d’ordonner, au-delà d’une simple annulation, la réparation des dommages causés par un acte, un règlement ou une décision illégale. Le requérant détient, dans ce dernier cas, d’une double action qu’il doit mener concomitamment, une action en responsabilité administrative qui est portée en même temps que la demande en annulation».

Par la suite, il a également insisté sur les conditions de recevabilité d’un recours, notamment les mentions obligatoires, les pièces à joindre. «Le recours pour excès de pouvoir vise les actes administratifs unilatéraux faisant grief, c’est-à-dire les actes administratifs de nature à produire par eux-mêmes des effets juridiques et contre lesquels ce recours est recevable», a-t-il martelé.

Le dernier jour devant les défenseurs des droits de l’homme, des femmes, des PVH-APV ainsi que des mouvements associatifs des jeunes et des femmes, les professeurs Léon Odimula et Zacharie Ntumba ont fait la synthèse des quatre premières journées avant la cérémonie de clôture.

Le Conseil d’Etat, véritable précurseur

Au terme de ces assises, le premier président du Conseil d’Etat, le professeur Vunduawe, n’a pas caché sa satisfaction du fait que sa juridiction n’est plus totalement inconnue du public. «Je reconnais cependant que nous n’avons pas pu atteindre tous les justiciables du Conseil d’Etat. Voilà pourquoi, les portes de notre Haute juridiction resteront ouvertes et nos services accessibles afin de continuer à faciliter une meilleure familiarisation entre l’institution et ses justiciables», a-t-il promis.

Du côté des participants et des intervenants, les réactions ont été éloquentes. En effet, c’est pour la toute première fois dans l’histoire de la RD-Congo qu’une juridiction, et de manière plus large une institution, décide de se faire connaitre. De quoi susciter l’admiration du professeur Dieudonné Kaluba Dibwa, président de la Cour constitutionnelle et du Conseil supérieur de la magistrature, qui a promis d’emboîter le pas au Conseil d’Etat très prochainement. Représentant du Commissaire général de la PNC au deuxième jour des assises, son conseiller juridique s’est dit être «fier» de l’initiative. «Beaucoup connaissent la loi mais peu maitrisent réellement la procédure devant le Conseil d’Etat. Cette journée nous a édifié sur les missions et compétences de cette juridiction. L’existence du Conseil d’Etat est une preuve que l’Etat de droit est une réalité dans le pays, quitte à appliquer maintenant les ordonnances qu’il rend», a-t-il souligné.

Abondant dans le même sens, le conseiller juridique de la FEC a également apprécié des «exposés d’une très haute facture». «Cet exercice qu’a entrepris le Conseil d’Etat est très utile. Le commun des mortels ne comprend pas exactement les missions du Conseil d’Etat car les textes sont souvent rédigés de manière ésotérique. Grâce à ce genre d’activité, on apprend sur le travail du Conseil d’Etat et comment le saisir», a souligné Me Katwala.

De son côté, Me Georges Kapiamba, défenseur des droits de l’homme et président de l’Association congolaise pour l’accès à la justice -ACAJ-, a salué une grande première dans l’histoire de la justice RD-congolaise. «C’est à la fois une fierté et une satisfaction de voir, pour la première, une juridiction prendre l’initiative de vulgariser ses compétences, ses procédures ainsi que les voies de recours. En tant que défenseur des droits de l’homme, être associé dans ce genre d’assises ne peut que nous réjouir. C’est une initiative à souhaiter pour les autres juridictions d’autant plus que cela contribue à assurer l’accès aux droits et à la justice car un citoyen qui ne connait pas ses droits et les procédures des juridictions de son pays, ne peut s’en prévaloir et les défendre», a dit Me Georges Kapiamba.

La campagne «Le Conseil d’Etat se vulgarise» a également été l’occasion pour la plus haute juridiction de l’ordre administratif de présenter officiellement son site web –www.conseil-etat.cd– et ses plateformes numériques où se poursuivra désormais, à en croire le premier président Vunduawe, la vulgarisation du Conseil d’Etat, en attendant une deuxième phase prévue à Kinshasa puis plus tard en provinces.

Le Conseil d’Etat tire son existence de l’article 154 de la Constitution du 18 février 2006. Ses compétences sont consultatives et contentieuses. En matière consultative, il joue le rôle de conseiller des pouvoirs publics et émet des avis de régularité juridique pour des textes en chantier et des avis de portée juridique pour des difficultés d’interprétation des textes en vigueur.

En matière contentieuse, il est juge de tout litige opposant l’Administration aux administrés lorsqu’il est fait recours aux prérogatives de puissance publique. Le Conseil d’Etat connait également en appel le contentieux électoral des élections autres que la présidentielle et les législatives nationales. Par exemple, il a rendu plusieurs arrêts la nuit du jeudi 21 au vendredi 22 avril dans des affaires en rapport avec la contestation des candidatures à l’élection des gouverneurs de provinces prévues le 06 mai prochain. La CENI qui avait mobilisé ses juristes s’est dit satisfaite en publiant la liste définitive des candidats gouv’ à la lumière de ces arrêts du Conseil d’Etat.  

Dandjes LUYILA

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