
La Commission électorale nationale indépendante -CENI- a clôturé le jeudi 11 mai 2023 l’appel à candidatures, lancé un jour plus tôt, pour recruter l’organe devant procéder à l’audit de son fichier électoral. A la clôture de cette opération, lancée après que l’Organisation internationale de la Francophonie -OIF- a renoncé à l’idée d’auditer le fichier électoral, évoquant un délai trop court pour la réalisation de cette tâche, il s’est observé une levée de boucliers contre cette procédée de la CENI qui, en plus de violer la Loi, n’augure ni transparence ni confiance des parties prenantes au processus.
La Mission d’observation électorale des églises catholique et protestante -MOE CENCO-ECC- a sonné le tocsin le même jeudi via une déclaration, signée conjointement par Mgr Donatien Nshole et le pasteur Eric Senga. Cette organisation redoute «la radicalisation du doute sur la sincérité du processus électoral» dans l’hypothèse où «le processus d’audit externe du fichier est mené comme tel». «L’audit externe d’un fichier électoral fait partie de bonnes pratiques électorales. Beaucoup d’Etats africains où il y a méfiance entre les acteurs politiques et le déficit en confiance du public au processus en font recours. Il est normalement conduit par une Organisation ou un Organisme indépendant sélectionné dans la transparence, conformément aux principes d’Avis d’appels à candidatures et au cahier de charge de l’OGE», a fait observer la MOE CENCO-ECC, non sans noter des «contradictions» dans l’Appel à candidatures élaboré par la CENI.
«Le point 17 de l’Appel à candidatures de la mission d’audit externe publié par la CENI indique clairement que la Centrale électorale va recruter des consultants qu’elle-même va organiser pour conduire l’audit du fichier constitué par elle-même. En outre, le point 14 permettra à la CENI de censurer la méthodologie de l’audit -elle doit la valider- et le rapport qui en résultera -elle doit l’approuver. Ces dispositions sont en contradiction avec une autre du point 17 qui voudrait qu’aucune partie prenante ne soit en situation de conflit d’intérêt», a-t-elle relevé, tout en soutenant, comme l’OIF, que «la durée de 6 jours semble insuffisante pour analyser le cadre juridique et réglementaire dont toutes les procédures y afférentes, évaluer l’unicité de chaque électeur de l’échantillon (quelle qu’en soit la taille), évaluer l’inclusivité, l’exactitude et l’exhaustivité du fichier, et rédiger les différents rapports».
Au-delà d’être insuffisante, cette durée contient, selon le Centre de recherches en finances publiques et développement local -CREFDL-, des germes susceptibles d’«entrainer le discrédit du rapport final par les différents acteurs du processus électoral». Partant de ces observations, a alerté la mission d’observation des églises catholique et protestante, l’équipe qui sera mise en place par la CENI ne sera pas indépendante et son rapport pourrait être orienté ou manipulé.
«En conséquence, il y a risque élevé de ne pas trouver un consensus sur le fichier électoral, la méfiance entre les acteurs politiques va être renforcée et la confiance du public au processus électoral va de plus en plus se détériorer. In fine, la crédibilité du processus électoral et des résultats qui en résulteront sera de plus en plus entamée», a-t-elle poursuivi.
Et de soutenir: «Il est de l’intérêt de la CENI et du processus électoral lui-même qu’un Organisme indépendant expérimenté sur la matière soit identifié et invité pour réaliser, en impliquant quelques experts nationaux, ce travail dans les délais convenables, respectant les conditions qui préservent la souveraineté nationale, sans offenser l’indépendance dudit organisme». A l’instar de la MOE CENCO-ECC, une autre organisation de la société civile s’est opposée à l’action amorcée par la CENI pour l’audit du fichier électoral. Il s’agit du Centre de recherches en finances publiques et développement local -CREFDL- qui reproche à la Centrale électorale d’«organiser la sélection des consultants chargés d’audit du fichier électoral en marge des principes de la Loi relative aux marchés publics».
«La procédure de sélection entamée par la CENI s’inscrit dans le cadre d’un processus de marché public. Il s’agit ici d’un marché de prestations intellectuelles, dont l’élément prédominant n’est pas physiquement quantifiable -article 40 de la Loi relative aux marchés publics. Ce processus requiert à cet effet une mise en concurrence des candidats pré qualifiés conformément aux critères définis dans le cahier des charges, compte tenu de la sensibilité de l’Offre», a fait observer Valery Madianga, Directeur général du CREFDL, accusant la CENI d’avoir empiété sur un «élément clé de transparence et d’équité dans un processus de passation des marchés publics» en organisant la procédure d’Appel d’offres en deux jours seulement. La procédure étant «opaque», le CREFDL prévient que cela risque «d’entrainer le discrédit du processus électoral».
Quelques jours plus tôt, une autre organisation, la Commission africaine pour la supervision des élections -CASE-, avait accusé la CENI de procéder à un audit trompe l’œil du fichier électoral. Elle a révélé «des arrangements souterrains entrepris depuis peu par la CENI en vue de recruter un cabinet secourable et obéissant d’audit du fichier électoral pour justifier le maintien de l’équipe Kadima».