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Kokonyangi contre Lumeya

Le ministre de l’Urbanisme et Habitat, Kokonyangi Witanene, vient de signer un nouveau scandale. Dans un secteur qui n’est pas le sien cette fois-ci. En effet, le ministre de l’Urbanisme et Habitat vient de décider, de manière unilatérale et sans compétence aucune, de changement de destination d’une concession de terre appartenant à autrui et située dans la commune de Ngaliema à Kinshasa. L’Arrêté ministériel y relatif a été signé le 16 juin 2018 de la main de Kokonyangi lui-même. Comble de scandale, non seulement il change la destination de cette propriété privée, un lotissement dont les propriétaires sont détenteurs des titres officiels, mais également il décide de l’attribuer à une inconnue, Madame Ntalaja Salem Olive Esther.
Comment en est-on arrivé là? En effet, en date de vendredi 6 juillet dernier, une cohorte de policiers armés et prêts à dégainer au moindre mouvement a été dépêchée dans ce lotissement créé sur les cendres du «Cercle Equestre l’Etrier de Binza» pour y déloger les occupants. Contrairement aux consignes édictées dans leur ordre de mission, ces éléments de la PNC se sont distingués par une brutalité d’une rare violence. Plusieurs forfaits ont été signalés à savoir passage à tabac, destruction des biens et autre vol. Le quartier était dans l’émoi. «Faire débarquer dans un quartier résidentiel un peloton de policiers armés sans réquisition des instances judiciaires constitue une violation du Droit», explique un des occupants du site. Ce qui nécessite une enquête minutieuse.
 
Usurpation des pouvoirs
Les premières investigations menées sur le dossier conduisent aux documents qui retracent l’historique dudit site et l’identité de ses vrais propriétaires. Il y a d’abord un Arrêt de la Cour d’Appel de Kinshasa/Gombe du 5 mai 2017 qui déclare que la concession «est couverte par le certificat d’enregistrement d’une emphytéose volume AW 332 Folio 62 du 17 septembre 1992 au nom de la société Coopérative SPRL Cercle Equestre l’Etrier qui, par acte de vente du 24 février 1993, a cédé son droit d’emphytéose à Dame Zarena Safi qui, à son tour, a morcelé la dite concession et cédé tous ses droits à des tiers qui effectuent actuellement des travaux sur les parcelles ainsi acquises». Donc du côté du Droit, il ne se pose aucun problème de propriété sur ce lotissement.Cette disposition de l’Arrêt avant dire droit de la Cour d’Appel a motivé la décision du ministre des Affaires foncières, Me Lumeya-Dhu-Malegi, qui avait consacré ce morcellement par un Arrêté ministériel -deuxième document- signé le 14 novembre 2017. «Est accordé le morcellement de la concession portant le n° 923 couverte par le certificat d’enregistrement  Vol AW 332 Folio 62 et création de 115 parcelles à usage résidentiel portant la série des numéros allant de 41.768 à 41.882 dont les limites, tenants et aboutissants se réfèrent au plan en annexe et dressé à l’échelle de 1/1000ème», écrivait le ministre Lumeya. Cet arrêté devenu inattaquable est même publié au Journal officiel -troisième document- du 1er janvier 2018.
Comment expliquer alors l’entrée en scène du ministre Kokonyangi? Réagissant, à chaud, pour donner son point de vue dans cette affaire, un membre du cabinet du ministre des Affaires foncières a indiqué, sous le sceau de l’anonymat, que le ministre Kokonyangi vient là de pécher par une usurpation des pouvoirs. Ce qui, selon lui, ne peut être accepté. Avant de poursuivre: «le ministre Kokonyangi travaille ici contre le ministre Lumeya et risque de tomber sous le poids de ses propres turpitudes». Comment le croire? Pour ce collaborateur du ministre des Affaires foncières, le lotissement dont question ne fait pas partie du domaine public de l’Etat et Kokonyangi n’a aucun pouvoir sur ce terrain au regard des textes consacrant les attributions des ministères.
A la suite de ce spécialiste des Affaires foncières, Me Goewa Elu Jean-Fils, écrivait au ministre Kokonyangi en ces termes: «dès lors que cette concession aujourd’hui morcelée n’a jamais fait partie du domaine public de l’Etat et que la justice a déjà fait son travail, il ne revient pas à vous, en votre qualité de ministre de l’Urbanisme et Habitat, de remettre en cause les décisions de la justice déjà coulées en force de chose jugée en cherchant à réinstaller les parties succombantes. Vous devriez plutôt respecter votre sphère de compétence qui est celle de la gestion du domaine public de l’Etat et de se soumettre à l’autorité de la loi. Agir autrement c’est l’arbitrage, c’est la jungle». Telle une prémonition, cet avocat savait lire la pensée, les faits et geste du ministre Kokonyangi et le mettait déjà en garde depuis le mois de mai dernier.
 
Odeur de corruption
L’argumentaire développé par les techniciens tant du Droit que des Affaires foncières réduisent à néant tout le zèle du ministre de l’Urbanisme et Habitat dans cette affaire. Que cache alors son acharnement à vouloir troubler la jouissance du lieu par ses propriétaires? Plus d’une personne intéressée à la question considère qu’il s’agit d’un problème d’intéressement. Et l’intervention de la Police dans le dossier n’est pas un fait du hasard. Le Général Sylvano Kasongo, commissaire provincial de la Police à Kinshasa, sollicité par le ministre Kokonyangi a signé, de sa main, l’ordre de mission pour dépêcher les policiers sur le site. Quel rôle le ministre Kokonyangi voudrait-il faire jouer au Général Kasongo Sylvano en l’impliquant dans cette besogne? A bien analyser, la lettre de Kokonyangi adressée au Commandant de PNC/ville de Kinshasa n’est connue d’aucune autre autorité de la Police sinon de ses propres collaborateurs -vice-ministre, secrétaire général- visiblement au courant du complot. Ce qui dénote une instrumentalisation de la Police à des fins privées. Au stade actuel et au regard des enjeux en présence, les analystes soutiennent que Kokonyangi voudrait se servir de l’influence et de la puissance de dissuasion de la Police pour satisfaire son dessein. Il est clair que le ministre Kokonyangi lorgne sur un bien d’autrui qu’il tente de s’en approprier indûment et en utilisant plusieurs subterfuges. Sa tentative d’abroger -usurpation des pouvoirs- un Arrêté pris par son collègue pour le remplacer par le sien, pourtant mal venu en dit long. Jusqu’où on peu le laisser aller? Il nous revient, au moment où nous mettons sous presse la récente édition que les occupants lésés dans leurs droits s’organisent pour des actions en justice contre le ministre Kokonyangi et tous ceux qui le soutiennent dans cette aventure. Ci-contre, l’arrêté ministériel portant morcellement de la concession et la correspondance de Me Goewa à Kokonyangi.
Ya KAKESA

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