Culture

Jean Goubald: «l’absence d’instruction est à l’origine de tout dans notre société»

La musique RD-congolaise qui jadis faisait la pluie et le beau temps semble perdre de sa superbe au moment où l’industrie musicale est quasi inexistante. «Nous sommes devenus une proie facile pour ceux qui veulent nous exploiter dans le seul but de se faire de l’argent. Car, dans ce métier, peu use de leur capacité intellectuelle», a confié Jean Goubald lors d’une interview accordée à «AfricaNews». Les aires qui vantaient autrefois la femme et les bonnes mœurs font à ce jour l’apologie de l’immoralité et des antivaleurs, sous le regard impuissant du pouvoir public. «Les organes de régulation doivent reprendre leurs responsabilités», a plaidé l’artiste.
Quelle est la considération peut-on avoir de la musique RD-congolaise?
Notre musique n’a pas de considération car il y des excès et dérapages qui empêchent les artistes d’occuper leur place. Cette situation fait qu’on ne peut pas aujourd’hui retrouver dans les textes un message pouvant influencer positivement le public. Les musiciens RD-congolais ont également oublié leur rôle de servir la société à travers les chansons. Dorénavant, ils se considèrent au-dessus de la société et de ceux pour qui ils chantent. On se trouve devant une musique devenue une vraie comédie. Une vraie bouffonnerie. Regardez bien les contenus de publicités à la télé, cela illustre bien le niveau intellectuel des artistes et même du public pour lequel les messages sont conçus. Je suis sidéré car il n’est pas normal que des bouffonneries prennent les pas sur la norme, les standards et les valeurs dans une société des hommes. Nous sommes devenus une proie facile pour ceux qui cherchent à exploiter les artistes dans le but de se faire de l’argent. Dans notre métier, peu sont ceux qui usent de leur capacité intellectuelle.
C’est fréquent de nos jours d’écouter les chansons vantant l’immoralité. Qu’est-ce qui explique cela?
Vous savez l’artiste est avant tout un citoyen normal, une personne issue d’une famille ou d’un milieu social. Je dirai que l’absence d’instruction et des valeurs sont à l’origine des plusieurs maux rongeant la musique RD-congolaise et notre société. Cette situation résulte de l’échec de la famille qui n’a pas réussi dans sa mission d’encadrer l’enfant. Déjà, les parents ont perdu toute autorité à cause de la crise sociale frappant le pays depuis plusieurs années. Les églises se sont plus focalisées sur les matériels, la visibilité de pasteurs qu’à la formation de l’esprit de l’homme. Enfin, l’Etat qui a certain niveau a témoigné des limites. Dans ce cocktail bizarre, il y a des faussaires pour qui chanter l’immoralité est la seule voie de se faire connaitre. Pendant ce temps, les services régulateurs restent bien silencieux.
Les musiciens RD-congolais sont encore des leaders d’opinion?
Le feu professeur Philipe Buyoya s’était déjà interrogé de la fonction politique de la musique dans la construction du leadership national et international en RD-Congo. Je crois que les musiciens n’ont pas encore atteint ce niveau des leaders d’opinion. Parce qu’avant de construire un leadership, il faut tout d’abord être. Dans notre pays, il y a beaucoup plus des faux, des gens qui apparaissent mais qui, en réalité, ne sont pas! La plupart de ceux qu’on désigne leader d’opinion ne le sont pas à mon avis parce qu’ils n’ont également aucun avis sur les questions de fond ou face aux divers tumultes auxquelles notre pays est en train de faire face.
Que peuvent être des remèdes face à cette crise morale?
Il faut que les organes de responsabilité retrouvent leur fonction. Par organe de responsabilité, je fais allusion à la famille, l’église et surtout l’Etat. Car, c’est grâce à une politique précise, claire et cohérente qu’un pays se développe et peut s’offrir un avenir meilleur.
Et que pensez-vous de «Libanga» dans la chanson?
Vous savez un homme libre, épanoui n’accepterait pas que son semblable chante pour lui ou qu’il chante pour l’autre. Nous devons être conscients que nous sommes tous égaux. S’il y a quelqu’un pour qui nous devons chanter, c’est Dieu. Mais, il arrive de chanter pour quelqu’un, mais cela doit être une œuvre vantant les valeurs intrinsèques de la personne. Mais, si c’est pour une certaine perversion, il s’agit là de l’acceptation d’une sorte d’esclavagisme. L’artiste RD-congolais devrait apprendre à se connaitre soi-même. Il y a une confusion indescriptible autour du rôle de chacun dans le domaine de l’art. Souvent, l’ignorance de son identité expliquerait certaines pratiques. Ça me fait toujours rire de voir certains artistes se targuer du titre d’auteur-compositeur alors qu’ils sont incapables de rédiger une phrase. Aberrant! Que ceux qui ont une parcelle du pouvoir dans notre domaine de la musique recadrent les choses.
Propos recueillis par Brice NLANDU

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