Culture

Balufu Bakupa: «Le cinéma est un formidable outil de l’éducation d’une nation, un facteur majeur du développement d’un pays»

Un des rares producteurs et réalisateurs RD-congolais faisant la fierté non seulement de son pays sur la grande scène internationale du cinéma mais aussi de la grande Afrique, Balufu Bakupa Kanyinda reste un modèle pour la génération montante dans le secteur cinématographique. Preuve: lors de ses différents séjours à Kinshasa, ce producteur se fait désirer par les jeunes cinéastes évoluant au pays qui souhaitent échanger et partager des connaissances avec le maestro qui dégage une disponibilité inconditionnelle. Aujourd’hui, l’apport de Balufu Bakupa Kanyinda au cinéma et surtout sa vision panafricaine porte de plus en plus des fruits. Les reconnaissances proviennent de divers sens. Loin de son pays, BBK a eu l’honneur et le privilège d’être fait par l’Etat burkinabé chevalier du Mérite des Arts, des Lettres et de la communication. C’était à l’occasion de la 25ème édition du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou -FESPACO 2017. Un signe qui ne trompe pas. Cela confirme la notoriété de ce digne fils RD-congolais qui reconnait avec beaucoup d’assurance que le cinéma est un formidable outil de l’éducation d’une nation, un facteur majeur du développement d’un pays. Une vision qui échapperait les autorités RD-congolaises. Sans ambages, Balufu Bakupa Kanyinda a, dans une interview à «AfricaNews», noté qu’il manque beaucoup d’incitations de base que seul un Etat responsable de l’imaginaire de son peuple doit mettre en place. Une aide aux investissements est nécessaire car, dit-il, le pays manque du minimum d’infrastructures culturelles: salles de cinéma ni de théâtre dignes. Entretien.    
 
Vos mérites viennent d’être reconnus loin de votre pays. L’Etat burkinabé vient vous faire chevalier du Mérite des Arts, des Lettres et de la communication avec agrafe cinématographie, en mettant Thomas Sankara à l’écran. Quels sont vos sentiments?
 
C’est un grand honneur, une véritable fierté. Tel qu’exprimé par le gouvernement du Burkina-Faso, c’est la reconnaissance de mon apport au cinéma et à sa vision panafricaine. Cela sous-entend évidemment plusieurs choses et actions.
 
Parlez-nous en quelques lignes de cette démarche mettant en valeur et surtout à sa place, Thomas Sankara?
 
J’ai réalisé un film sur Thomas Sankara. La décision de le faire a été prise à Ouagadougou, lors du FESPACO 1989, deux ans après son assassinat. Le film a été présenté au FESPACO 1993. Et ce fut un très grand événement. C’est documentaire qui porte la pérennité de la mémoire de Thomas Sankara. Une des faiblesses des Africains, c’est une perte de mémoire.
 
Dites-nous comment le public a accueilli le Prix Thomas Sankara qui vous avez initié?
 
J’ai créé le Prix Thomas Sankara en novembre 2014, pour primer un film court-métrage de la sélection officielle en compétition au FESPACO. La première édition du Prix a eu lieu lors du FESPACO 2015. Donc, en 2017, c’était la deuxième édition. C’est un prix prestigieux, qui est un événement.
 
Partout où tu passes, c’est la RD-Congo qui est mise à l’honneur. Sentez-vous réellement fier de cela?
 
Je suis d’abord fier du travail effectué en équipe avec tous ceux qui participent à mon travail. Oui en quelque sorte je représente mon pays, la RD-Congo, dans les regards du monde cinématographique. Comme me l’a dit Edgar Morin, le célèbre sociologue français, faire un film c’est une façon de donner de ses nouvelles au monde. Je suis bien sûr fier de donner une autre image de la RD-Congo, celle de l’intelligence et de la créativité.
 
Parmi les films des RD-Congolais sélectionnés en compétition lors de la 25ème édition du FESPACO, il y a «Mbamba» et «Congo, le silence des crimes oubliés» qui a d’ailleurs remporté le 2ème prix dans la catégorie de «Meilleurs documentaires», dont vous êtes producteur pour le premier et producteur associé pour le second. Comment réagissez-vous?
 
Très content pour mon frère Gilbert Balufu qui a porté seul son film de bout en bout. Je le félicite, et c’est à lui tout seul que reviennes toutes les mérites. C’est un excellent film qui porte, pour la première fois, à l’écran et à la face du monde le point de vue d’un RD-Congolais sur les crimes commis au Kivu depuis 1994. Nos réalités ne doivent pas être seulement documentées par les étrangers. Nous avons le devoir de parler de nous-mêmes, de donner notre point de vue sur nos réalités. C’est cela que Gilbert Balufu a exprimé à travers et avec son film. J’interviens comme producteur associé, avec la Black Star Line et Dipanda Yo! Quant à «Mbamba», réalisé par Michée Nsunzu, qui a été fortement apprécié par le public, il fait partie d’une dizaine de courts-métrages que j’ai produits à Kinshasa, avec la Société du film du Congo ASBL -SFC- et ma société de production -Dipanda Yo! SARL-, à travers mon programme «La Manufacture de l’imaginaire». Nous avons maintenant une grande entité qui comprend aussi la distribution des films dans le circuit mondial qui est la BK&A SARL.
 
Vous contribuez énormément au rayonnement du cinéma RD-congolais en produisant des films des jeunes talentueux, à travers Black Star Line et autres, quelles sont vos principales motivations?
 
Comme je l’ai souligné pour «Mbamba», le film de Michée Nsunzu, qui était en compétition au FESPACO 2017, mon travail de cinéaste c’est aussi d’accompagner les plus jeunes, de leur transmettre une expérience.
 
Comment voyez-vous l’avenir de l’industrie cinématographique RD-congolaise?
 
L’industrie cinématographique n’existe pas encore en RD-Congo, dans le sens de la chaîne complète de production et de commercialisation. Il manque beaucoup d’incitations de base que seul un Etat responsable de l’imaginaire de son peuple doit mettre en place. Une aide aux investissements est nécessaire, car notre pays manque du minimum d’infrastructures culturelles. Pas de salles de cinéma ni de théâtre dignes. Même la production musicale locale vivote, et plonge dans le simplisme de la médiocrité. Nous avons de réels talents créatifs en RD-Congo. Mais ces talents ont besoin d’un coup de main -ils en ont même droit de la part des gouvernants. Bien que l’avenir du cinéma en RD-Congo se fera par la volonté de ses artisans, des cinéastes, la présence d’un cadre étatique est nécessaire.
 
En tant qu’expert en la matière, que faire, selon vous, pour redresser davantage le cinéma RD-congolais?
 
Il faut former. Il faut produire. Eduquer la population à l’image, dès l’école primaire. Une certaine concurrence permettra de faire le tri, de niveler vers le haut. Le cinéma est un formidable outil de l’éducation d’une nation, un facteur majeur du développement d’un pays.
 
Propos recueillis par Patrick NZAZI
 

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