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Réforme électorale: le mensonge de l’abbé Nshole

L’abbé Donatien Nshole, porte-parole des évêques catholiques, a fait une déclaration des plus surprenantes dans une de ses nombreuses sorties médiatiques. «On s’est laissé prendre par certaines pressions», affirme-t-il en parlant de la réforme électorale, sujet dont la Conférence épiscopale nationale du Congo -CENCO- a fait son cheval de bataille juste à la suite de son échec dans la désignation du délégué des Confessions religieuses à la Commission électorale nationale indépendante -CENI. Et cet homme de Dieu d’ajouter: «c’est là où je dis qu’il y avait une erreur d’appréciation, nous devons le reconnaitre. On nous fait croire que c’est le moment où jamais, on pensait faire les deux choses ensemble, en même temps les autres composantes de la Société civile nous ont réveillé».

Qui leur a fait croire cela?

En fouillant, votre journal est tombé sur des documents qui illustrent que la vérité est tout autre. Elle est aux antipodes des propos de l’abbé Nshole. Tenez. Le 30 juillet 2019, Monseigneur Marcel Utembi, président de la CENCO et président de la Plateforme des Confessions religieuses, avait convoqué la première réunion à laquelle tous les 8 chefs des Confessions religieuses ont pris part depuis 2015. Point 5 de l’ordre du jour de cette réunion préparée par Mgr Utembi et l’abbé Nshole: «Echanges sur les modalités de désignation du futur président de la CENI». 

Dans son mot d’ouverture, le prélat catholique martèle: «Chers frères, serviteurs de Dieu. De façon urgente, si la loi ne change pas, la Nation attendra de notre plateforme la désignation du futur président de la Commission électorale nationale indépendante. Une grande responsabilité qui demande de chacun de nous un sens élevé de patriotisme. Nous ne pouvons pas nous engager à cet exercice de grande importance nationale sans nous interroger sur les expériences du passé et sans nous mettre d’accord sur le profil de la personne à désigner et sur les modalités de désignation». Dans le même discours, Mgr Utembi propose que chaque confession religieuse désigne quelqu’un qui fera partie du secrétariat technique. «Pour qu’en toute urgence des propositions concrètes d’engagement commun nous soient présentées pour décision», souligne ce serviteur de Dieu.

Le 17 mars 2020, la charte de la plateforme est adoptée par tous les chefs des Confessions religieuses. On y lit, entre autres, à son article 8, consacré aux valeurs promues par la Plateforme: «La crainte de Dieu, l’amour du prochain et de la patrie, la responsabilité, le respect de l’autorité établie, le dialogue, la tolérance, la vérité, la bonne foi, la démocratie,…».

Les critères de désignation avaient également été arrêtés et adoptés par tous. Il n’y est nulle part mentionné qu’un ancien de la CENI ne pouvait postuler comme délégué des Confessions religieuses.

Encore faut-il souligner que le 23 juillet 2019, les 6 chefs des Confessions religieuses autres que l’Eglise catholique et l’Eglise du Christ au Congo -ECC-, avaient produit un document intitulé: «Vision des chefs des Confessions religieuses sur la restructuration de la Commission électorale nationale indépendante», à l’attention du Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi. Dans celui-ci, après une analyse de l’environnement politique et électoral des processus passé, les 6 chefs donnent leur position. «Les problèmes électoraux résident en l’homme et non forcément dans les lois et les structures; les réformes électorales sont nécessaires pour la prise en compte des préoccupations de l’opinion nationale et internationale. Mais elles doivent être précédées par l’évaluation du processus; au lieu de laisser la CENI à la Société civile seulement, la structure tripartite actuelle de la CENI qui garantit la surveillance mutuelle est la meilleure pour le moment compte tenu du niveau de culture politique et démocratique des RD-Congolais. Mais les composantes qui délèguent les animateurs doivent miser sur le meilleur profil…». Puis: «Il est nécessaire de mettre en place une commission des réformes électorales qui doit travailler sans précipitation et de manière à ne pas retarder l’organisation des élections de 2023 ni à se dérouler dans une période suspecte…». Le même document, les 6 chefs l’ont également partagé avec les deux autres.

Réforme électorale. Le silence d’un an!

Les occasions de parler de la réforme électorale avaient-elles manqué à la CENCO? Qui leur avait fait pression? Nshole accuserait-il l’ECC étant donné que les autres Confessions avaient, à ce propos, déjà transmis un document au Président de la République? Où sont les valeurs de crainte de Dieu? De vérité? D’intégrité?

Le 29 mai 2020, les chefs des Confessions religieuses reçoivent l’invitation de la présidente de l’Assemblée nationale en rapport avec la désignation du délégué des Confessions religieuses à la CENI telle que prévue par la Loi organique de la CENI en ses article 10, 12 et 13.

Le 2 juin, le Cardinal Fridolin Ambongo invite tous les chefs des Confessions religieuses au Complexe scolaire Cardinal Monsengwo afin de préparer la rencontre avec la présidente de la Chambre basse du Parlement. Ici, le Cardinal de l’Eglise catholique explique à ses homologues chefs religieux: «Nous allons écouter Madame Mabunda. Chaque Confession devra présenter un candidat». Curieusement, il n’évoque pas la question de la réforme comme sujet à mettre dans les échanges avec Mabunda. Le même jour, les religieux lèvent l’option d’examiner tous les 24 dossiers de candidature. Le 3 juin, après avoir suivi la communication de Mabunda, ni Bokundoa ni Nshole n’évoquent pas non plus le sujet de la réforme. Pourquoi? Le 6 juin, le Secrétariat technique se retrouve à la Cathédrale du Centenaire pour la présélection des 24 dossiers des personnalités désirant devenir membres de la CENI. L’abbé Nshole préside la réunion. Six candidatures émergent au bout des échanges. Nshole est là aussi aphone à propos de la réforme. Le 8 juin, les chefs des Confessions religieuses se retrouvent au CS Cardinal Monsengwo, débattent sur les candidats. Trois candidats dont Sylvain Lumu, Jérôme Bonso et Denis Kadima, tous Kasaïens, sont écartés. Le prélat estime qu’ils sont en intelligence avec la présidence. Cependant, même à ce niveau, le Cardinal ne fait aucune allusion à la réforme. Le 9 juin, jour du vote, le Cardinal retire son candidat Cyrille Ebotoko qu’il juge ne pas «avoir la carrure nécessaire pour le poste» et que, selon le Prince de l’Eglise catholique, «il ne vaut pas Ronsard Malonda». Il décide d’appuyer la candidature du Révérend Eale Bosela. Le hic: ce dernier a été candidat pour le compte de l’«Alternance pour la République» de Jean Bertrand Ewanga. Constatant le manque de consensus, Ambongo décide de passer à «l’exercice démocratique de vote à mains levées». La charte des Confessions religieuses le prévoit dans son article 17. Malonda l’emporte finalement avec 6 voix contre 2. Offusqué, le Cardinal dit la prière de clôture et sort sans évoquer aucunement la question de la réforme. Pourtant, le 10 juin, il cosigne un communiqué avec le Révérend Bokundoa de l’ECC où ils laissent entendre de soupçon de corruption dans le processus de désignation. Depuis, les deux font de la réforme électorale une priorité. Pour beaucoup, cela n’est qu’un faux-fuyant, un subterfuge trouvé par l’Eglise catholique et son acolyte de l’ECC pour camoufler leur échec. Que l’abbé Nshole avance que la CENCO aurait été entrainée dans la désignation supposerait un manque de sérieux de leur part dans la gestion des dossiers. Sinon, comment une si grande structure, méticuleuse de réputation, se serait laisser manipuler? Est-ce un nouveau mensonge de Nshole? Ou un manque de rigidité intellectuelle des actuelles autorités catholiques?  

Matshi DARNELL

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