Nommé dans le gouvernement Suminwa, Louis Watum est le nouveau ministre de l’Industrie et développement des PME. C’est un expert, un technocrate, un professionnel sur qui le Président de la République compte pour redresser le secteur industriel et des PME. Agent, directeur à la Gécamines, Directeur général à Kibali Goldmines, il a été tout cela. Cet ingénieur a passé toute sa vie dans le secteur minier en Afrique du Sud puis en RD-Congo. Il a l’expérience avérée pour faire prospérer le secteur lui confié par le Chef de l’Etat. Né à Kinshasa en mars 1962, Louis Watum a roulé sa bosse.
Président de la Chambre des Mines de RD-Congo et directeur général de Kipushi Corporation, ce ministre de 62 ans a derrière lui une longue carrière professionnelle. Une expérience acquise dans différents pays et plusieurs filières lui a permis de participer à tous les stades de développement d’une mine. Après le secteur minier, il est appelé à apporter son savoir-faire dans l’industrie et les Petites et moyennes entreprises. Fils de Nestor Watum, ancien ministre et ambassadeur du Zaïre – actuelle RD-Congo- au Tchad et originaire du territoire de Mahagi dans la province d’Ituri, le désormais ministre de l’Industrie et développement des PME a un cursus académique très riche. C’est une tête bien faite qui pense que le savoir-faire minier n’a d’intérêt que lorsqu’il est mis au service du développement du pays.
Élevé dans les valeurs
d’ honnêteté, de loyauté, d’intégrité, d’amour du prochain et du respect de l’autre, il ne cesse de se souvenir de l’intégrité de son père. «Mon père était un homme intègre. Il n’avait pas de compte bancaire en Belgique ou en Suisse, ni de biens à l’étranger», se souvient-il. Louis Watum est une tête bien faite. Après le bac, il a fait la polytechnique et des études d’ingénieur en chimie industrielle à l’Université de Lubumbashi – UNILU- où il obtient avec distinction son diplôme d’ingénieur. «Quand mon père a été emprisonné, on lui a tout pris. Quand on l’a relâché, on ne lui a rien restitué. Il est mort pauvre. Face à cette situation, je me suis promis de ne jamais faire de la politique comme lui mais plutôt d’opter pour un métier technique et de travailler dans le privé».
De Marsavco à la Gécamines
Alors qu’il est à la fin de ses études, le groupe Unilever, détenteur de plusieurs plantations d’huile de palme dans la région de l’Équateur -Nord-Ouest- et de l’unité de fabrication des savons Marsavco, débarque à l’Unilu pour recruter du personnel. «On a passé un test. J’ai été retenu parmi les deux derniers postulants», a-t-il expliqué. Remettant à plus tard les ambitions de carrière académique qu’il nourrissait, Watum rejoint Marsavco à Kinshasa en tant que savonnier et cela pendant une année. L’envie de mieux gagner sa vie mais également de découvrir l’univers de la métallurgie le pousse à passer des tests pour entrer à la Gécamines. Bingo! Il est embauché, en 1991, en qualité d’ingénieur de production en pyrométallurgie, aux usines de Shituru à Likasi.
«On y produisait des cathodes de cuivre, du cuivre wire bar, du cobalt granulé, du cobalt cathodique, et un alliage blanc», raconte-t-il. Et de poursuivre: «J’étais dans la salle des ingénieurs quand la porte s’ouvre. Débarque une vingtaine de gars survoltés, qui me demandent de dégager. L’un d’eux me menace avec un seau d’acide sulfurique… J’ai compris que je devais partir». La grande aventure minière allait-elle enfin commencer pour lui? Pas vraiment.
À son arrivée à Likasi, Watum reçoit sa première douche froide quand un ingénieur originaire de la région lui dit: «Ici tu seras heureux. Tu vas découvrir pour la première fois dans ta vie une maison de standard européen avec de l’eau chaude courante et le téléphone. Fils d’ancien ministre et ambassadeur ayant vécu en Europe dans mon enfance, je me suis demandé où j’étais tombé», s’est-il rappelé. C’est entre juillet-août 1993 que l’actuel ministre de l’industrie et développement des PME quitté la Gécamines pour se rendre en Afrique du Sud. «C’était un saut dans le vide. J’allais dans le pays de l’apartheid, je ne parlais pas anglais, je laissais ma femme et mon fils…».
Arrivé à Johannesburg, il s’inscrit à l’université, en tant qu’étudiant post graduat, en métallurgie extractive. C’est paradoxalement dans le pays de l’apartheid qu’il va démarrer une grande carrière dans le secteur minier. C’est paradoxalement dans le pays de l’apartheid qu’il va démarrer une grande carrière dans le secteur minier. En 1995, il est engagé par la multinationale Anglo-American comme ingénieur de production dans les charbonnages de Witbank, à environ 140 Km à l’est de Johannesburg, puis à la Division recherche et développement du groupe, à Johannesburg où il devient directeur, après avoir inventé deux concepts en métallurgie extractive. Brevetés en Afrique du Sud, au Canada et en Australie, qui améliorent les rendements de récupération des cellules de flottation, Watum rejoint la Division Or d’Anglo-American, renommée Anglo-Gold, qui avait un projet au Mali. C’est ainsi qu’il se retrouve dans la mine d’or de Yatela, près de Kayes. Ce n’est pas tout. D’ingénieur de projet, il passera directeur de production puis des opérations.
«Participer à tous les cycles organiques d’une mine depuis sa conception jusqu’à sa fermeture, en passant par les étapes d’études de faisabilité, de consultation des parties prenantes, de mise en service des installations, d’optimisation de la production, et en intégrant les aspects environnementaux critiques, est une expérience unique que très peu ont eu la chance d’avoir dans l’industrie minière. On y fait l’expérience des différents enjeux à chaque stade du développement de la mine. Cela m’a appris, chaque fois que je commence une nouvelle mine, à me projeter vers sa fin et à prendre les bonnes orientations dès son lancement», a-t-il souligné.
Et le nouveau ministre de renchérir: «On y fait l’expérience des différents enjeux à chaque stade du développement de la mine. Cela m’a appris, chaque fois que je commence une nouvelle mine, à me projeter vers sa fin et à prendre les bonnes orientations dès son lancement». C’est en 2006 que Louis Watum est rentré au pays où il est embauché à la mine de Doko, future Kibali Goldmines dans le Haut-Uele -Nord-Est- en tant que directeur général, poste qu’il va quitter en 2014 pour rejoindre le canadien Ivanhoe. Ici, ce natif de Kinshasa est d’abord recruté à Kamoa Copper -Kamco-, dans le Lualaba, où la filiale d’Ivanhoe a découvert et développé l’un des plus grands gisements de cuivre au monde, qui est entré en production en juin 2021, puis à Kipushi Corporation,une joint-ventureentre Ivanhoe et la Gécamines. Son job? Relancer la production.
«Je représente Ivanhoe dans ce partenariat. Les deux partenaires qui ne se parlaient pas, ont brisé la glace et commencé à dialoguer. Dans quelques mois, on devrait voir la fumée blanche sortir de nos discussions», se réjouit Watum. L’homme est un véritable expert dans le secteur minier.
Au vu de ses expériences professionnelles, quel regard porte-t-il sur les miniers? A cette question, la réponse de l’actuel ministre de l’Industrie est claire: «Ce qui est commun aux miniers, c’est l’obligation de résultats. Toutes les compagnies ont des stratégies. Celles qui sortent du lot sont celles qui ont la capacité d’exécuter ces plans et d’obtenir les résultats escomptés, parfois au-delà des attentes». Ce qui les différencie? «La philosophie pour y arriver. L’école des Australiens est non conflictuelle mais très efficiente. Les Australiens mettent beaucoup de moyens dans la formation et le renforcement des capacités de la main d’œuvre locale. L’école des Sud-africains est plus abrasive, un peu militaire, mais tout aussi efficace. Pour survivre dans ce système, il faut avoir une bonne dose de résilience et ne pas laisser son amour propre être affecté par certaines réalités quotidiennes. Mais les deux écoles produisent des résultats».
À Kipushi en 2020
Son parcours diversifié a valu à Watum d’être élu président de la Chambre des mines de la RDC en février 2020. Pris entre le marteau et l’enclume, comment jongle-t-il entre l’État et les miniers? «Mon ancienneté dans la profession, le fait d’avoir fréquenté de nombreux forums et de garder de bons rapports avec les différentes parties prenantes ainsi que le cercle des décideurs au sommet de l’État, me permettent de jongler entre les uns et les autres. Mais, dans la pratique, du côté des miniers notamment, ce n’est pas toujours facile car ce secteur, par définition, n’est pas fédérateur. Chaque minier est une proie potentielle pour un autre minier.
Toute réserve minérale s’épuise. Dans 9 cas sur 10, l’effort d’exploration ne permettra pas de remplacer les réserves que l’on a aujourd’hui. Aussi une compagnie minière recherche-t-elle constamment avec qui elle peut s’associer pour assurer la longévité et la survie de son activité au moyen d’opérations de rachat, de création de joint-ventures, de prises de participations, etc.». Si les compagnies peuvent se fédérer pour des sujets qui affectent la planète comme le réchauffement climatique, pour d’autres questions, aucune ne jouera vraiment cartes sur table. Pas question de dévoiler ses forces et ses faiblesses. Il faut se montrer compétitif pour prolonger sa durée de vie.
«Chaque minier est une proie potentielle pour un autre minier. Toute réserve minérale s’épuise. Dans 9 cas sur 10, l’effort d’exploration ne permettra pas de remplacer les réserves que l’on a aujourd’hui»
Quid des sociétés chinoises qui dominent l’hinterland minier du cuivre et du cobalt dans l’ex-Katanga? «Les Chinois ont l’appui de leur gouvernement qui peut faire pression sur nos gouvernants. Ils forment un cartel. On échange parfois avec eux, mais ils sont à part et fortement dominants. Leurs règles sont différentes. Ils bénéficient de prêts et de subventions de leur État au travers de véhicules financiers qui, à première vue, ont un caractère privé, mais sont, en réalité, une extension de leur appareil étatique. C’est donc de l’argent emprunté à faible taux d’intérêt avec un remboursement étalé sur le long terme. Ils peuvent prendre des actifs même s’ils ne sont pas directement rentables aujourd’hui et y injecter de l’argent jusqu’à ce que les choses marchent. Ils ne subissent pas les mêmes pressions de remboursement du capital emprunté que celles subies par les sociétés occidentales».
Le secteur minier est-il une bénédiction ou une calamité pour la RD-Congo? A cette question, Louis Vuitton a précisé: «Tout dépend des RD-Congolais eux-mêmes». Selon lui, le cadre réglementaire et les lois sont bien conçus en RD-Congo, même s’il y a parfois des zones d’ombre sujettes à interprétations. Mais le grand problème est la capacité institutionnelle d’exécuter ces lois et d’en faire profiter le pays. La solution? «Mettre les personnes qu’il faut à la place qu’il faut. Personne ne peut faire cela à notre place. Parmi les 80 millions de RD-Congolais, ce ne sont pas les compétences qui manquent dans tous les domaines de la vie nationale», martèle-t-il.
Pour Louis Watum, le plaisir de construire une mine n’est pas ce qui l’intéresse avant tout. «Ce qui m’intéresse, c’est qu’à travers une mine, on peut développer un pays». Les vraies mines, qui ont de la masse critique, pourvu que les décideurs au sommet de l’État aient une vision de développement, permettent d’asseoir des infrastructures lourdes -routes, chemins de fer, ports en eau profonde, centrales hydroélectriques, etc.-, grâce auxquelles on peut propulser l’économie d’un pays dans le carré des économies émergentes, en très peu de temps. «Le Haut-Katanga et le Lualaba ont aujourd’hui une infrastructure qui est de loin la plus sophistiquée et la plus avancée du pays. Ce n’est pas un hasard. C’est simplement parce qu’il était une fois l’Union minière et une vision de développement, soutenue par la branche financière de l’époque, la Société générale». Le secteur minier peut permettre aux communautés de transformer leur vie.
Renforcer les capacités locales
En outre, s’il se comporte de manière responsable, le secteur minier peut renforcer les capacités locales et permettre aux communautés de transformer leur vie. «À Kibali, des jeunes gens ont saisi les opportunités d’affaire à bras le corps et sont devenus de véritables entrepreneurs créateurs de richesses. Ce sont des choses comme cela qui me rendent heureux quand je vais travailler dans une mine», insiste-t-il avant de souhaiter de voir émerger de grandes réussites congolaises dans le secteur minier, dont la majorité des acteurs nationaux sont, pour l’heure, principalement des artisans. S’il se comporte de manière responsable, le secteur minier peut renforcer les capacités locales et permettre aux communautés locales de transformer leur vie.
Watum aime aussi la détente. Quand il n’est pas dans une mine, une usine ou une salle de réunion, Louis Watum abandonne sa tenue de minier ou de directeur pour se délasser en famille. Il aime tout lire: la Bible, des ouvrages sur l’équation développement et la création de richesses, sur l’Afrique. Écouter la musique classique, et du gospel, c’est aussi sa préférence. Mais son plus grand bonheur est de passer du temps avec son épouse, qui est à la fois une amie et une confidente. «On se connaît depuis plus de trente ans. On parle et on rit beaucoup ensemble», sourit-il.
Avec le site Makanisi