RFI a récemment consacré un dossier sur des coups contre la démocratie en Tanzanie et en République Démocratique du Congo.
En Tanzanie, la Haute Cour de justice de Dar es Salaam a ordonné vendredi l’abandon des poursuites et la remise en liberté de Freeman Mbowe, principal opposant au régime en place en Tanzanie, déclenchant la liesse de ses partisans.
Freeman Mbowe était accusé d’avoir planifié une attaque contre un fonctionnaire et financé des projets d’attentats. Mais selon son parti, qui dénonçait un procès politique, tout cela n’était que prétexte et ce serait en fait pour avoir plaidé en faveur d’un changement de Constitution que l’opposant a passé plus de sept mois en prison.
Une présidente entre autoritarisme et ouverture
Cette arrestation et ce procès ont terni l’image de la présidente Samia Suhulu. À son arrivée au pouvoir il y a un an, elle a multiplié les gages d’ouverture de l’espace démocratique, promis de marquer une rupture. Elle a tendu la main à l’opposition, autorisé la réouverture de plusieurs médias, s’est engagée à défendre les libertés publiques… Bref, elle a suscité l’espoir d’une ouverture démocratique dans son pays après le virage autoritaire pris par son prédécesseur, l’ex-président Magufuli.
L’arrestation quelques mois plus tard de Freeman Mbowe, principale figure de l’opposition, a donc jeté un froid et déclenché indignation et inquiétude. Le parti de l’opposant Chadema avait dénoncé un « retour en arrière ». Plusieurs chancelleries occidentales ont également réagi. Elle a été accusée dans ce dossier de renouer avec les méthodes autoritaires de son prédécesseur John Magufuli. À plusieurs reprises, des représentants des ambassades britanniques et américaines étaient présents aux audiences du procès de l’opposant comme pour signifier l’importance du dossier à leurs yeux. Ces derniers temps, la présidente faisait l’objet de plus en plus de pression pour abandonner les poursuites, notamment il y a deux jours de la part des leaders religieux tanzaniens.
La cheffe de l’État a d’ailleurs tout récemment multiplié les gestes d’ouverture. En février, elle a rencontré à Bruxelles le vice-président du parti Chadema de Freeman Mbowe. Elle a également levé une interdiction datant de l’ère Magufuli sur quatre journaux en swahili, dont Daima – un quotidien appartenant à l’opposant.
Inquiétants signes en RDC après la condamnation de deux rappeurs à cause d’une chanson jugée outrageante!
En République Démocratique du Congo voisine, l’avocat de deux rappeurs condamnés en décembre 2021 à 2 et 10 ans de prison pour avoir critiqué le chef de l’Etat et l’armée a sollicité vendredi leur libération provisoire devant une cour d’appel militaire à Goma.
Delphin Katembo, alias Idengo, et Muyisa Nzanzu Makasi “ont chanté pour amener les autorités à faire mieux, car les massacres continuent” dans leur province du Nord-Kivu, a plaidé leur avocat, Me Pacôme Kitulizo.
Les deux jeunes hommes sont par ailleurs chargés de famille, responsables d’enfants rescapés des tueries, a-t-il ajouté.
“Nous voulons que vous les acquittiez plus tard, mais aujourd’hui nous vous demandons de leur accorder la liberté provisoire”, a poursuivi l’avocat.
“Nous espérons que la cour répondra favorablement à notre requête. Notre pays étant démocratique, je ne pense pas que chanter une chanson puisse constituer une infraction”, a déclaré un autre défenseur, Me Serge Mungazi.
Les deux rappeurs “sont accusés de faits graves, raison pour laquelle ils ont été condamnés”, a rétorqué le colonel Bernard Kangela, avocat général militaire au Nord-Kivu, en s’opposant à leur libération.
“Nous craignons qu’ils influencent les témoins ou effacent les traces”, a-t-il dit, voire qu’ils prennent la fuite.
La cour se prononcera vendredi prochain sur cette demande de libération provisoire.
Dans leurs chansons, Idengo, 25 ans, et Muyisa Nzanzu Makasi, 29 ans, reprochent au gouvernement et à l’armée de ne pas mettre fin aux violences dans l’est de la RDC.
En première instance, Idengo avait écopé de 10 ans ferme pour outrage à l’armée, participation à une entreprise de démobilisation de l’armée et incitation à s’armer contre l’autorité de l’Etat. Son collègue avait été condamné à 2 ans de prison pour outrage au chef de l’Etat.
En mai dernier, Félix Tshisekedi a placé les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri en “état de siège”. Des mesures qui n’ont pas permis d’endiguer les meurtres, attisant la colère de la population locale et alimenté la musique de ces deux rappeurs, chargée d’émotion et de politique.
Dans les milieux politiques et des défenseurs des droits de l’homme, la condamnation de Delphin Katembo et Muyisa Nzanzu Makasi est considérée comme une démarche tendant à bâillonner la démocratie.
Tino MABADA avec RFI