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Nicolas Kazadi explique pourquoi Kinshasa a négocié l’accord avec Dan Gertler

Comme vous le savez, depuis décembre 2017, les États-Unis d’Amérique avaient pris des sanctions contre l’homme d’affaires israélien, Dan Gertler, touchant l’ensemble de ses activités en répu-blique démocratique du Congo. Ces sanctions avaient été prises dans un contexte politique particu-lièrement tendu, aussi bien par rapport au processus démocratique qui était en danger que par rapport à la gouvernance minière ou économique en général qui était au plus bas. Face à ces situa-tions alarmantes caractérisées par une prédation sans précédent, l’administration américaine, dans ce souci d’aider notre pays à se stabiliser, avait jugé utile de prendre ces sanctions contre les activi-tés du groupe appartenant à l’homme d’affaires Dan Gertler comme une partie de pression pour aider le pays à rétabli sa gouvernance sur tous les plans.

Ces sanctions ont effectivement beaucoup aidé notre pays aussi bien sur le plan politique que sur le plan économique. Certes, la personne sanctionnée n’était pas la seule concernée par les erre-ments de notre politique en général et notre gouvernance minière, mais elle était certainement la plus emblématique. Grâce à ces sanctions, nous avons pu connaître un sursaut dans la recherche de la transparence dans la gouvernance minière. Nous avons pu obtenir finalement cette première alternance démocratique pacifique et, comme vous le savez, nous avons engrengé énormément de progrès en ce qui concerne la transparence dans la gouvernance minière. Cela est caractérisé d’ailleurs par une récente évaluation faite par l’ITIIE qui nous a noté 4,5 sur une échelle de 1 à 5, nous sommes donc proche de la conformité totale par rapport aux normes d’ITIIE. C’est ce progrès qui est un des résultats de notre passé récent. Mais entre-temps, dans le souci d’accélérer le déve-loppement de notre pays et donc la mise en valeur de ses actifs, le chef de l’état a souhaité que nous trouvions des solutions pour récupérer ces actifs qu’ils étaient hypothéqués par ces sanctions et que nous puissions les rendre opérables. C’est ce souhait exprimé par le chef de l’état qui a con-duit à la recherche des solutions appropriées et comme vous le savez, le poids des sanctions améri-caines sur ces actifs étaient une hypothèque qui rendait difficile toute issue visant à récupérer ces actifs et à les rendre opérables. Vous vous souviendrez également qu’en janvier 2021, l’administration américaine avait accordé une licence à l’opérateur Dan Gertler lui permettant de reprendre au moins partiellement ses opérations. Deux mois plus tard, le 8 mars 2021, la même administration américaine sous un autre leadership a retiré cette licence.

Face à toutes ces décisions contradictoires qui ont été prises sans la moindre implication du gou-vernement congolais, nous avons voulu souverainement cherché une réponse avec comme seul objectif, de récupérer nos actifs et de les rendre opérables. C’est cela qui a conduit à des négocia-tions qui ont abouti à un accord signé en février 2021 entre le gouvernement congolais et la société Ventora qui représentait les intérêts de l’homme d’affaires Dan Gertler. Cet accord, pour l’essentiel, permet à la République démocratique du Congo de récupérer ces actifs, ce qui était l’objectif essentiel de la démarche. Cet accord a été rendu possible par le fait que d’une part nous étions en arbitrage contre le groupe de Dan Gertler et, d’autre part, les sanctions américaines qui pesaient sur lui.

Coincé entre ces deux menaces, la menace de l’arbitrage et la menace des sanctions, l’homme d’affaires Dan Gertler s’est rendu à l’évidence qu’il n’avait pas d’autres choix que de venir accepter de restituer l’essentiel des actifs dont il disposait. Nous estimons qu’en obtenant ce résultat, les sanctions américaines ont été bénéfiques et salu-taires pour faire avancer la cause de notre pays. Mais en même temps, nous estimons que le main-tien de ces sanctions, une fois qu’un accord a été trouvé, continuerait de rendre impossible la mise en exploitation de ces actifs parce qu’aucun homme d’affaires ou entreprise ne risquerait d’entrer en activité ou en transaction pour des actifs sur lesquels pèsent des sanctions américaines.

C’est ce qui explique que depuis février 2021, nous avons eu un long temps pour prendre en compte cette dimension des sanctions américaines dans le dénouement de cet accord. C’est ce qui explique la durée entre le moment où cet accord a été signé et le moment où nous retrouvons aujourd’hui pour le publier. Durant cette période, dans son souci de transparence, le gouverne-ment est venu vers la société civile et avec laquelle il a eu des échanges fructueux et ouverts dans le but de permettre un partage autour de cet accord et une appropriation par rapport aux objectifs fondamentaux qui sont poursuivis par notre pays et dans l’intérêt de notre pays. C’est ainsi qu’aujourd’hui, conformément aux engagements que nous avons pris avec l’ensemble de nos par-tenaires mais aussi, bien entendu, conformément à la Loi, nous sommes en mesure de rendre pu-blic cet accord de février 2022 afin que tout le monde se l’approprie et que tout le monde en com-prenne le bien-fondé. Un seul objectif conduit cet accord, c’est de récupérer nos actifs, les mettre en activité et de nous permettre d’aller de l’avant dans la poursuite de notre développement.

Pourquoi cet accord était important et urgent? Pour plusieurs raisons! Mais je peux en donner au moins une: cet accord porte entre autres sur des actifs pétroliers qui se trouvent sur le lac Albert. Comme vous le savez, les actifs pétroliers ont une durée de vie aujourd’hui, dans le cadre de la décarbonisation de l’économie mondiale, qui est plutôt limitée. Le champ pour exploiter de nou-veaux gisements pétroliers est relativement court. Peut-être dans 10 ans cela ne sera plus possible et donc il y avait urgence à ce que nous récupérions ces actifs et que nous trouvons une solution pour les mettre en opération. Deuxièmement, ces actifs pétroliers sont voisins à des actifs pétrole ougandais sur le même lac et pour lesquels le processus d’exploration et bientôt d’exploitation était plutôt avancé avec à la clé un projet de pipe-line pour l’évacuation de ce pétrole qui était cali-bré en fonction du projet ougandais. Il était urgent que nous puissions également nous positionner par rapport à cette évolution parce que vraisemblablement, nous procéderions par la même voie pour évacuer nos produits, notre pétrole, celui de la partie congolaise. Toutes ces raisons ont fait que ça devenait urgent de le faire et la piste première que nous vivons aujourd’hui le confirme.

Nous avons aujourd’hui une capacité de production pétrolière d’à peine 24 mille barils par jour. Rien qu’avec ces deux blocs, nous pourrions monter à environ 300 mille barils par jour, c’est à dire à peu près autant que le Congo Brazzaville. Ce qui nous donnerait l’opportunité d’envisager par exemple d’avoir une raffinerie sur notre territoire qui soit rentable et qui permette de réduire notre facture pétrolière. C’est l’ensemble de ces considérations qui ont fait que notre intérêt était sans nulle doute de trouver une solution et nous l’avons trouvé dans le cadre d’un accord négocié et qui dit accord négocié, dit concessions et c’est cela qui est contenu dans l’accord que j’ai rendu public aujourd’hui.

Voilà mesdames et messieurs, l’essentiel pour cet accord. Si vous le permettez, je vais procédez à sa remise formelle au représentant de la société civile ici présent.

Nicolas KAZADI

Ministre des Finances

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