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RDC : Marie-Josée Ifoku donne de la voix

«L’arrêt de la Cour constitutionnelle nous conforte. La gestion de la chose publique doit reposer sur les textes légaux. Ceci est pour nous un gage de la Rupture du système», a commenté la seule femme candidate à la présidentielle de 2018

En 2018, Marie-Josée Ifoku a surpris son monde en s’alignant au starting block de la présidentielle, finalement remportée par Félix Tshisekedi. De l’audace. Elle s’est ainsi offerte une place dans le cercle fermé des femmes RD-congolaises ayant concouru pour le fauteuil présidentiel. Avant Ifoku, seules 4 femmes ont pris ce pari, toutes en 2006: Nzuzi wa Mbombo, Justine Mpoyo Kasa-Vubu, Marie-Thérèse Nlandu Mpolo et Wivine N’landu Kavidi. A ce jour, Ifoku ne passe plus inaperçue, prenant une part encore plus active dans la vie politique de son pays. Elle commente l’actualité nationale à la faveur d’un entretien accordé à AfricaNews. Au centre de l’entretien: les enquêtes judiciaires sur les 100 jours, l’avenir de la coalition CACH-FCC, la riposte contre Covid-19. Lisez.

Une valse de personnalités se retrouve en détention préventive pour raisons d’enquêtes judiciaires relatives à la gestion des fonds destinés aux travaux de 100 jours. Peut-on parler de l’effectivité de l’Etat de droit promis par le Président Félix Tshisekedi?

C’est clair que ce n’est pas encore l’Etat de droit. Il faudrait bien plus mais c’est déjà une grande première en RD-Congo! Nous ne pouvons que croire à un vent nouveau et attendons les conclusions de la justice pour apprécier l’élan du changement.

Selon Martin Fayulu, le Président Tshisekedi a une part de responsabilité dans les griefs pour lesquels son Dircab est interpellé et placé en détention préventive. Partagez-vous cet avis?

C’est à la Justice de faire son travail. Je ne peux donc qu’attendre la fin de l’instruction qui établira les responsabilités des uns et des autres dans cette affaire.

Vital Kamerhe est-il coupable?

Le principe de présomption d’innocence demeure de mise à ce stade de l’instruction, nonobstant la gravité accablante des faits. Ma perception est que plusieurs indices, tel que le refus de liberté provisoire, constituent un faisceau qui pourrait le laisser penser. Mais, attendons le verdict des Magistrats et nous aurons ainsi la réponse à votre question.

Après cet épisode, Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe pourront-ils encore se faire confiance?

C’est le résultat de l’Etat de droit qu’ils nous ont promis d’instaurer pendant leur campagne électorale et chacun doit en être conséquent… peu importe les dommages collatéraux.

L’actualité, c’est aussi l’état d’urgence décrété par le Chef de l’Etat. Peut-on considérer l’arrêt de la Cour constitutionnelle comme un putsch détourné par Félix Tshisekedi?

L’arrêt de la Cour constitutionnelle nous conforte. La gestion de la chose publique doit reposer sur les textes légaux. Ceci est pour nous un gage de la Rupture du système que nous avons prôné tout au long de notre campagne électorale en 2018, et qui est toujours d’actualité. C’est la vision chère à notre parti Alliance des élites pour un nouveau Congo -AENC.

Avec les guéguerres à répétition entre les bonzes de la coalition CACH-FCC, celle-ci a-t-elle de l’avenir?

Il est clair que c’est une alliance contre nature. Vous ne pouvez pas coudre un vieil habit sur un habit neuf. Le Président dispose de plusieurs leviers, il devra s’en servir tôt ou tard en usant de son pouvoir en tant que garant de la nation. C’est pour cette raison qu’il est à ce poste. Nous espérons simplement qu’il les déclenchera au bon moment. Il y va de sa survie politique.

A quels leviers faites-vous allusion? La dissolution du Parlement?

Principalement.

Très souvent dans vos tweets, vous employez le concept «Rupture du système». Que cela veut concrètement dire?

Le Congo est né comme entreprise privée -léopoldienne-, et n’a jamais perdu cette identité malgré son «indépendance». Les Présidents qui se sont succédés, ont continué à perpétuer ce même système pour protéger leurs intérêts et ceux de leurs poulains-employeurs. L’avènement d’un nouveau Président par une passation pacifique du pouvoir est une véritable révolution du système traditionnelle d’accession au pouvoir en RD-Congo. Nous constatons un «début» de rupture du système au sommet de l’Etat.

Dans de nombreuses formations politiques, l’on se projette déjà pour 2023. Que prépare Marie-Josée Ifoku?

La conjoncture nationale actuelle ne pourrait nous conduire à des élections crédibles et transparentes. Il y a des préalables.

Vous insinuez un report?

Pas du tout. J’en parlerai bientôt.

Convoitez-vous toujours le fauteuil présidentiel?

2023 est bien loin pour penser à convoiter ce fauteuil. Pour l’instant, ma priorité est de trouver une solution pour mener la riposte contre cette pandémie mondiale et de mettre sur table des projets sur l’après Covid-19. Se préparent-ils -Gouvernement et Présidence- à la grande crise économique du monde à venir pour le cas de la RD-Congo? Je ne sais pas, mais les hauts cadres de notre parti et moi-même y travaillons déjà.

Quelle lecture faites-vous des actions de riposte contre le Covid-19 menées par Kinshasa?

Heureusement que la vitesse de propagation du virus en Afrique semble plus lente qu’ailleurs. Ça serait catastrophique franchement. Le Dr. Muyembe a fait ses preuves dans la riposte contre le virus Ebola, ce qui nous démontre suffisamment que nous avons de l’expertise en RD-Congo mais non exploitée. Le Covid-19 n’est plus l’affaire d’une seule personne mais d’une grande organisation qui devrait travailler en équipe -l’INRB, le ministère de la Santé, la ville de Kinshasa et les provinces, la DGM, le corps médical, les hôpitaux, les organismes, les églises… Nous avons aussi d’autres virus qui tuent plus les RD-Congolais et que nous devons combattre en premier, à titre d’exemple, la guerre à l’Est, la corruption, la famine, la discrimination femme et homme, l’extrême pauvreté, les violences faites à la femme, le chômage, etc.

Que faites-vous déjà des concrets pour vaincre ces autres virus qui tuent les RD-Congolais?

J’ai commencé des campagnes de sensibilisation auprès du peuple RD-congolais, le souverain premier. C’est à lui que revient cette décision d’un réel changement.

Un mot de la fin.

Le peuple RD-congolais doit comprendre que cette alternance pacifique est une brèche que nous devons saisir. Elle est le résultat d’un effort consenti par tous jusqu’à la perte des vies humaines. Afin d’honorer nos frères et sœurs qui nous ont quitté, nous ne devons jamais baisser les bras et aller jusqu’au bout tout en construisant un nouvel Etat, un Etat de droit, une Nation digne, forte et unie, un pays en paix où il ferait bon vivre et que tous nos compatriotes qui se trouvent à l’étranger y reviendraient. Tous les investisseurs y trouveraient une stabilité économique et non corruptible.

Propos recueillis par Laurent OMBA

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