La République démocratique du Congo est un pays dont l’histoire a toujours été marquée par la presse. Cette affirmation s’observe en trois temps de l’histoire de ce pays: la colonisation, l’indépendance et l’après indépendance.
La colonisation
Le Congo a été un bien privé du Roi Léopold II. Mais ceci a été rendu possible grâce à un journaliste, Henry Morton Stanley. On a toujours présenté Henry Morton Stanley comme un explorateur. Mais en réalité, Stanley est d’abord un journaliste du New-York Hérard. C’est en qualité de journaliste que Stanley ira en mission de reportage à travers le monde pour le compte de son journal. C’est ainsi qu’il fait des grands reportages sur le Congo et sur ce beau et grand territoire qu’il vient de découvrir et qu’il vante en disant que le dirigeant qui va investir dans ce pays n’aura pas à regretter. C’est à travers les reportages de Stanley que Léopold II apprend des nouvelles du Congo alors qu’il avait des ambitions de donner à la Belgique une colonie comme tous les pays occidentaux de l’époque. C’est ainsi qu’il invite Stanley au palais royal pour s’entretenir avec lui au sujet de ce pays tant vanté, alors que l’Angleterre n’a fait aucune attention des écrits de Stanley.
Lorsque Léopold II acquiert le Congo comme colonie, il se met à l’exploiter sauvagement en se livrant aux travaux forcés qui débouchent sur un génocide. On tue les Congolais, on leur coupe les mains pour l’exploitation du caoutchouc. Plus de 10 millions des morts. Et encore une fois, c’est la presse occidentale anglo-saxonne et la presse congolaise animée par des missionnaires suédois qui dénoncent ce qui se passe au Congo. L’affaire fait scandale et Léopold II est poussé à lâcher prise et va laisser la gestion de la colonie à la Belgique.
II. L’indépendance
Lorsqu’on parle de la lutte pour l’indépendance du Congo, on parle des partis politiques, des associations tribales et des personnalités. Mais on ne met pas assez l’accent sur la presse. La quasi-totalité des leaders politiques congolais de l’époque étaient des journalistes et c’est à travers leurs écrits dans des journaux qu’ils exprimaient leurs revendications, notamment à travers le journal Présence africain. Lumumba, Ileo, Mobutu, etc. étaient des journalistes. C’est en qualité de journaliste que Lumumba rencontre le jeune Mobutu à Bruxelles lors de la table ronde et qu’il fait sa connaissance alors que Mobutu était en stage à Bruxelles, au même titre que l’étudiant Paul Malembe Tamandiak, pendant que ces deux journalistes tentaient d’offrir leurs services aux politiciens venus de Kinshasa pour négocier l’indépendance du Congo à la table ronde. C’est dans cette circonstance que Lumumba recrute Mobutu comme son secrétaire particulier.
C’est aussi en qualité de journaliste que la CIA recrute Mobutu et va l’accompagner jusqu’à la Présidence de la République. En réalité, Mobutu doit son ascension politique plus en ses qualités de journaliste que de militaire. C’est donc le journalisme qui l’a rapproché de Lumumba et de la CIA. C’est pas le militaire. Et donc c’est en souvenir de sa carrière de journaliste que Mobutu, une fois au pouvoir, va lancer ce grand média au cœur de l’Afrique, le grand tam-tam d’Afrique. C’est aussi les souvenirs de cette rencontre entre journalistes congolais à Bruxelles qui vont faciliter la création de l’ISTI par Malembe Tamandiak. Ce dernier va d’ailleurs rester l’éternel DG de l’ISTI et doyen des chefs d’établissements supérieurs et universitaires dès la création de l’ISTI jusqu’au départ de Mobutu.
Après l’indépendance
La presse a joué un rôle important dans ce pays depuis l’indépendance. Je parlerai de trois faits marquants:
Le processus de démocratisation avec la conférence nationale souveraine a été rendu possible grâce aux journaux rouges;
La guerre de l’AFDL a été davantage une guerre médiatique que militaire;
Dans un contexte de guerre qui dure depuis plus d’un quart de siècle, les médias sont restés les seuls vrais ciments de l’unité territoriale de ce pays.
Les gouvernants congolais n’ont pas tiré les leçons des conclusions de celui qui a fabriqué ce pays, à savoir: Henry Morton Stanley. Après avoir voyagé et étudié le Congo, il est arrivé à une conclusion: «Sans le chemin de fer, le Congo ne vaut pas un penny». Aujourd’hui, les Congolais ont négligé le chemin de fer. Ils ont fait du Congo un pays d’avion, alors qu’à l’époque, le pays était relié par route, le train et le bateau. C’est ainsi que Lumumba pouvait avoir la prétention de rejoindre Gizenga à Kisangani par route. Les avions coûtent chers et les Congolais ne savent pas circuler dans leur pays. Les minerais sont désormais transportés par véhicule, alors que le train est le moyen de transport le moins cher qui permettait aux Congolais de voyager dans ce vaste pays.
Avec l’insécurité, le pays est aujourd’hui écartelé. Les populations de l’Est sont coupées de Kinshasa et plus proches des pays voisins que de la capitale. Dans ce contexte, seuls les médias les lient à Kinshasa et leur donnent l’impression d’appartenir au même pays que les populations de l’Ouest. C’est à travers les médias que les pouvoirs publics congolais dirigent ce pays. Fermez les yeux et imaginez ce pays sans les médias, on se rendra compte que rien d’autre ne tient ensemble cette population.