
En RD-Congo, le secteur des finances publiques est gangrené par des maux de divers ordres dont quatre ont été dénoncés, sur un ton autoritaire, par Jérôme Sekana, coordonnateur de «Toile d’araignée» qui est un réseau des journalistes économiques, lors de sa conférence de presse du mardi 6 juin 2023 à Kinshasa. Le premier mal: cumul des fonctions couplé d’incompatibilité. Jérôme Sekana a épinglé «l’égoïsme» de certains commissaires aux comptes qui s’accrochent à leurs postes alors qu’ils sont arrivés hors mandat depuis plus de 12 ans outre le fait d’être en situation de cumul. Ils sont environ 80 à se retrouver dans cette situation, en considérant le décret de mai 2006 portant nomination des commissaires aux comptes dans 44 entreprises et établissements publics.
«Des personnes nommées par ce décret continuent d’être en fonction après expiration de leur mandat. Ce qui nous écœure, nous avons des jeunes qualifiés qui sont des experts, mais qui ne peuvent pas être nommés commissaires aux comptes parce qu’il y a une clique des gens égoïstes qui veulent rester comme commissaires aux comptes pendant plus de 17 ans alors que la Loi ne leur autorise que 5 ans», a-t-il tonné.
Et de révéler: «parmi ces gens, il y a des cumulards qui se retrouvent à la fois du côté juge et partie. Certains sont en même temps inspecteurs des finances, travaillent à la Cour des comptes, au Conseil permanent de la comptabilité au Congo -CPCC-… Ils refusent de libérer le poste, ils s’arrangent avec l’entourage du Premier ministre pour qu’on ne signe pas le décret pour promouvoir les jeunes». Face à cette situation, le coordonnateur de «Toile d’araignée» a lancé un ultimatum à tout commissaire aux comptes concerné, pour démissionner endéans une semaine.
Faute de quoi Sekana promet de passer à la vitesse supérieure en publiant notamment la liste de tous les commissaires en situation de cumul et de hors mandat. Les premières pressions, a-t-il relevé, ont donné du fruit. Notamment le fait pour certains commissaires aux comptes de suspendre leurs activités comme commissaires aux comptes. Loin de s’en contenter, «Toile d’araignée» leur exige de démissionner pour permettre au Premier ministre de signer un autre décret nommant de nouveaux commissaires aux comptes.
Le deuxième dossier qui fâche, dans les finances publiques RD-congolaises, concerne la Société de développement industriel et minier du Congo -SODIMICO-, secouée par de nombreux problèmes, à en croire Sekana. Il a évoqué, à titre d’illustration, l’expiration du mandat des dirigeants de cette société, le non-respect des recommandations aussi bien de l’Inspection générale des finances -IGF- au terme d’une mission d’audit, que de la Présidence de la République. Le coordonnateur de «Toile d’araignée» a exigé aux dirigeants de la SODIMICO de mettre d’abord en application ces recommandations avant de tenir son Conseil d’administration.
Au sujet de cette entreprise, il a en outre dénoncé la vente, sans considération des intérêts du pays, des remblais dont «une partie se trouve déjà en Zambie». D’un dossier à un autre, Sekana a ouvert celui de la «suppression» de la prime de la plus-value qui empoisonne le climat de travail dans les régies financières.
A la DGI, des agents ont manifesté le mardi 6 juin 2023 contre le ministre des Finances, Nicolas Kazadi. Après avoir rappelé les contours de la décision de l’argentier et la réaction des agents à cette décision, Jérôme Sekana a appelé les deux parties à trouver un «compromis pour éviter la grève» qui profile à l’horizon et garantir la «motivation» des agents, appelés à redoubler d’ardeurs dans le travail pour réalisation des assignations fixées dans le cadre du budget 2023 et qui ont considérablement été revues à la hausse, comparativement à la Loi des finances 2022.
«Nous invitons le gouvernement à la prudence. Que le Premier ministre intervienne pour que tout le monde fume le calumet de la paix et que les responsables des régies soient payés, motivés afin que l’Etat puisse avoir suffisamment des recettes et que nous puissions organiser les élections en décembre 2023 en toute fierté, dignité et en tant que des patriotes», a-t-il recommandé, peu avant de se déchaîner contre les exonérations de la TVA et autres taxes et impôts dont sont bénéficiaires des entreprises évoluant dans la cimenterie, dans le mobilier, etc. «Pourquoi ceux qui ont beaucoup de moyens sont exonérés et pas les pauvres? Les exonérations, c’est pour les produits de première nécessité parce que c’est en rapport avec le social de la population», a-t-il fait rappelé.