(Par le Pr. Jean-Marie Vianney LONGONYA OKUNGU OYONO DEMBE D’OTE)
Un triste incident m’inflige de témoigner de la grandeur et de la stature de mon Beau-père d’heureuse mémoire ; Jacques-Emile MOZAGBA NGBUKA, dit « Papy ». Affectueusement appelé aussi « Petit-Père », « Papy Moze » ou encore « Vieux Moze » par toute la lignée de sa grande famille. Dont moi-même comme mes beaux-parents, mes belles sœurs et beaux-frères de la lignée des Avungara Tita AGBIANO. Pour qui, « Papy » était qui un Oncle vénéré, qui un Grand-frère respecté, qui un Petit-frère célébré. Voici qu’est retourné vers la Maison de son Père, un Géant du savoir-vivre quotidien. Un homme d’une constance politique sans plis. Que la nature aura doté d’une intelligence et d’une compétence supérieures. Au propre comme au figuré…
J’ai eu cette exceptionnelle chance de croiser, à bord du train de ma modeste vie, ce Grand Baobab du Bassin de l’UELE-MALIBA-MAKASI ; cette Rivière mythique aussi rhizomique que le sont les racines d’un un géant palmier à huile, planté au bord de l’eau et qui en impose, surplombant de ses rameaux les environs, partout où coule -pardon- où passe la puissante rivière. Papy Moze, je l’ai d’abord connu comme le patron magnifié de feu mon Père ; Emile LONGONYA L’OKUNGU MBAKA, d’heureuse mémoire. Qui fut, successivement de son vivant, son Secrétaire particulier, puis son Directeur Cabinet avant d’être nommé par l’illustre disparu comme son Directeur de Protocole régional à Mbuji-Mayi, Chef-lieu de la toute grande Province diamantifère du Kasaï-Oriental avant de connaitre son actuel démembrement. Cela se passe de juillet 1972 à mars 1974. Papy Moze était alors Gouverneur de Région, nommé par le Maréchal MOBUTU SESE SEKO KUKU NGBENDU WAZABANGA (+), qu’il aura on ne peut plus respecté et servi le plus loyalement possible jusqu’à son dernier jour sur cette terre des hommes.
J’ai 11 puis 13 ans, lui en avait 36 puis 38. Il me revient qu’à cette époque-là, un triste évènement vint secouer le Citoyen MOZAGBA NGBUKA. Il perdit sa première épouse dans des conditions douloureuses. Toute ma famille fut marquée par ce malheur qui affecta beaucoup le grand homme. Mon père nous relatait ce calvaire psychologique de son patron bien aimé avec une telle émotion contagieuse, que toute ma petite famille en fut fortement empreinte… Puis, « Papy » retourna avec les siens à Kinshasa. Où, il sera promu à des plus hautes fonctions. D’abord comme Commissaire d’Etat à la Justice et Membre du Bureau Politique du MPR de mars 1974 à janvier 1975. Ce sera son tout 1er mandat à l’Exécutif national, avant d’autres élévations les meilleures. Nous apprenions tout cela par la voix des ondes de la Voix du Zaïre, tous accrochés le soir à notre imposant poste de radio-tourne disque noire de marque Philips. Et l’aura du « Vieux Moze » en nous ne cessa de croitre.
« Tata », mon Papa – ce monsieur si avare en compliments- n’avait eu cesse de nous dire du bien qu’il avait éprouvé à travailler aux côtés de cet homme était si attachant, mais en même temps d’une rigueur coriace. Il nous- le décrivait comme un gentleman déjà rigoureux avec son propre corps, son apparence vestimentaire, sa discrétion familiale, sa loyauté aux idéaux du M.P.R et son travail. Tata appréhendait la rigueur de son boss, en même temps qu’il admirait le personnage séduisant.
Alors qu’à l’époque, en 1984, je n’étais qu’un jeune étudiant de la 10ème promotion en journalisme de l’Institut des Sciences et Techniques de l’information (I.S.T.I) à Kinshasa, je recroiserai le chemin du Vieux Moze par l’occurrence d’une heureuse balade de tout mon cœur : je tomberai simplement amoureux à vie de sa nièce, sa fille ; mon épouse Léopoldine Jeanne-Marie Irence DAGU NEBELY. Cette belle fleur de lys des berges de l’Uele qui est devenue mon épouse adorée jusqu’à ce jour. Et avec laquelle Dieu nous a gratifié de quatre si beaux enfants. Dont deux cadets, aujourd’hui grands garçons encore aux études et auparavant de deux adorables filles ; ainée et puinée, aujourd’hui jeunes dames mariées qui nous ont déjà favorisé de trois petits enfants, en attendant d’autres à venir. Et grâce à qui, ma bourgeoise et moi sommes devenus deux joyeux grands-parents extasiés.
Aussi, Papy était-il toujours ravi et si fier de nous recevoir en honneur à son domicile, toujours noblement rangé, à Ma Campagne. Ce fut à chaque occasion du passage de mon épouse, ici à Kinshasa. Où, « Mamy Ida », sa veuve éplorée et lui-même étaient continument à la manœuvre et trouvaient, inlassablement, du temps pour nous apprêter des paquets de légumes frais de leurs propres champs. Que mon épouse devait à chaque fois ramener aux enfants de la part de leurs Papy et Mamy….
Destins entrecroisés…
Lors de son troisième mandat ministériel comme Vice-Premier ministre, Ministre de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation au mois de mars 1991, après qu’il eut été nommé Vice-Premier Commissaire d’Etat chargé des Questions Politiques, Administratives et Commissaire d’Etat à l’Administration du Territoire et à la Décentralisation ( 2ème mandat) – de novembre 1988 à avril 1990-, mon employeur ; Thy-René Essolomwa Nkoy-Ea-Linganga(+), Patron du célèbre Journal Elima, me nomma Chef de reportages en me détachant au Ministère de l’Intérieur (Administration du territoire) où, je retrouverai le Vieux Moze en chair et en os comme capitaine du bateau de l’intérieur et premier flic de la République…
Ce mois de mars 1991, j’étais donc devenu comme mon père un collaborateur du « Petit-Père ». Mais, un collaborateur extérieur qui devrait être « libre et indépendant » dans l’esprit du Vieux Moze, puisque journaliste d’abord. Je peux encore me remémorer mes difficultés professionnelles, à cette circonstance, ou plutôt mes échecs récurrents à travailler avec le Citoyen Mozagba Ngbuka, à chaque fois que j’avais cru pouvoir le convaincre d’accorder l’exclusivité d’une interview à Elima, mon journal. Au motif non avoué que nous étions, certes, le Journal le plus loyal et proche du pouvoir, mais surtout que j’étais son petit beau-fils…. C’était toujours Niet ! Et il ne fallait surtout pas insister. Pour le Vieux Moze, toute la presse devait être traitée sur le même pied d’égalité : un point, un trait. Je revois encore tout penaud, mon Patron Essolomwa, en vieux briscard de la presse, me charriant comme quoi je n’étais qu’un petit amateur en ce que je n’étais pas capable d’arracher des privilèges et des scoops à mon propre Beau-père ! Mais, c’était sans compter avec le Citoyen Mozagba Ngbuka qui était un homme droit et entier. A qui on ne la faisait pas. Ces qualités rares comme de la pisse de chat en ce monde, le Vieux Moze les emporte avec lui jusqu’à l’au-delà.
Quelques années plus tard, soit en juillet 1995, alors que je poursuivais mes études à l’Université Catholique de Louvain-la-Neuve en Belgique, ma petite famille agrandie de deux fillettes et moi-même fûmes réunies dans la chaleur familiale avec tous les MOZAGBA présents en Belgique. Autour d’un Papy Moze tout fringant, dans son appartement correct d’Uccle à Bruxelles. Avec tout autour, du bon vin exquis, comme seul il savait délicatement en choisir et déguster avec ses hôtes triés sur le volet. A cette ixième occasion, mon politique de Beau-père était en mission de service comme Vice-Premier Ministre Ministre de la Coopération Internationale. Il restera à ce poste jusqu’au 26 février 1996. Juste avant de prendre sa retraite politique volontaire 15 mois plus tard, le 17 mai 1997 exactement. Un geste, s’il n’est pas unique, de très haute portée symbolique dans ce Congo de Lumumba qui est le mien et où, la transhumance politique est érigée en mode cathodique, toute honte bue, par nombre de nos politiciens…
D’autres années se succédèrent. A mon retour au pays en 2004, cette fois-ci comme Professeur des Universités, j’avais toujours mon assiette chez le « Petit Père » des Agbiano. Comme, du reste, tous ses nombreux enfants et petits-enfants, parents et amis. Chez Papy et Mamy Ida, il y avait toujours de la chaleur dans l’ordre et de l’ordre dans la convivialité familiale. Avec tout autour et en dessert des succulents repas partagés, dans la finesse des échanges de haut vol, en toute impartialité sur l’actualité nationale et internationale.
Le Grand Baobab de l’UELE était si fier d’échanger avec le petit LONGONYA devenu son beau-fils, dont il ne se cachait pas d’en être fier, et qui à ce qu’il paraitrait été pour Papy Moze, aussi bon en rédaction que son père, aimait-il à me taquiner. Ironie du sort : lorsque je serais nommé ADG de l’Agence Congolaise de Presse- ACP (ex-AZAP), le Vieux Moze me promit de passer payer son abonnement à l’intention, entre autres, de « jeter un coup d’œil » sur mes éditoriaux dont il avait entendu parler afin d’en évaluer la qualité, la profondeur ainsi que notre professionnalisme par rapport à l’époque de la célèbre AZAP. Le Vieux refusa net mon offre d’abonnement gratuit, et promit de passer « faire les choses selon les règles de l’art » à mon bureau.
Aussitôt dit aussitôt fait : un maudit lundi matin de 2009, où je dispensais cours à l’IFASIC de 8h00’ à 10h00’ du matin, le Grand Baobab de l’Uele vint s’acquitter personnellement de son abonnement à la caisse de l’ACP, et demanda à me voir. En ayant pris soin de remplir sa demande d’audience, refusant les privilèges. A la réponse de la Chargée du protocole qui lui fit part de mon programme quotidien, il ne se fit pas prier et rentra direct à son domicile. Dieu seul sait le savon qu’il me passera le lendemain soir de la catastrophe, lorsque je passerais à son domicile m’excuser. Je pris sur moi toutes les tares du manque d’assiduité des locataires de l’après 2ème République. Et Il ne me loupa pas ! Dénouement : il ne revint plus jamais à l’ACP. C’était ça « Papy » Mozagba Ngbuka ! Un homme d’une constance sans égale et d’une droiture affichée tous azimuts.
Comme tous mes beaux-parents les Bana-Wele et ses innombrables amis, je viens de perdre là un Beau-père charismatique. Un conseiller généreux, sage et impartial. La République démocratique du Congo vient de perdre une de ses bibliothèques vivantes de l’histoire administrative de son territoire national. Papy Mozagba était cette pièce maîtresse et rare de l’archivistique de notre pays.
Reposes en paix, Petit-Père ! Que les chants latins de la liturgie catholique romaine que tu maitrisais si bien, et dont la pompe te passionnait tant, que tu trouvais toujours de la force, du zèle et du temps pour aller les répéter, en tant que choriste de la chorale de ta chère Paroisse Saint-Luc de Ma Campagne, t’accompagnent tout au long de ce voyage céleste, dans la félicité éternelle.
Comme aurait chanté Sœur Sourire, en son temps :
« Entre les étoiles, le Seigneur a écrit ton nom,
Entre les étoiles près de lui en Paradis… »
Vers ton Père, qui t’aura tout donné et pour l’amour duquel tu fis « tomber tes dents de léopard » comme tu me le confias, vers ton père tu t’en vas… :
IN PACE VITRICUS !
(Repose en paix, Beau-Père !)
Fait à Kinshasa ce 25 mai 2023.
Pr. J-M V LONGONYA OKUNGU O. DEMBE D’OTE