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Bujakera: devant le Congrès, Tshisekedi préfère un blackout

«La situation de presse se porte mieux qu’hier, je m’en rends compte personnellement. En 4 ans, nous avons gagné 30 places dans le baromètre de RSF», s’est réjoui le Président de la République, alors que le DPA d’«Actualite.cd» croupit en prison pour un article qu’il n’a pas signé et malgré le droit de réponse exercé par le gouvernement RD-congolais

Le Président Félix Tshisekedi a été, le mardi 14 novembre 2023, devant le Parlement réuni en Congrès pour prononcer le traditionnel discours sur l’état de la nation. En 2023, ce discours a eu la saveur particulière d’être le cinquième et le dernier de son premier mandat, prononcé à on ne peut plus d’un mois de l’élection présidentielle au cours de laquelle il fera face à des sacrés challengers. A quelques jours du lancement de la campagne électorale, le Président sortant, candidat à sa propre succession, s’est offert, devant la nation entière, représentée par le Congrès, une tribune pour faire son bilan quinquennal et tenter de convaincre la population à lui confier un second mandat. Félix Tshisekedi n’a pas loupé cette opportunité, rendant compte de son action à la tête du pays secteur par secteur.

Dans celui de la presse, considéré comme l’un des piliers de la démocratie, il s’est félicité des «avancées» réalisées tout au long de ces cinq dernières années. «La situation de presse se porte mieux qu’hier, je m’en rends compte personnellement. En 4 ans, nous avons gagné 30 places dans le baromètre de RSF», s’est-il réjoui, non sans annoncer l’appui du gouvernement pour l’organisation du Congrès de l’Union nationale pour la presse congolaise -UNPC- qui ambitionne notamment de parvenir à «la refondation de l’organe d’autorégulation de la presse RD-congolaise» conformément aux recommandations des états généraux de la communication et des médias -EGCM-, tenus en janvier dernier.

A ces assises, qui visaient entre autres de rendre salubre l’environnement médiatique du pays, Félix Tshisekedi avait personnellement participé et chargé le gouvernement d’engager des réformes notamment au niveau de l’organe d’autorégulation des médias. Conformément aux résolutions de ces EGCM, Félix Tshisekedi, dans son discours du mardi 14 novembre, a appelé les journalistes à plus de «responsabilité» et au «professionnalisme» pour maintenir le cap de ces «avancées».

Le bilan élogieux dressé par Tshisekedi vient se heurter au dossier brûlant du journaliste Stanis Bujakera, directeur de publication chez «Actualite.cd» et correspondant de «Jeune Afrique» à Kinshasa, en détention depuis début septembre dernier. Et, le Président n’a trouvé mieux que de le zapper dans son discours alors que Bujakera croupit depuis plus deux mois et en dépit de nombreuses voix qui sont montées au créneau pour exiger la libération de ce journaliste, réputé pour son hyperactivité sur Twitter via lequel il délivre en temps réel des «informations certifiées».

En effet, Stanis Bukakera est poursuivi par le ministère public qui l’accuse d’avoir fabriqué un rapport de l’Agence nationale des renseignements -ANR- et le sceau de ce service d’intelligence, apposé sur ledit rapport, dans le but de rendre les renseignements militaires responsables du meurtre du député Chérubin Okende. Ce rapport a fait l’objet d’un article publié chez «Jeune Afrique» que ce journaliste RD-congolais n’a pourtant pas signé. Il est établi, dans ce rapport incriminé, que ce sont les agents des renseignements militaires qui avaient enlevé l’élu de la Lukunga, dans les installations de la Cour constitutionnelle, l’ont torturé au point de provoquer sa mort et d’abandonner son corps, criblé de balles et rangé dans son véhicule, sur l’avenue des Poids Lourds à Kinshasa.

Ainsi, le porte-parole du parti de l’opposant Moïse Katumbi avait été retrouvé mort à la mi-juillet. Les circonstances de son assassinat sont restées mystérieuses, les enquêtes étant au point mort et son corps continuant d’être gardé dans la morgue de l’hôpital du Cinquantenaire. Le ministère public se fondant sur les analyses de ses experts, persiste et signe que Stanis Bujakera a fabriqué ce document et l’a ensuite distribué à diverses personnalités. La défense, elle, a rejeté les analyses des experts de l’organe de la Loi et sollicité du tribunal la contre-expertise, convaincue que ce rapport est authentique et qu’il ne s’agit nullement d’un faux. Le tribunal va se prononcer sur cette requête à la prochaine audience, prévue le vendredi 17 novembre 2023 à la Prison centrale de Makala.

En marge de l’Assemblée générale de l’ONU, en septembre dernier, le Président Félix Tshisekedi s’était réservé de commenter sur cette affaire, déjà pendante devant la justice, s’appuyant sur le principe sacro-saint de la séparation des pouvoirs de l’Etat dans une démocratie. «Je ne me mêle pas des affaires de la justice», avait-il déclaré. Clairement, Félix Tshisekedi est resté sur sa position face à ce dossier qui a soulevé une vague d’indignations aussi bien dans le pays qu’à l’échelle internationale. De nombreuses personnalités et organisations de défense des droits de l’homme et de la presse ont donné de la voix, depuis début septembre, pour exiger la libération sans condition de ce journaliste, soutenant notamment que «la place d’un journaliste n’est pas en prison».

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