«Le ministère des Droits humains fait sienne l’application du Protocole de Maputo en RD-Congo, y compris l’article 14». Cette déclaration solennelle du ministre Albert-Fabrice Puela a été le point culminant du déjeuner de presse sur la domestication du Protocole de Maputo entant qu’instrument de promotion des Droits des femmes, organisé par le Réseau des journalistes pour la santé sexuelle et reproductive, jeudi 28 avril à l’Hôtel Béatrice de Kinshasa. Devant près de 50 journalistes réunis pour l’occasion, le ministre des Droits humains, patron de l’événement, a promis de s’engager en faveur des droits des femmes, surtout les droits sexuels et reproductifs. Ici, il a insisté qu’il ne s’agit nullement des opinions des uns et des autres mais plutôt des engagements pris par le pays au niveau international.
«La RD-Congo a ratifié le Protocole de Maputo et son application ne doit souffrir d’aucune entorse», a dit le ministre Puela.
A l’en croire, le Protocole de Maputo est en réalité une aubaine pour les femmes RD-congolaises. «Une fille peut voir sa scolarité être interrompue et ses rêves brisés juste parce qu’elle a contracté une grossesse non désirée. Aujourd’hui, le Protocole de Maputo apporte une réponse dans le sens où il autorise l’avortement sous certaines conditions», s’est réjoui le ministre Puela, prenant le soin de rappeler les conditions d’éligibilité d’une grossesse à l’avortement sécurisé selon les prescrits du Protocole de Maputo: viol, agression sexuelle, inceste ou si elle met en danger la santé mentale ou physique de la femme ou encore la vie de la mère ou fœtus.
En vue d’encadrer l’application de cet instrument juridique international, la RD-Congo a adopté depuis quelques mois maintenant des normes et directives. De quoi satisfaire pleinement le ministre: «Les normes et directives adoptées en RD-Congo pour l’accès aux soins complets d’avortement sécurisé centrés sur la femme sont un modèle qui peuvent inspirer les autres pays de l’Afrique centrale et de l’ouest».
Plaidoyer pour la révision du Code pénal
En dépit de toutes ces avancées médico-légales, le Code pénal continue malheureusement de pénaliser l’avortement sous toutes ses formes. Sur ce sujet, le ministre Puela a fait cette promesse ferme: «A très court terme, le ministère des Droits humains va s’activer pour la modification du Code pénal pour introduire les aspects du Protocole de Maputo».
Toutefois, en attendant cette révision légale, rien ne peut empêcher aux femmes de jouir de leurs droits garantis par ce protocole, dûment ratifié par la RD-Congo depuis 2008 et publié au Journal officiel en mars 2018. «Aujourd’hui, avec ou sans la modification du Code pénal, le Protocole de Maputo est d’application. Mais il est mieux d’adapter ce Code pénal», a ajouté, pour sa part, l’IGA Kingudi, soulignant le caractère «moniste» de la Constitution RD-congolaise. Il a également proposé l’adaptation du code de déontologie des médecins, notamment son article 32.
De son côté, Dr Jean-Claude Mulunda, Directeur-pays d’Ipas, partenaire technique et financier du RJSSR, a insisté sur le fait qu’il ne s’agit nullement de faire la promotion de l’avortement mais de promouvoir le droit des femmes qui doivent disposer librement de leur corps.
En RD-Congo, les avortements clandestins demeurent un véritable problème de santé publique. La dernière étude de l’Ecole de santé publique de l’UNIKIN a révélé qu’en moyenne 400 avortements sont enregistrés chaque jour à Kinshasa. Les avortements sont donc, après les hémorragies, la deuxième cause des décès maternels dans le pays. C’est pour inverser cette tendance que le RJSSR s’est donné pour mission d’apporter des informations basées sur les évidences.
«Plus que des simples observateurs, les journalistes constituent une catégorie d’acteurs et des catalyseurs des changements et des progrès», a d’ailleurs justifié Bibiche Mbete, coordonnateur du RJSSR.
Et d’ajouter: «ils sont amenés à réaliser des reportages sur une multitude de sujets, et certains se spécialisent dans un domaine particulier. Le RJSSR s’est lui engagé à contribuer à la promotion de la santé liée aux aspects de la sexualité et de la reproduction avec ses différentes composantes».
Dans cette noble quête, il est appuyé par Ipas dans le cadre du projet Makoki ya mwasi, financé par l’ambassade de Suède.
Tino MABADA