Y aura-t-il ou non élections en 2023? La question vaut son pesant d’or au regard du discours politique tenu par les uns et les autres ainsi que les préalables techniques, législatifs et financiers à élaguer. Bien que le nouveau bureau de la Commission électorale nationale indépendante -CENI- dirigé par Denis Kadima ait déjà élaboré une feuille de route à l’issue de son séminaire d’imprégnation, l’on apprend que les moyens financiers promis par le gouvernement de la République ne sont pas encore décaissés. Ce qui fait dire aux esprits lucides que la tenue des élections dans le délai constitutionnel annoncé par le président de la République lors de son dernier discours sur l’état de la nation, serait dubitative.
En attendant ce scrutin, la toile, les plateaux de radiotélévision et les journaux sont préoccupés par le retard enregistré par la RD-Congo dans la préparation des IXe Jeux de la Francophonie. Et pour cause: aucune infrastructure n’est prête à sept mois seulement de cette grande messe du monde francophone prévue à Kinshasa. Le haut-conseiller du président de la République, Didier Tshiyoyo, demis de ses fonctions et pointé du doigt accusateur dans ce retard, a vite réagi, déclarant que «l’argent attendu du gouvernement pour les travaux n’est jamais décaissé». C’est une bourde.
Cette même malchance menacerait aussi la tenue des élections de 2023. Et pour cause: la provision de USD 100 millions annoncée par le gouvernement pour le processus électoral reste lettre morte étant donné que jusqu’ici, aucun rond n’a été versé dans les caisses de la Centrale électorale au point que le nouveau bureau ne fait que tourner les pouces.
L’avis d’un expert
Interrogé par nos confrères de Top Congo, Jérôme Bonso, coordonnateur d’Agir pour les élections transparentes et apaisées -AETA-, a fait savoir que la RD-Congo accuse déjà 7 mois de retard dans la préparation de prochains scrutins. «La réforme de la législation électorale devrait, du point de vue de planification, faire 80 jours. Cela devrait commencer avant 2021 et rien n’a été fait… La deuxième grande opération, c’est la révision du fichier électoral, qui devrait prendre 400 jours, soit de juillet 2021 à août 2022. Nous avons encore un problème d’identification et d’enrôlement des électeurs», note cet expert électoral évoquant «une fourchette de 1000 jours entre les premières opérations pré-électorales et la prestation de serment du futur président élu le 24 janvier 2024».
Pourtant, fin décembre 2021, le président de la CENI a conduit son bureau chez le premier ministre pour parler organisation des élections. Au sortir de cette rencontre, Denis Kadima avait déclaré ceci à la presse: «la CENI s’est déjà mise au travail. Nous comptons entamer l’année 2022 avec beaucoup d’opérations pour que les choses se passent comme il se doit sur le plan de la qualité, de la fiabilité et dans les délais impartis par la Constitution». Le temps étant chronométré, c’est aujourd’hui le moment indiqué de donner des moyens à la CENI pour lui permettre d’organiser des élections de qualité, crédibles, transparentes et dans les délais.
Elaguer les préalables avant tout
Se voulant réaliste, Dhédhé Mupasa, député national de l’Union sacrée de la Nation, qui a évoqué les contraintes politiques et logistiques rendant hypothétique l’organisation des élections en 2023, propose un glissement d’une année. Selon lui, pour rattraper le retard déjà accumulé, il serait souhaitable de renvoyer l’organisation en 2024. Son point de vue n’est pas partagé par ceux qui pensent que le blocage des moyens financiers serait entretenu par des officines qui empiéteraient sur les prérogatives de la CENI, notamment à son autonomie administrative et financière, garantie dans l’article 6 de la loi organique. «Parmi ceux qui sont aujourd’hui aux affaires, il y a évidemment des anti-élections. Plus la machine électorale sera retardée, mieux ils pourraient continuer de jouir de leurs privilèges», estime un politicien sous le sceau de l’anonymat. La balle est dans le camp du gouvernement censé doter la CENI des moyens financiers, et du Parlement appelé à voter la législation électorale.
Octave MUKENDI