ActualitésDossier à la UneTribune

Samy Badibanga, une âme de gagneur

Chaque fois que Samy Badibanga Ntita marque des points en politique, je nous revois adolescents, jouant au football pendant les grandes vacances, au Centre Nganda, au «Terrain Cimi» de Kintambo et dans d’autres communes de Kinshasa contre les jeunes gens de notre âge. Pointant au 9 ou au 10, il rentrait sur l’aire de jeu avec l’ambition de marquer le plus de buts possibles. Ce qu’il réussissait très souvent. Après avoir fait trembler les filets adverses, il jubilait comme un petit enfant à qui l’on vient d’offrir son premier jouet. Avec un peu de recul, je dois avouer que de tout temps, l’actuel premier vice-président du Sénat a toujours eu l’âme d’un gagneur. 

Gagneur. Cette propension à vouloir à tout prix marquer des buts à chaque match de football est révélatrice du tempérament de leader, mieux de gagneur qui sommeillait en Samy Badibanga Ntita depuis l’adolescence. Elle est le reflet aujourd’hui de sa réussite dans le monde des affaires et de son parcours non moins flatteur, dans l’arène politique congolaise. Incompris à l’UDPS, pour avoir décidé de siéger à l’Assemblée nationale en violation de la consigne officielle de son parti, et, par la suite, pour avoir participé au Dialogue convoqué par le président Joseph Kabila, tête haute face à l’adversité, Samy Badibanga ne se sent pourtant pas orphelin. Au contraire, il démontre sa capacité de rebondir et de remonter le courant marin en créant le regroupement politique dénommé «Les Progressistes». «J’ai lancé les Progressistes pour faire évoluer notre approche pour arriver au pouvoir», signale-t-il dans une interview accordée à «Jeune Afrique» le 25 septembre 2019.

Pionnier et visionnaire

Un leader politique, mieux un meneur d’hommes, doit savoir lire les signes des temps et avoir le sens de l’anticipation. Samy Badibanga est de cette race-là. A preuve: quand il est nommé Premier ministre en novembre 2016 à l’issue des Accords politiques de la Cité de l’Union africaine, banni de l’UDPS, il est traité de tous les noms par ses détracteurs. Deux ans plus tard, le temps va lui donner raison avec l’alliance contre nature CACH-FCC.

En effet, les esprits les plus sensés se sont rendus à l’évidence que l’ancien conseiller spécial de Tshikas était en avance sur son temps et ses contemporains. Samy Badibanga ne manque pas d’arguments pour avancer les raisons qui l’ont poussé à prendre la primature en novembre 2016: «La participation de l’UDPS aux institutions était, pour moi, incontournable. On devait sortir de cette stratégie de la rupture pour devenir une opposition de proposition», a-t-il récemment déclaré au magazine panafricain «Jeune Afrique». A dire vrai, visionnaire, il a eu de tout temps le courage de ses idées. De la même façon qu’il assume toujours ses responsabilités. 

Aussi vrai que la modestie est l’art de se faire louer deux fois, l’ancien Premier ministre ne fait pas dans la dentelle pour confondre ses pourfendeurs d’hier et remettre les pendules à l’heure: «Quand vous avez raison trop tôt, vous êtes souvent incompris. On m’a qualifié de traître, mais j’ai été pionnier, et ces gens-là doivent le comprendre».

De plus, alors Premier ministre, traité par ses détracteurs de marionnette de Joseph Kabila, Samy Badibanga rétorquait: «Je ne travaille pas pour Kabila, je travaille avec Kabila». Cette boutade est devenue une rengaine reprise en chœur à l’UDPS aujourd’hui pour expliquer et faire comprendre à l’opinion que Fatshi n’est pas l’obligé de Kabila. 

Avisé et stratège

Elu sénateur sur liste de son regroupement dans la nouvelle province du Kasaï oriental, le leader des «Progressistes» se présente à la première vice-présidence du Sénat comme indépendant. En face de lui, un certain Evariste Boshab. Ancien secrétaire général du PPRD, ancien speaker de l’Assemblée nationale, ancien ministre de l’Intérieur, ce cacique de la Kabilie a les faveurs des pronostics. Sur papier, Samy Badibanga est archi battu au regard de la configuration politique du Sénat. En effet, le PPRD et alliés totalisent plus de 90 sénateurs sur les 109. Au finish, Samy Badibanga crée la surprise en venant à bout d’Evariste Boshab avec 60 voix contre 44.

Avisé et fin stratège, le leader des «Progressistes» n’a pas postulé à la vice-présidence du Sénat pour se faire battre. Hormis son entregent, homme des réseaux, il savait à l’avance que son adversaire n’était pas en odeur de sainteté dans sa famille politique. En effet, selon certaines indiscrétions, alors ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab, de par son caractère un peu bourru, s’était créé beaucoup d’ennemis au PPRD et à l’ex-Majorité présidentielle.

Le succès de Samy Badibanga au Sénat est également la résultante du travail qu’il a abattu aussi bien à l’UDPS, en tant que conseiller spécial d’Etienne Tshisekedi, qu’à l’Assemblée nationale où il est intervenu plus d’une fois sur des questions liées au développement de la RD-Congo. Il a, plus d’une fois, proposé des solutions pour sortir le pays du gouffre où il se trouve. En témoignent ses riches et nombreuses réflexions y afférentes, relayées par les médias internationaux dont «Le Monde» et «Jeune Afrique», sans compter la presse locale.

Il faut admettre qu’avec une tête bien faite, affable et pertinent, sans oublier son sens de la repartie, Samy Badibanga a démontré ses capacités et ses compétences lors de son court séjour à la primature. Ayant hérité d’une situation catastrophique, il s’est employé à stabiliser avec succès la situation macro et micro-économique du pays avec, à la clé, des résultats publiquement salués -une fois n’est pas coutume- par un de ses prédécesseurs: Adolphe Muzito.

Résultats salués

A son avènement à la tête du gouvernement, le pays traverse une situation critique: réserves de change quasi-épuisées, dépréciation continue de la monnaie, inflation galopante, montée d’adrénaline sur le front social… Pourtant, la politique monétaire, la stabilité des prix sur le marché relèvent de la Banque centrale qui jouit de son autonomie de gestion. Hélas, pour le commun des mortels, la responsabilité de la déconfiture du franc incombe au gouvernement. D’ailleurs, les mouvements syndicaux de l’administration publique appellent à une grève générale pour le 5 avril 2017. Malgré des contraintes budgétaires, le gouvernement Badibanga vit, en effet, de crédits provisoires, la paie de toute l’administration est versée à des périodes échues. Plus de 162 milliards de francs le mois. Alors que la Banque centrale annonçait des perspectives sombres «bien pire qu’à fin décembre 2016, au regard de la poursuite de la dégradation de l’environnement économique actuel», avec des réserves de devises de 810 millions de dollars couvrant 2,5 semaines d’importations; alors que la monnaie nationale accusait une dépréciation de près de 35% en une année.., le gouvernement Badibanga a cependant, selon l’ancien Premier ministre, Adolphe Muzito, réussi à équilibrer les comptes du Trésor avec un solde positif de 5 milliards de francs fin janvier. Quelque 100 milliards de francs gagnés sur l’année sur un solde déficitaire budgétaire de plus de 570 milliards hérité du gouvernement Matata. 

Par ailleurs, la rétrocession due aux provinces a été revue à la hausse de 123% au 8 février. «Le paiement de la dette intérieure doit soutenir la diversification, qui à son tour, développera les ressources à mobiliser par l’impôt», soutient alors Badibanga. C’est ainsi que longtemps considérée comme une dette enterrée, la dette intérieure connaît un début de paiement, 8,5 milliards de FC à fin janvier. Période au cours de laquelle, les régies financières, après que leurs directeurs généraux ont été conscientisés par Badibanga, ont in globo réalisé 292,1 milliards de FC  pour des assignations de 248,4 milliards, soit un taux de réalisation de 115%. La Direction générale des douanes et accises -DGDA- a réalisé 99,6 milliards de FC des recettes pour des prévisions de 85 milliards de FC, soit un taux de réalisation de 117%, la Direction générale des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participation -DGRAD- a glané quelque 41,9 milliards de FC pour des assignations de 36 milliards de FC, soit un taux d’exécution de 117%.

La Direction  générale des impôts -DGI- a collecté 133,1 milliards de FC pour des prévisions de 116,2 milliards de FC. Au mois de février, les régies financières ont réitéré le même exploit. Lors d’un passage à Kinshasa, Saïd Djinnit se fit confiant: «J’ai été également informé des efforts qui sont fournis pour faire face à la situation économique. Samy Badibanga est assez positif. Sans doute que l’année qui commence sera plus généreuse par rapport au pays et que la situation économique va reprendre». Mais la trilogie «diversification de l’économie-mobilisation des ressources -redistribution des dividendes», chère à Badibanga, est un processus dont le fruit ne sera pas perceptible dans le moyen ou le long terme.

Porteur d’espoir

Au début de l’année 2018, un représentant de la nonciature apostolique en RD-Congo exprime son indignation à la presse par rapport à l’indifférence de l’intelligentsia du «Grand Kasaï» face au drame que vivent les populations de cet espace. Le cri de cœur de l’homme en soutane se justifie d’autant plus qu’il ignore qu’un certain Samy Badibanga se tue déjà à la tâche, pour venir à bout de la grave crise humanitaire qui frappe non seulement les habitants du Grand Kasaï confrontés au phénomène Kamwina Nsapu, mais aussi ceux des quatre autres provinces avec six millions de morts dans l’Est du pays et le conflit Pygmées-Bantous dans le Nord-Katanga. Au total, cinq provinces sont en proie à une misère noire, avec comme effets collatéraux: le Tanganyika, à lui seul, a déplacé 500 000 personnes, soit autant que les Rohingyas en Birmanie. Au Tanganyika s’ajoute le Kasaï, avec 1,5 million de déplacés, le Kivu, avec plus de 950 000 déplacés, et d’autres provinces, pour un total de 4,35 millions de personnes déplacées et 13 millions de personnes en insécurité alimentaire, selon l’Unocha.

Pour faire face à cette situation catastrophique, l’ancien Premier ministre avait pris langue en 2017 avec les princes de deux grandes Eglises du pays. A savoir le cardinal Monsengwo et le révérend-pasteur Bokundoa, président de l’Eglise du Christ au Congo -ECC-, sous la coordination de sa Fondation dénommée «Espoir». A l’issue des échanges avec le prélat catholique et le numéro un de l’Eglise protestante, le Premier ministre honoraire a apprêté un plaidoyer en faveur des populations éprouvées. Ce document lui a permis de faire le lobbying auprès des Nations Unies, de l’Union européenne et d’autres partenaires traditionnels dont la Belgique et la France. Samy Badibanga les a appelés à organiser une Conférence internationale des donateurs, pour financer le plan d’aide pour le Congo.

Pour toucher la corde sensible de ses interlocuteurs et les convaincre à adhérer à son projet, Samy Badibanga est remonté dans le temps en rappelant que la guerre de l’Est avait causé six millions de morts, si pas plus. Malgré cette hécatombe, la RD-Congo n’a connu aucune marque de solidarité de la part de la communauté internationale. Tout compte fait, le pays avait bénéficié seulement de quelques appuis sur le plan bilatéral. Au finish, grâce au plaidoyer du premier vice-président du Sénat, la communauté internationale a inscrit la RD-Congo dans son agenda humanitaire dans l’objectif de faire bénéficier à la RD-Congo d’une aide humanitaire estimée à 1 milliard 680 millions  USD.

Jessy Jackson, célèbre pasteur américain et militant de la cause noire, n’est pas resté indifférent face à ce succès de Samy Badibanga. Il publie le 19 avril 2018 une tribune élogieuse en faveur de l’ancien Premier. Il l’intitule: «L’homme qui a réveillé le monde à propos du Congo». Le pasteur Jessy Jackson salue les mérites de Samy Badibanga en ces termes: «J’applaudis l’engagement décisif de Samy, sa foi en Dieu et en l’humanité, son travail et sa réussite avec les Églises du Congo. Nous prions maintenant pour que l’aide humanitaire apporte rapidement de la nourriture, des écoles, des soins de santé, un abri, de la protection et de la sécurité».

Malheureusement, cette conférence est boycottée par le gouvernement congolais au motif qu’elle donnait une mauvaise image au pays, alors qu’en réalité le pouvoir était mécontent de reconnaître le mérite de cette grand-messe des donateurs à un opposant. Résultat des courses : en lieu et place du 1,6 milliard attendu, les pays et organisations donateurs ne mobilisèrent que 528 millions de dollars. Conséquence: aujourd’hui, la situation a empiré, avec désormais plus de 16 millions de personnes qui se trouvent en situation de grave insécurité alimentaire. Mais, homme des réseaux, Samy Badibanga Ntita se bat aujourd’hui, son carnet d’adresse aidant, pour trouver des solutions à cette situation auprès des partenaires, épaulant ainsi l’action du président Félix Tshisekedi Tshilombo.

Conseiller spécial de feu Etienne Tshisekedi wa Mulumba de 2009 à 2011, ancien député national, président du groupe parlementaire de l’UDPS sous la dernière législature, Premier ministre honoraire, sénateur et premier vice-président du sénat, Samy Badibanga a toujours basé sa politique sur la raison, le droit de l’homme et le dialogue. Il est certain qu’il rehaussera, à coup sûr, le débat à la chambre haute du Parlement comme il l’avait déjà fait à l’Assemblée nationale.

Guy Kassongo Kilembwe

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page