Tribune

Forum sur les reformes électorales: ECC-CENCO dans de sales draps!

Le 30 juin 2020, à la faveur de la commémoration de l’accession de la République démocratique du Congo à la souveraineté nationale et internationale, le Cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de Kinshasa, avait choqué l’opinion dans une homélie que beaucoup avaient alors, à tort ou à raison, jugé incendiaire et va-t-en guerre. C’est selon. A côté des invectives envers les institutions légalement établies, le père de l’église catholique en RD-Congo a presque proféré des menaces à l’endroit de celles-ci, si elle persistaient avec les propositions des lois sur la réforme de la justice, dites lois Minaku-Sakata, et l’entérinement par l’Assemblée nationale de la désignation de Ronsard Malonda comme délégué des Confessions religieuses. Dans cette homélie, le Cardinal avait annoncé que «les jours prochains seront difficiles».

A la suite, Kinshasa a connu une série de marches de l’Opposition proches des prélats catholiques, c’est-à-dire Lamuka, et curieusement celle de l’UDPS. Ce qui a valu au parti présidentiel des critiques même du MLC Eve Bazaiba. L’on se souvient encore de comment elle a tourné cette démarche-là en dérision : «Nyoka ata aleki molayi, akoki komi swa mokila te », persiflant ainsi le parti cher au Président de la République qui s’est donné la licence de marcher contre les institutions.

Le Forum de la honte

Aujourd’hui, ironie du sort, ces jours difficiles prophétisés par le saint-homme n’épargnent pas l’église de Rome et auxiliairement l’ECC. Tenez : le Forum de Haut niveau pour un consensus sur les Réformes électorales en RD-Congo officiellement organisé par l’université de Liège -Belgique- dont l’ouverture a eu lieu le 24 août 2020, au Centre interdiocésain, ne connaitra certainement jamais une cérémonie de clôture. L’initiative a avorté dès ses prémisses, le 25 août, faute de participation des formations politiques au pouvoir, le FCC et le CACH. Un véritable affront pour le tonique abbé Donatien Nshole, un des maitre d’ouvrage du fameux forum.    Un heureux échec pour les RD-Congolais qui ont encore ne serait-ce qu’un zeste de dignité entant que peuple autonome.


l’on ne serait pas Congolais, l’on aurait pleuré de rire, le 24 août dernier, en suivant en direct sur une télé privée, ces… «grands» hommes politiques et acteurs de la Société civile, tirés à quatre épingles, posés devant les objectifs des caméras, aussi fiers que ces évolués invités à partager le couvert avec les Muzungu. Et pourtant, eux étaient conviés à prendre part à l’ouverture d’un «Forum de haut Niveau pour un consensus sur la Réforme électorale en République démocratique du Congo » organisé par l’Université de Liège.

L’invitation était signée par le Professeur Bob Kabamba, un Congolais devenu belge depuis, la nationalité congolaise étant une et indivisible. Etat de fait qui a, souffle-t-on, valu à la Belgique les réticences des catholiques lorsqu’elle le recommandait comme candidat président de la CENI, à défaut d’un Ndaywell, alors reconnu comme membre du parti politique ARC d’Olivier Kamitatu. 

Question: est-ce à une université étrangère, belge en l’occurrence, de prendre telle initiative, en faisant totalement fi des institutions en place dans le pays, et d’encadrer les RD-Congolais à trouver un consensus? Cela ne conforterait-il pas les idées rétrogrades de ces descendants des colons qui estiment encore que «les noirs -congolais- sont des gros enfants incapables de se prendre en charge eux-mêmes»? De quoi offusquer qui se souviennent des martyrs de l’indépendance!  De quoi se réjouir lorsque ce participant-MLC soulève, le 25 août, cette motion fatale.   

La Belgique n’a fait que saisir la balle au bond !

Les langues se délient. De nos limiers, l’on apprend que la Belgique a certes maladroitement pris les rênes de ce forum, mais le projet lui avait été soumis par le tandem clérical Catho-protestant. Les financements ont vite suivi. Les intérêts politiques allant dans le même sens, puisque la Belgique et ces églises sont proches de Lamuka. S’ils ne le proclament pas, il ne s’en cachent pas du moins.

Un rapide détour dans un passé récent aidera à dessiller les yeux. Des sources bien introduites dans les milieux diplomatiques, l’on apprend qu’en mars 2019,  l’envoyé spécial de la Belgique, un certain Nesckens, avait eu des contacts avec des personnalités de la société civile congolais et des Confessions religieuses.

Le belge leur avait fait part du projet d’organiser des élections anticipées après deux ans d’exercice du pouvoir par Félix Tshisekedi. Il leur a confié qu’elles y auront un grand rôle à jouer pour la réussite de cette conjuration.

Dans la même année, confie-t-on,  des personnalités congolaises au contact avec le monde diplomatique belge avaient relaté leurs échanges, à Bruxelles, avec Didier Reynders à certaines officines nationales. «Reynders nous a confié qu’ils ont déjà pris une décision. L’homme qui mérite c’est Fayulu… Ils vont organiser un forum au bout duquel il y aura des élections…au bout de deux ans de mandat de Félix Tshisekedi», ont-elles affirmé.

D’abord exclus, les acteurs de la société civile utilisés pour sauver la face

Début juin 2020, l’église catholique et l’ECC échouent à faire passer un de leurs pions à la tête de la CENI. Ce qui donne lieu à un étonnant changement de discours de ces dernières dont l’histoire, depuis leurs venues en RD-Congo, est intrinsèquement liée à la politique belge, coloniale ou à tendance néocolonialiste. Plus question de restructuration de la CENI, place aux réformes électorales.

Dans la foulée, le révérend Bokundoa, président de l’ECC, annonce l’organisation d’un Forum sur les réformes électorales. Sa détermination semble aussi ferme que lorsqu’il appelait à l’organisation des élections locales…

Curieusement, le 24 août, c’est l’Université de Liège qui apparait. Bokundoa n’aura été qu’une sorte de Jean le baptiste criant dans le désert, cachant malicieusement son messie. Mais la manœuvre est un flop. Bob Kabamba rouspecte! La Belgique attend certainement des comptes… 

Nshole et Nsenga se creusent les méninges… Eurêka! L’idée d’organiser très vite le Forum sur les Réformes mais avec la Société civile jaillie. Ce dernier est annoncé du 9 au 12 septembre 2020. Le Congolais lambda s’y perd. Mais, grâce à «dieu», la honte n’est déjà pas congolaise.

La Symocel… ou le pasteur Djamba, candidat malheureux à la désignation du délégué des confessions religieuses à la CENI, mord rapidement à l’hameçon et prend son bâton de pèlerin pour sensibiliser sur ce projet de forum réformer en un clin d’œil. La Belgique attend un forum, il en faut donc un. Même avec ceux qui ne comptaient pas! D’aucuns ne l’ignorent, le forum avorté avait confiné la société civile au simple rang de figurant, sans droit à la parole. Pour apaiser le pays de Bwana Kitoko et ainsi sauver la face, la même société civile est mis au premier rang. Drôle. Y participera-t-elle? Fort possible. «En mal de visibilité, beaucoup d’acteurs de cette société civile congolaise n’hésiteraient certainement pas si le perdiem est conséquent», raille l’un d’entre eux.

Un panier à crabes

Il y a-t-il des points qui divisent la classe politique RD-congolaise à propos des réformes électorales?Non. Il y a-t-il un refus des institutions concernées d’opérer des réformes électorales? Beaucoup d’acteurs politiques répondent par la négative. Car, selon eux, les réformes ont lieu a chaque processus électoral. «On n’aurait pas connu tout ce débat si le poulain des catholiques ou celui de l’ECC avait eu la présidence de la CENI. Pourquoi ont-ils attendu d’échouer pour se faire chantre de la réforme au point de donner l’impression qu’il y a une véritable crise sur le sujet?», martèle un autre acteur de la société civile. Et de souligner : les vrais raisons sont ailleurs. 

Ce dernier affirme que derrière ce projet de forum qui s’adapte aux échecs, l’église catholique et l’ECC tiennent à bloquer la mise en place de la nouvelle CENI afin d’avoir une nouvelle chance d’y placer quelqu’un de leur choix. Le pasteur Djamba de la Symocel, lui, espère un appui de catholiques et protestants pour accéder à ce strapontin de la Gare centrale.

Côté politique, explique-t-on, Martin Fayulu qui ne s’en cache pas, attend de ce forum le constat de l’illégitimité des toutes les institutions et, par conséquent, la mise en place du «haut Conseil des réformes institutionnelles et l’organisation des élections anticipées». Jean Pierre Bemba souhaiterait une retouche de la constitution afin de redevenir éligible d’où d’ailleurs son discours à l’ouverture du défunt forum de l’Université de Liège insistait sur l’égalité des chances…

C’est clair. Au Congo, la vertu républicaine autant que l’intérêt du peuple se confondent naturellement avec la satisfaction personnelle des acteurs politiques et sociaux.

Alors que toute l’Afrique y a salué à juste titre la première alternance pacifique et démocratique -bien qu’imparfaite-, les grands hommes «d’État» s’illustrent incapables de se dépasser pour donner une chance au progrès.

Nombre d’observateurs estiment que des leaders RD-congolais sont prêts à sacrifier la souveraineté, la dignité et les vrais intérêts de tout un peuple à l’autel d’un pouvoir promis par des forces centripètes occidentales.

Pourtant, quoi qu’on en dise, en 2018, le Congo a réussi à organiser les élections avec ses propres moyens. Un véritable acquis de souveraineté. Et bien avant, l’ancien Président de la République Joseph Kabila avait promulgué, malgré les pressions occidentales et les menaces de mort à peine voilées, le nouveau Code minier. «Je crains pour la vie de ce jeune panafricaniste… », confiait le togolais feu Edem Kodjo dans un médias africain. En effet, ce code augmente les intérêts de la RD-Congo dans le secteur des mines et donc fait perdre des millions ou des milliards aux multinationales qui sont aujourd’hui plus fort que des Etats.

Pour ces éminences grises aux yeux bleus, -re- prendre le contrôle de la CENI et des élections en RD-Congo est un enjeu crucial. Cela permet de placer à la tête du pays un pantin légitimé par les urnes, qui assurerait leurs intérêts autant qu’elles assureraient les siens. «La politique est le prolongement de l’économie mais par d’autres moyens», dirait l’autre. Prudence.

Matshi Darnell

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