Tribune

CENI : Mboso ne doit pas céder à la pression de la CENCO

L’église catholique est en elle-même une redoutable machine de pression, une machine de communication, maîtrisant à la perfection l’art d’influencer dans un sens comme dans l’autre l’opinion. Le publiciste américain Edward Bernays, auteur du célèbre «Propaganda, Comment manipuler l’opinion en démocratie», aurait pu apprendre d’elle.

L’on se souvient du feuilleton Malonda de juin 2020. Six des 8 Confessions avaient assumé leur choix porté sur le secrétaire exécutif national de la CENI. Mais la CENCO a réussi le tour de faire croire à presque tout le monde que celles-ci n’avaient pas voté, qu’ils auraient été corrompus et qu’ils distilleraient des mensonges. Le tout sans en avancer la moindre preuve. Et c’est magistralement passé! Aujourd’hui, retour à la case de départ.

La désignation de Denis Kadima est faite par six Confessions religieuses et rejetée par la CENCO -et l’ECC. Celle fois-ci, la CENCO réussit un autre tour de magie. Elle fait croire à l’opinion qu’il y a blocage. Et ça marche encore! Les «saints hommes» réussissent à faire oublier à tout le monde, élite intellectuelle comprise, le b.a.-ba de la démocratie gravé dans les articles 16 et 17 de la charte de la plateforme des Confessions religieuses.

Trêve de moralité… la fin justifie les moyens

Pour la CENCO, à ce stade, la vérité sur la désignation du président de la CENI importe peu. Seuls les intérêts en jeu comptent. Et leurs intérêts sont en danger. Les bailleurs attendent des résultats. Ils jouent le tout pour le tout. «La fin justifie le moyen», dirait-on. Adieu morale! Même la voix divine est mise en veille? Sur le «champ de bataille», pas besoin de s’embarrasser d’une conscience chrétienne.

Le jeu politique est par nature amoral. Ce qui ne saurait gêner les prélats. Par contre, les 6 autres Confessions religieuses partent ainsi avec un handicap, celui de croire que la vérité, la crainte de Dieu, le respect mutuel ou la démocratie sont des valeurs partagées par tous les Chefs religieux.

Or, on est loin de la Sainte Bible, loin du Saint Coran, et loin de la Sainte Thora. Face à elles, l’église catholique, poussée dans le dos par le sempiternel appui occidental, a tous les moyens nécessaires pour retourner l’opinion à son gré. Et l’ECC qui courtise désormais les bailleurs occidentaux y trouve une belle opportunité de s’affirmer davantage aux côtés de la grande CENCO.

Pour le coup, presse nationale et internationale, mouvements citoyens, organisations de la Société civile, personnalités influentes, espèces sonnantes et trébuchantes… tout est mis en branle. Objectif: bloquer une fois encore la désignation. La fallacieuse idée d’une crise entre les Confessions religieuses est volontairement vendue.

Le fantôme d’une certaine jurisprudence Malonda est très vite brandi dans l’opinion. Mais que faudrait-il réellement en tirer comme leçon? Les mêmes causes entrainant les mêmes effets, reprendre une fois encore la désignation conduirait exactement à la même conséquence. D’un côté, six Confessions religieuses forment un bloc qui travaille ensemble dans la CIME. Et de l’autre côté, la CENCO et l’ECC, sous l’ivresse des réminiscences d’une suprématie colonialiste révolue, méprisent, sourire aux lèvres, leurs pairs chefs religieux.

Patate chaude pour Mboso

Coïncidence? Certains leaders des partis de l’Opposition, déjà opposés à la nouvelle loi organique de la CENI, refusent d’envoyer à l’Assemblée nationale les noms de leurs délégués à la Centrale électorale. Ce qui pourrait bloquer la situation.

Mboso N’kodia Puanga, président de l’Assemblée nationale, se retrouve face à une situation délicate. Saura-t-il résister à la pression de la CENCO et ses tentacules? Comment ferait-il pour convaincre les parties prenantes d’envoyer leurs délégués? Que ferait-il pour ne pas passer pour l’auteur d’un passage en force? Cependant, en ce qui concerne le processus de désignation dans la composante Confessions religieuses, l’Assemblée nationale a l’avantage d’avoir connaissance de toutes les péripéties ayant conduit à la désignation faite par les 6, et d’être en possession des textes régissant la plateforme. Quitte à elle de les exploiter afin de témoigner de la transparence qu’il y a eu dans ce processus. Entretemps, il faut que les leaders politiques et sociaux gardent à l’esprit qu’il y a un sérieux danger. La désignation du président de la CENI est un enjeu capital pour les forces politiques aussi bien centrifuges que centripètes. Corneille Mulumba alerte dans sa dernière tribune. «Il n’y a aucune raison de céder au chantage des évêques de la CENCO; car, en effet, sous couvert d’une mission prophétique, il y a plutôt une mission éminemment politique visant le contrôle des commandes de la RD-Congo au bénéfice des puissances occidentales», lâche-t-il. Et de poursuivre: «d’autant plus que l’on a aperçu les ambassadeurs des Etats-Unis, de France et de Belgique au siège de la CENCO pendant que les Confessions religieuses étaient encore en tractations pour la désignation du successeur de Corneille Nangaa». Les Congolais, particulièrement les forces politiques, devraient faire attention. L’enjeu actuel dépasse la sphère des Confessions religieuses. Elle détermine l’avenir du pays. Par conséquent, si l’Assemblée nationale ploie dans cette joute face aux intérêts catholiques -occidentaux-, cela consacrera la toute-puissance de l’Eglise de Rome sur les institutions RD-congolaises. Joseph Kabila savait comment tirer son épingle du jeu. Il l’a prouvé jusqu’à la fin. Félix Tshisekedi et son Union sacrée le pourraient-ils? Là est la question. Wait end see. 

Joseph MALALA

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