«Le turbopropulseur quadriréacteurs Hercules C-130 a repris son envol». Telle est la métaphore choisie par les aviateurs pour saluer le maintien de José Makila Sumanda aux commandes du ministère des Transports et Voies de communication. Cette fois-ci, l’intéressé est délesté de la présence de son ancien copilote avec la suppression du poste de vice-ministre aux TVC. Seul maître à bord, il est appelé à conduire la RD-Congo à la bonne destination dans le strict respect des normes. Les conditions météorologiques dans lesquelles s’opère ce vol ne sont nullement clémentes tant au sol que dans l’espace aérien. Le ciel est chargé de cumulonimbus que les pilotes craignent comme la peste tout comme les vents cisaillants tant au sol qu’en l’air. L’opinion comprend aisément que parmi les gros chantiers qui attendent José Makila figure en première ligne le transport aérien plombé dans les ailes depuis quelques décennies.
La RD-Congo a été précipitée au bas de l’échelle dans le peloton des pays à très haut risque dans l’exploitation aérienne au point de voir tous les aéronefs des compagnies aériennes de droit congolais interdits de vol et de survol dans les espaces aériens des Etats-Unis d’Amérique, de l’Union européenne, etc.
La RD-Congo incontournable dans le développement du transport aérien
Or, la RD-Congo de par son étendue -plus de 2.345.000 km2- et sa position géostratégique au cœur du continent, est un pays où l’aviation s’imposera pendant des siècles et demeurera incontournable dans l’exploitation aérienne sur le plan régional, continental et mondial. Tous les vols internationaux allant du nord au sud, de l’est à l’ouest de l’Afrique et vice-versa passent inévitablement dans l’espace aérien de la RD-Congo.
Que les RD-Congolais le veuillent ou pas, leur pays s’invite dans tous les débats relatifs à l’essor et la mondialisation du transport aérien international. De ce fait, le grand Congo a l’obligation de se placer au diapason de grandes nations à vocation aérienne avec tout ce que cela implique en termes de respect des normes, infrastructures, équipements, outils de production, compétences, etc.
Disons-le sans ambages, la RD-Congo présente un visage morne et désolant en aéronautique, un domaine de très haute technologie où il est strictement interdit d’amener l’aventure. Ce pays a eu ses lettres de noblesse. Il y a quelques décennies, il caracolait dans le peloton de tête avec la présence régulière et imposante de la pionnière de l’aviation civile en Afrique subsaharienne Air Congo, Air Zaïre, LAC.
Le «Léopard volant» sans complexe dans les espaces aériens de tous les continents
Les aéronefs frappés du logo «Léopard volant» sillonnaient les espaces aériens des cinq continents à travers l’exploitation des vols commerciaux passagers et fret, affrètements, VIP, etc. Et personne n’y trouvait à redire car la première compagnie aérienne nationale a toujours été respectueuse des normes pointues en aéronautique civile tout en évoluant dans les groupes relevés avec de grandes compagnies de référence telles que SABENA, UTA, SWISSAIR, SAS, AIR France, ALITALIA…
Tant que Air Congo, Air Zaïre a évolué parmi ces icônes de l’aviation civile internationale, la RD-Congo a bénéficié d’une grande protection, en ce compris la Direction de l’aviation civile. Mais avec l’éclipse voulue du «Léopard volant» par les surdoués de la République sur la base d’un simple procès-verbal d’une réunion des conseillers de quelques ministères en lieu et place d’un acte juridique de valeur équivalente contraire au Décret-loi portant création de LAC, la nudité de l’AAC/RD-Congo est apparue au grand jour.
Le bouclier de protection étant enlevé, les choses cachées sont remontées à la surface. Par pudeur, baissons les rideaux. Pour revenir à cette compagnie fortement implantée dans tous les grands aéroports du pays, toutes les compagnies aériennes étrangères exploitant la RD-Congo ont toujours été assistées pendant leur temps d’escale et en cas de problèmes techniques par les agents et cadres de LAC détenteurs des licences appropriées. Il en est de même des opérateurs privés.
Des compétences et une expertise avérée en attente
Ces compétences, cette expertise avérée existent encore ainsi que les infrastructures et équipements techniques tant recherchées dans la profession aéronautique. Tous les transporteurs aériens privés et étrangers sans exception y puisent énormément, en procédant beaucoup plus par des débauchages plutôt que la signature des contrats d’assistance en bonne et due forme telle que recommandée dans la profession.
Quelques compagnies privées tentent de combler l’espace laissé vide par les tentatives de dissolution et liquidation illégales de LAC. Cependant, elles sont loin d’atteindre le niveau du «Léopard volant» pour des raisons évidentes. Ces transporteurs aériens gagneraient énormément s’ils travaillaient en synergie les uns avec les autres comme cela est le cas sous d’autres cieux. Partout ailleurs, les compagnies aériennes s’associent pour former de grands groupes, partager et minimiser les coûts de maintenance, d’achat de carburant, de politique tarifaire, de coopération mutuellement avantageuse en vue de faire face à la rude concurrence qui sévit dans le secteur.
En RD-Congo, avec une flotte chétive, les exploitants aériens se livrent à une bataille sans merci entretenue par de grosses pointures tapies dans l’ombre qui tirent les ficelles sacrifiant ainsi les intérêts des RD-Congolaises et RD-Congolais. Ces derniers endurent toutes les peines du monde pour assurer leurs déplacements d’une province à une autre et surtout vers les grands centres. Congo Airways et Compagnie Aérienne Africaine CAA s’observent en chiens de faïence. A voir au périscope ce qui se passe sur le terrain, l’épée de Damoclès serait suspendue sur la tête de certains opérateurs privés malmenés de toutes parts pour placer la clé sous le paillasson. Suivez mon regard.
Recours aux compétences des personnes ressources
José Makila Sumanda a déjà eu vent de ce désordre. Il lui appartient de faire appel aux compétences des personnes ressources qui pullulent dans la profession, mais qui sont maintenues à l’écart pour ne pas mettre à mal certains intérêts. Il sied de poser de bonnes questions pour avoir de bonnes réponses.
En ce mois de mai 2017, la RD-Congo devrait recevoir la visite des inspecteurs de l’OACI chargés de procéder à des audits de sécurité afin de vérifier l’application des normes et recommandations par les pays membres et la manière dont ces derniers exercent leur surveillance sur les acteurs de l’aviation civile.
Ceci n’est un secret pour personne, la RD-Congo se trouve sur la liste noire des pays réputés dangereux en matière de sécurité et de sûreté du fait des insuffisances de l’Autorité de l’aviation civile -AAC. L’année dernière, l’AAC s’en est tirée avec une cote d’exclusion, 28%. De gros efforts ont été fournis depuis lors pour faire infléchir la courbe et ramener l’écart à des proportions acceptables.
Report de l’arrêté suicidaire de Justin Kalumba
L’audit attendu des inspecteurs de l’OACI va porter sur huit paramètres essentiels, à savoir: a. législation aéronautique de base; b. règlements opérationnels spécifiques; c. système national d’aviation civile et fonctions de supervision de la sûreté; d. qualification et formation du personnel technique; e. indications techniques et outils essentiels à la sécurité; f. obligations en matière de délivrance des licences, brevets et certificats; g. obligations en matière de surveillance; h. solutions des problèmes de sécurité.
Pendant que les experts de l’AAC vont tenter de présenter des arguments solides à la table des délibérations, quelques items peuvent déjà connaître des avancées significatives au niveau du vice-Premier ministre en charge des Transports et Voies de communication. Il y a notamment le report de l’Arrêté suicidaire pris par son prédécesseur Justin Kalumba Mwana Ngongo en rapport avec l’importation des avions âgés de plus de quinze ans.
Dans la foulée de l’interdiction d’importation des véhicules de plus de dix ans, l’ancien surdoué a cru bon de le faire appliquer au transport aérien. Ce sont pourtant deux domaines qui se trouvent aux antipodes de l’un et l’autre. Le gouvernement Badibanga a pris son courage pour corriger cette monstruosité. Ce qui a eu pour conséquence d’apporter une véritable bouffée d’oxygène aux entreprises et opérateurs privés dont les activités sont liées à l’exploitation des ports de Boma et de Matadi.
Faux procès contre l’âge physique des avions
En aviation, l’âge physique d’un aéronef importe peu. Le tout est fonction du respect strict des prescrits et recommandations des constructeurs et institutions internationales spécialisées en la matière. Pour votre information, le DC-10-30 d’Air Zaïre livré tout neuf d’usine le 26 juin1974, a été vendu à 25 millions de dollars Us par le gouvernement de la République pour faire face aux exigences de la Banque mondiale.
Revendu au double du prix à un autre acheteur, ce triréacteur a volé pour le compte d’une compagnie africaine, de British Caledonian, British Airways, Kuwait Airways, avant d’être converti en cargo pour le compte de Gemini en 1999. Il continue de voler pour Cielos del Perou. Plus près de nous, l’Airbus A321 importé par CAA que les autorités congolaises ont renvoyé à l’extérieur sur un coup de tête pour ses 16 ans d’âge, a repris l’exploitation dans l’espace aérien de l’Union européenne pour le compte de M. Thomas Coock. Quel gâchis!
Les solutions à portée de main avec la relance de LAC
José Makila dispose des coudées franches pour remettre les pendules à l’heure et prendre un arrêté conforme aux usages dans la profession. Dans la foulée, la résolution des problèmes de la formation dans tous les secteurs d’activités en aéronautique se trouve en majeure partie résolue avec la relance de Lignes aériennes congolaises. LAC dispose en effet d’un centre de formation agréé par les instances internationales et d’un personnel compétent capable de dispenser les cours de base requis aux PNT, PNC, personnel technique, personnel des exploitations aériennes et terrestres, etc.
Avec son homologue du Portefeuille, le ministre des Transports et Voies de Communication est aussi appelé à se pencher sur le dossier de LAC dont la dissolution et la liquidation illégales continuent de heurter les bonnes consciences. La RD-Congo a grandement de compagnies performantes exploitant dans le strict respect des normes de sûreté et de sécurité. LAC détient d’importants atouts matériels et immatériels pour revenir très rapidement dans la profession et contribuer significativement à l’amélioration du transport aérien. Ceci nécessite une volonté politique clairement affirmée, la mise en place d’un management responsable, crédible et avisé et la mobilisation de moyens relativement modestes du reste disponibles dans la profession.
La mise en commun des efforts entre les compagnies aériennes de droit congolais comme relevé ci-haut permettra à coup sûr la RD-Congo de gagner énormément sur tout le tableau. Ailleurs, beaucoup de pays disposent de plusieurs compagnies aériennes nationales, le tout est question de bien spécifier la sphère d’exploitation pour éviter des concurrences déloyales inutiles au profit de la complémentarité.
Tino MABADA
Audits de l’Organisation de l’aviation civile internationale
L’Organisation de l’aviation civile internationale -OACI- procède à des audits de sécurité afin de vérifier l’application de ses normes et recommandations par les pays membres. Il s’agit d’examiner la manière dont ces derniers exercent leur surveillance sur les acteurs de l’aviation civile. L’OACI examine ainsi en détail huit domaines qui vont des bases légales, aux dispositions relatives à la certification et à l’octroi de licences en passant par la structure de l’autorité de tutelle.
Un processus d’audit de supervision de la sécurité
En 1997, l’OACI lance un vaste programme de supervision des autorités étatiques. L’Universal Safety Oversight Audit Programme -USOAP- vise à promouvoir la sécurité aérienne au moyen d’audits réguliers des États contractants. Ces audits déterminent leur capacité d’assurer la supervision de la sécurité.
Objectifs de l’USOAP
L’USOAP vise à auditer les autorités nationales responsables de l’Aviation civile à travers une analyse systémique de huit éléments cruciaux pour la sécurité:
- Législation aéronautique de base;
- Règlements opérationnels spécifiques;
- Système national d’aviation civile et fonctions de supervision de la sécurité;
- Qualification et formation du personnel technique;
- Indications techniques et outils essentiels à la sécurité;
- Obligations en matière de délivrance des licences, brevets et certificats;
- Obligations en matière de surveillance;
- Solutions des problèmes de sécurité.
Mise en œuvre de l’USOAP
Dans chaque partie du monde, l’OACI dispose de bureaux régionaux qui délèguent des équipes d’audit qui identifient d’éventuelles déficiences et demandent la mise en place de plans d’actions correctives. Si le verdict de l’audit conclut que l’État ne remplit pas ses obligations, les transporteurs de cet État peuvent se voir interdire l’accès au transport aérien international.
Les systèmes de gestion de la sécurité -SGS- ou Safety management system -SMS
Le SMS est, selon l’OACI, «une approche systématique de la gestion de la sécurité comprenant les structures organisationnelles, responsabilités, politiques et procédures nécessaires». Cette définition montre que le SMS est directement influencé par le modèle de Reason de la gestion de la sécurité puisqu’en formalisant la gestion de la sécurité aérienne, il trace les responsabilités à tous les niveaux y compris organisationnels. Les systèmes de gestion de la sécurité concernent tous les acteurs de la sécurité aérienne -en particulier les prestataires de la navigation aérienne et les compagnies aériennes.
La sécurité aérienne
Selon l’OACI, la «Sécurité est une situation dans laquelle les risques de lésion corporelle ou de dommages matériels sont limités à un niveau acceptable et maintenus à ce niveau par un processus continu d’identification des dangers et de gestion des risques». Cette définition associe donc l’idée de sécurité aérienne, la notion d’une gestion continue et de boucle de sécurité. Il faut distinguer la sécurité aérienne -safety en anglais- de la sûreté aérienne -security en anglais- qui est la protection contre les actes d’intervention illicites.
La gestion des risques
Le risque peut être défini comme tout événement redouté qui réduit l’espérance de gain et/ou d’efficacité dans une activité humaine. La démarche de gestion des risques vise à concilier la prise de risque avec la maîtrise des dangers qui l’accompagnent et donc à rendre le risque acceptable. L’objectif -niveau de risque acceptable- de la gestion des risques dans la sécurité aérienne est la sécurité des personnes.
La gestion des risques passe par 3 stades:
- l’identification, b. l’analyse, c. le traitement des risques.
La norme
Une norme est une spécification dont l’application uniforme est reconnue nécessaire pour la sécurité ou la régularité de la navigation aérienne internationale. Les États contractants doivent s’y conformer ou notifier solennellement à l’OACI une différence à la norme en vigueur. Une pratique recommandée est une spécification dont l’application uniforme est reconnue souhaitable pour la sécurité ou la régularité de la navigation aérienne internationale.
Les Procedures of navigation service -PANS
Les PANS ont un statut inférieur aux SARPs, mais comportent néanmoins des dispositions essentielles pour la sécurité aérienne notamment à travers les PANS-ATM relatives à la gestion du trafic aérien et qui servent de base aux réglementations nationales du contrôle de la circulation aérienne, les PANS-OPS relatives à l’exploitation opérationnelle des aéronefs -entre autres définition des critères d’établissement des trajectoires d’arrivée et de départ des aérodromes. En matière de sécurité de la circulation aérienne, la Doc 4444 -PANS-ATM- décrit les procédures de la circulation aérienne.