Interview

Paul Kapita: «le gouvernement devrait être composé de gens qui ne sont pas trempés dans des assassinats et biens mal acquis»

Paul Kapita Shabangi est une figure très connue dans le microcosme politique RD-congolais. Il est l’un des 13 parlementaires ayant adressé une missive au Marechal Mobutu pour dénoncer la descente du pays aux enfers. Il fut ministre de la Fonction publique, travail et prévoyance sociale sous Laurent-Désiré Kabila. Fonctions qu’il a quittées en s’exilant en Belgique pour avoir écrit une lettre à Etienne Tshisekedi en disant que si M’zee ne respectait pas les valeurs démocratiques, il démissionnerait. Une attitude qui a été mal perçue par l’entourage de LD Kabila. Aujourd’hui, Paul Kapita a mis fin à son exil et rentré au pays. Dans une interview accordée à «AfricaNews», il parle de l’avènement de Félix Tshisekedi au pouvoir, de l’élection du bureau définitif du Sénat et appelle les RD-Congolais à s’unir pour bâtir un pays fort et prospère. Entretien.

Le Président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo a déjà passé six mois à la tête du pays. Comment jugez-vous sa gouvernance?

Le Président de la République est animé de la bonne volonté. Cela se voit à travers ses faits et gestes. Quelqu’un a défini la politique comme étant la gestion de ce qu’on veut faire et ce qu’on vit. L’actuel Chef de l’Etat prouve à suffisance qu’il est attaché à son pays qu’il aime tant et se comporte en ouvrier du peuple RD-congolais. Pour réussir son mandat, il va falloir mettre en place un gouvernement composé des patriotes qui ne sont pas trempés dans la corruption, le coulage des recettes publics et la commission des assassinats et biens mal acquis. Sinon, son action sera comme un coup d’épée dans l’eau. Et quand je vois le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba, je me dis qu’il est plein de qualités pour travailler avec le Chef de l’Etat.

La gestion du pays est assurée par le camp du Président Tshisekedi et du Président sortant Joseph Kabila. Comment appréciez-vous l’accord signé entre le FCC et le CACH pour former un gouvernement de coalition?

Je suis optimiste, sauf accident de parcours. Il y a la bonne volonté du Chef de l’Etat et le peuple entend observer cette même volonté dans le camp du FCC. C’est notre souhait le plus ardent. Un souhait patriotique parce qu’il faudra quand même que ce pays démarre, car il n’avait plus démarré depuis un quart de siècle. Tout le monde observe. L’espoir du peuple est permis. Nul n’a le droit de pouvoir le décevoir. Je souligne que le Chef de l’Etat est un patriote et il faudra qu’il soit aussi entouré des patriotes. Si tel n’est pas le cas, je répète que son action sera un coup d’épée dans l’eau. Nous prions Dieu à qui l’actuel Chef de l’Etat a dédié le pays, afin que sa main puissante puisse accompagner le gouvernement qui sera mis en place. C’est notre prière, car le peuple RD-congolais n’a pas droit à une vie d’insecte. Un pays avec des ressources incommensurables ne mérite pas ce qui se passe. Mais avec la présence divine, la RD-Congo va démarrer. Je me souviens, Laurent-Désiré Kabila n’avait frappé à aucune porte d’une agence financière internationale, mais rien qu’avec les recettes locales, il a prouvé à la face du monde qu’il était patriote et aimait ce pays. Toux ceux qui aiment le Congo y parviendront avec des moyens escomptés. Je pense aussi que c’est le cas pour l’actuel Président de la République au regard des travaux qui ont été réalisés dans le cadre de ses 100 premiers jours et qui continuent encore malgré les maigres recettes qu’il a trouvées dans la dotation présidentielle.

Le bureau définitif du Sénat a été élu et installé le samedi 27 juillet 2019. L’ancien Premier ministre Samy Badibanga a créé la surprise en battant Evariste Boshab du FCC au poste de 1er vice-président. Quelle est votre lecture de ce choix?

Samy Badibanga est un candidat indépendant. Dans le message que je lui ai transmis sur mon compte Twitter, j’ai dit ceci: «votre élection est un exploit proche de la providence divine». Etant indépendant, il a battu à plate couture Evariste Boshab du FCC. Je félicite les sénateurs qui ont pris leurs responsabilités politiques. Le vote était libre. Il faut par moment prêter oreille à la sanction populaire.

Comment entrevoyez-vous l’avenir politique de Modeste Bahati qui a perdu avec 43 voix contre 65 obtenues par Thambwe Mwamba au perchoir du Sénat?

Modeste Bahati a relevé la tête. Je me dis: enfin, la sève nationale commence à émerger dans son for intérieur et je le félicite. Je dis aussi au FCC ceci: se féliciter de rafler 4 postes au bureau est une chose et bénéficier de l’appui de la population en est une autre. Je demande aux membres du FCC de se faire violence pour que, cette fois-ci, ils servent le peuple de toutes leurs forces et intelligences parce que ce peuple souffre beaucoup. Le patriotisme devrait caractériser les faits et gestes de nos compatriotes du FCC au sein de l’alliance avec CACH.

Quelle est votre lecture de l’accord signé entre le FCC et le CACH attribuant 42 postes des postes au sein du gouvernement au premier et 23 au deuxième?

L’accord est une alliance. Ce n’est pas une Constitution. Cette alliance appelle à la concorde, honnêteté et conciliabule. Pour que cet accord aboutisse au résultat escompté, je pense que les principes de gestion prônés par le Chef de l’Etat doivent être garantis.  Il s’agit de l’orthodoxie financière qui ne doit pas être un slogan. Nous avons la Cour des comptes, nous avons le Corps des inspecteurs des finances. Non seulement il faudra mettre ce corps à contribution, mais le mettre dans les conditions minimums qui leur permettent de vivre dignement. Donc, l’action du Chef de l’Etat devrait être accompagnée des conditions vitales pour ceux qui seront chargés de contrôler la gestion financière du pays. Je commence par les cadres de la Cour des comptes qui est un grand élément de contrôle. La loi définit les missions de cette Cour.

Il y a plusieurs défis à relever aux plans politique, social, sécuritaire, humanitaire et économique. Selon vous, par où le Chef de l’Etat devrait-il commencer? 

J’aime la politique parce que c’est le seul domaine où la solution est toujours trouvée. Cette solution dépend de celui qui assume les responsabilités au premier plan. Tous les rouages de l’Etat devraient être un modèle de la bonne gouvernance. Quand il y a de la volonté politique, tous les autres domaines seront impactés.

Quand le Président de la République a déclaré qu’il va déboulonner le système dictatorial, il y a eu des mécontents. Comment doit-il y parvenir?

On doit laisser des marques quand on fait la politique. La RD-Congo ne mérite pas l’état dans lequel il est. C’est une honte, on devrait se couvrir la face chaque fois qu’on prend un avion pour se rendre en Europe et qu’on occupe un poste de responsabilité RD-Congo. Ça ne sert à rien d’aller en Europe et laisser le pays dans l’état de misère. Notre souhait est que ce pays puisse recouvrer la physionomie d’un pays prestigieux et modèle, à la dimension de ses richesses. Je n’exagérerais pas si je dis que Dieu n’a donné à aucun pays du monde les richesses qu’il a données à la RD-Congo. Les RD-Congolais ne méritent la situation de pauvreté actuelle, les choses doivent changer dès maintenant. Je ne cesse de le dire, sur cette terre l’homme politique, animé de bonne foi qui occupe des hautes responsabilités à un échelon donné, peut réaliser des miracles pour son peuple. Il a un idéal et fait les projections pour le développement de son pays.

A votre avis, qu’est-ce que les déplacements du Chef de l’Etat à l’intérieur tout comme à l’extérieur du pays ont apporté au peuple RD-congolais?

Ce sont de voyages légitimes dans la mesure où l’image du pays était déjà mauvaise. Le pays était considéré comme une maffia à travers le monde, corruption, guerre… un pays sans hommes d’Etat. Je dis ce que j’ai entendu en Europe. Dans les chancelleries, vous trouverez des gens qui n’ont pas qualité et qui font la honte du pays. Tous ces voyages aident le Chef de l’Etat à redorer le blason du pays. Notre diplomatie est le plus ridicule, on y trouve n’importe qui. C’est le népotisme: cousin, neveu quand bien même ils ne valent rien. Le Président fait tous ces voyages, non pas en touriste, mais voyage d’Etat pour redorer l’image du pays qui était ternie. Il doit améliorer l’image du pays à travers les diplomates de qualité, il y en a dans ce pays.

Que faire pour éradiquer la corruption et l’enrichissement illicite en RD-Congo?

J’en appelle au nouveau gouvernement Ilunga Ilunkamba de mettre tout en œuvre, surtout la taxe immobilière et foncière. Vous avez une maison, vous devez payer la taxe, ce qu’on appelle en Europe précompte immobilier. Si le Président Mobutu a perdu les villas qu’il avait en Europe, c’est pour n’avoir pas payé ses taxes foncières, eau, électricité, etc. Mais ici, il y a des immeubles construits dans les conditions qu’on connait, mais qui ne payent aucune taxe à l’Etat. Il faudra que les taxes immobilière et foncière soient d’application et soient payées tous les ans, vous verrez que ce pays sera très riche. La Belgique vit de la taxe dite précompte immobilier. Il y en a qui ont 100 villas et ne payent pas leurs taxes en RD-Congo.

Votre dernier mot?

J’emprunte la devise de la Belgique; qui est la plus significative: «l’union fait la force». La RD-Congo a connu beaucoup de problèmes et de divisions. Il y a eu un système de quotas dans ce pays qui n’a pas favorisé l’épanouissement sur fond de tribalisme à outrance. Soyons unis, nous reviendrons le plus grand peuple et la RD-Congo sera respectée. Propos recueillis par Octave MUKENDI

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