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Me Didier Kondo sur le rapatriement de la dépouille de Lumumba: «Après le deuil, on doit penser à récompenser le pays et la famille Lumumba»

Me Didier Kondo Pania est avocat au Barreau près la Cour d’appel de Kinshasa/Gombe en RD-Congo et au Barreau de Québec au Canada. Il est également porte-parole général des 4 Interfédérales de l’UDPS/Tshisekedi. Dans une entrevue avec «AfricaNews», il parle de l’assassinat du héros national Patrice-Emery Lumumba dont les reliques ont été remises à la RD-Congo et à la famille par la Belgique pour l’organisation d’un deuil national digne de son rang. Il évoque aussi l’acquittement de Vital Kamerhe et Samih Jammal dans le cadre du procès dit des 100 jours ainsi que de l’élection de Dieudonné Kamuleta Badibanga à la tête de la Cour constitutionnelle. Entretien.      

Comment réagissez-vous à l’acquittement de Vital Kamerhe et Samih Jammal par la justice RD-congolaise dans le procès dit de 100 jours alors qu’ils étaient condamnés à des peines lourdes au premier degré pour détournement des fonds et blanchiment des capitaux?

C’est en cela que consiste le secret de la justice non seulement dans notre pays, mais à travers le monde entier. Il y a le premier et le deuxième degré, mais également le pourvoi en cassation. Il y a plusieurs voies de recours notamment la requête civile, tierce opposition civile, etc. Il est vrai que Vital Kamerhe avait fait l’objet d’une condamnation au 1er degré, mais comme la loi pénale congolaise prévoit qu’une personne condamnée ou acquittée au 1er degré peut aller en appel si elle trouve que la justice telle que dite ne lui a pas plu pour en obtenir la reformation.

C’est ainsi qu’ils ont été en appel devant la Cour d’appel de Kinshasa Gombe qui en son temps avait réduit la peine de Vital Kamerhe de 7 ans. Donc de 20 ans dont il faisait l’objet au 1er degré à 13 ans en appel. Mais Vital Kamerhe est allé en Cassation pour faire corriger des erreurs qu’il avait trouvées lorsqu’il comparaissait en appel. La Cour de cassation n’examine jamais le fond, elle vérifie s’il y a eu respect de la procédure.

Ayant constaté que cet aspect n’avait pas fait l’objet d’une certaine rigueur, d’un certain respect, il fallait casser et retourner, devant la même cour, les parties. C’est comme ça que Vital Kamerhe et consorts se retrouvaient pour la 2ème fois devant la Cour d’appel de Kinshasa Gombe mais cette fois-ci dans une chambre composée autrement. Cette chambre qui a examiné le dossier et a trouvé qu’il fallait les acquitter, a rendu la justice en leur faveur. Je ne vois pas pourquoi il faut polémiquer là-dessus. Car c’était une voie de recours qui a conduit à leur acquittement.

Je ne vois pas le mal car, la justice a fait son travail. Sachez que nous sommes régis par le prince de Charles Montesquieu qui est celui de séparation des pouvoirs, à savoir l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Cette séparation est consacrée dans notre Constitution.

Vital Kamerhe a affronté la justice pendant qu’il était directeur du cabinet du Chef de l’Etat. Est-ce une façon de reconnaitre que l’Etat de droit prôné par le président de la République n’est pas un slogan mais une réalité?  

Heureusement que vous le dites. A une certaine époque dans notre pays, un magistrat ne pouvait inviter une grande autorité pour l’entendre et de surcroit mettre la main sur lui. N’oublions pas que des gens se cachaient dernière leur qualité de membre de l’Ordre des Léopards en tant que ministre, membre du Comité central, général, etc. Pour une fois, comme le président Tshisekedi prône l’Etat de droit et en fait sa grande bataille pour la réussite de sa vision politique dans notre pays, nous avons vu le Parquet général près la Cour d’appel de Kinshasa Matete inviter Vital Kamerhe alors Directeur du cabinet du Chef de l’Etat pour l’entendre sur le PV, puis le «maper».

C’est ainsi que Vital Kamerhe va se retrouver à Makala et delà s’en suivre le jugement que nous avons évoqué ci-haut. Mais c’est un grand pas dans l’évolution de l’Etat de droit. Ce qu’il n’y a pas deux poids deux mesures, la justice demeure unique pour tout le monde. Chacun de nous est égal devant la loi.

Interrogé par des journalistes congolais sur l’arrestation de son Directeur de cabinet, le président Tshisekedi avait répondu que Vital Kamerhe est un homme honnête et sérieux et qu’il a un rôle important à jouer dans ce pays. Pensez-vous que cette déclaration ait influencé la décision de la justice en faveur de libération de Kamerhe comme les élections pointent à l’horizon?

Il y a une différence entre la vie dans les fonctions et la vie normale d’une personne. N’oubliez pas que Tshisekedi et Kamerhe ont signé l’Accord de Nairobi créant le Cap pour le changement -CACH. Ils ont fait le tour de la République pour battre campagne. Et, aujourd’hui, Felix-Antoine Tshisekedi est au pouvoir. Dire que Vital Kamerhe est un homme sérieux et un homme correct dans le sens qu’il est son ami, il n’a pas mal dit. La preuve en est qu’ils s’entendent et se fréquentent.

La Bible nous dit dans Amos 3:3: «Deux personnes ne peuvent pas marcher ensemble si elles ne s’entendent pas». Comme ils ont marché ensemble c’est la preuve qu’ils s’entendaient par rapport leurs relations et qu’ils s’appréciaient mutuellement. Félix-Antoine Tshisekedi n’a pas tort d’avoir apprécié Vital Kamerhe.

Comment commentez-vous l’élection de Dieudonné Kamuleta Badibanga par ses pairs à la tête de la Cour constitutionnelle car, il devient d’office président du Conseil supérieur de la magistrature?

Nous n’avons pas beaucoup de commentaires à faire car, cette élection est prévue par la Constitution de la République. C’est ainsi que Dieudonné Kamuleta se retrouve aujourd’hui porté à la tête de la Cour constitutionnelle. C’est même une innovation. Lorsque Dieudonné Kaluba avait été élu à ce poste, il y a eu des voix qui se sont levées pour dire qu’il était avocat et qu’il ne fallait pas qu’il dirige cette haute cour qui a en son sein des magistrats de haute facture dont le président se trouve être le n°1 du Corps des magistrats, à savoir: le Conseil supérieur de la magistrature et qu’il fallait l’un de leur pour les diriger. En quelque sorte l’élection de Dieudonné Kamuleta c’est même une correction de ce qui était arrivé avec Dieudonné Kaluba. Car Kamuleta est magistrat de carrière. Son élection donne satisfaction à tous les magistrats qui se voient aujourd’hui diriger par l’un de leur.    

Quelle est votre réaction par rapport au rapatriement de la dépouille de Patrice-Emery Lumumba qui sera inhumé le jeudi 30 juin, jour de l’indépendance à la Place Echangeur de Limete?

Nous sommes satisfaits. Cette satisfaction prouve que pour une fois la RD-Congo a une autorité suprême qui aime le Congo et travaille pour l’intérêt du Congo. Patrice-Emery Lumumba alors premier ministre a été assassiné en 1961. Et de 1961 à ce jour, nous comptons en tout et pour tout 61 ans. Durant ces années la RD-Congo, notre pays, a connu 5 présidents, à savoir: Joseph Kasa-Vubu de 60-65, Maréchal Mobutu de 65-97, Laurent-Désiré Kabila de 97-01, Joseph Kabila de 2001-2018 et, aujourd’hui, Félix Tshisekedi depuis le 24 janvier 2019. Tous les prédécesseurs de Félix-Antoine Tshiskedi, personne n’a pensé au rapatriement des restes de Lumumba, y compris ceux qui se disaient lumumbiste.

Mais avec Fatshi, un fin diplomate, respecté dans le monde entier, primé pour sa diplomatie, la Belgique qui très souvent n’acceptait d’avoir tué P.E Lumumba reconnait aujourd’hui solennellement l’avoir tué et accepté solennellement de rendre ses reliques, une partie de son corps pour que, dans son pays, on puisse rendre hommage à ce héros national là, nous avons un sentiment de joie.

Puisque c’est un assassinat, un crime contre l’humanité, les choses vont-elles rester comme ça? Ce sont des questions à méditer. Faudrait-il indemniser la famille Lumumba et de ses compagnons, y compris la RD-Congo puisque Lumumba était un fruit du pays, le chef du gouvernement. On ne peut pas ne pas penser à récompenser le pays.

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