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Allégations de corruption aux Sénatoriales: Peter Kazadi lave Jean-Marc Kabund

Me Peter Kazadi est député provincial élu sur la liste de l’UDPS dans la circonscription électorale du Mont Amba et plus particulièrement dans la commune de Lemba, à Kinshasa. Haut cadre de ce parti, il a été tour à tour conseiller juridique de feu Etienne Tshisekedi, puis directeur de cabinet adjoint du président de l’UDPS Félix Tshisekedi, élu aujourd’hui président de la République. Dans un entretien accordé à la RTNC 3 Institutions dans l’émission «Magazine d’actualités pour tous» animée par Benjamin Kabwanga Bukasa Tshinanayi, et au trihebdomadaire AfricaNews paraissant à Kinshasa, l’élu provincial pourtant mis en cause par ses collègues dédouane le président u parti Jean-Marc Kabund-a-Kabund, appelant chacun à assumer ses responsabilité pour n’avoir obéi aux consignées de vote donnéespar Kabund. Entretien.

Monsieur Peter Kazadi, expliquez-nous comment les députés provinciaux de l’UPDS ont-ils voté pour les candidats sénateurs autres que ceux du parti vous privant ainsi de sénateurs à Kinshasa?

Nous n’avons pas compris pourquoi nos députés provinciaux se sont comportés de cette manière-là. Nous n’avons pas pu honorer le parti qui nous a donné mandat aux assemblées provinciales pour défendre les idéaux du parti et aussi servir la nation tout entière. A ce stade, il y a une enquête qui a été ouverte au niveau des différents parquets généraux de la République dans les provinces. Au parti, il y a également une enquête pour connaitre ce qui s’est passé. Ce n’est pas seulement au niveau de l’UDPS que nous avons connu ce problème. D’autres partis comme le PPRD n’ont pas d’élus à Kinshasa alors qu’il compte 6 députés provinciaux.

C’est un phénomène qui s’est étendu pratiquement à tous les grands partis politiques qui avaient un bon nombre de députés et on a puisé là-bas.A Kinshasa, un parti avec 2 députés provinciaux a remporté deux sièges au Sénat. On ne parvient pas à comprendre cette alchimie.Comment ceux qui ont moins de députés ont eu plus de sénateurs que les partis avec plus de députés? Personnellement, j’ai pensé qu’il y a eu corruption et d’après le bruit que nous avons entendu l’argent a circulé. Nous sommes dans cette situation-là. Pourtant durant son mandat, le Président Félix Tshisekedi a déclaré la guerre à la corruption. Et nous sommes en train de chercher une solution.

Certains députés provinciaux de Kinshasa accusent personnellement Peter Kazadi et le président a.i de l’UDPS Jean-Marc Kabund d’être à la base de cette manœuvre pour avoir aligné des candidats sénateurs qui ne sont pas membres du parti?

JM Kabund n’est pas député provincial et n’était pas dans la salle le jour du vote. Il n’est plus celui qui aligne les candidats sur la liste. L’UDPS a une Commission électorale permanente -CEP- qui désigne les candidats. Puisqu’ils évoquent désespérément les personnes inconnues, je vous cite leurs noms. L’UDPS avait aligné 5candidats sénateurs. L’un d’eux est Jacquemin Shabani, ancien secrétaire généralet actuellement président de la CEP. Il avait désisté pour donner plus de chances à notre liste. Ils sont restés 4, notamment Docteur EteniLongondoqui est secrétaire général adjoint du parti; maman Eugénie Tshika, jeune sœur de feu Etienne Tshisekedi, députée nationale lors de la dernière législature;Dr. Nsiala, cadre notoire et enfin, Dieudonné Kalonji, le fils de Kansebu qui est tombé en faillite parce qu’il soutenait l’UDPS. Parmi ces noms, lequel est inconnu à l’UDPS? C’est un faux problème.La responsabilité incombe aux députés provinciaux qui n’ont pas voulu suivre le mot d’ordre du parti. JM Kabund avait réuni tous les députés la veille des élections au siège du parti. On s’est distribué le rôleet chaque député savait pour qui il allait voter. Mais lorsqu’on se trouve dans la salle on a sur la liste du parti 2 voix et sur celle du candidat indépendant Docteur EteniLongondo seule voixalors qu’il devait en avoir trois d’après les consignes données. Les responsables du parti n’y sont pour rien. Chacun doit assumer sa responsabilité. Il y a eu tout simplement désobéissance qui serait guidée par des raisons pécuniaires.

Il s’agit là de l’affaire «likonda». Est-ce que l’UDPS avait-elle mis des moyens conséquents à la disposition de ses députés provinciaux pour affronter l’élection des sénateurs?

Dans une assemblée aussi restreinte, lorsqu’un parti a 12 députés, il devait avoir au minimum 2 sénateurs. Mais nous avons monté une stratégie pour en avoir 3. Si chacun de nous avait respecté le mot d’ordre nous allions en avoir 3. Vraiment a-t-on besoin de soudoyer nos propres membres du parti pour qu’ils votent? Nous autres, combien avons-nous donné au peuple pour nous voter? Rien. J’ai entendu certains dire que j’avais dépensé mon argent de campagne, c’est le moment pour moi de récupérer. Pendant cette campagne, il y avait des gens qui avaient des millions de dollars et qui avaient battu campagne à l’américaine comme on aime le dire et qui n’ont pas été élus. Nous avons été élus parce que nous appartenons à l’UDPS. C’est pourquoi nous avons le plus grand nombre de députés. Ce n’est pas parce que nous avions dépensé plus d’argent que les autres candidats. 

Comment expliquez-vous ce comportement de trahison de vos députés provinciaux quand on sait que l’UDPS a combattu pendant 37 ans pour l’avènement de la démocratie et de l’Etat de droit. Etre trempé aujourd’hui dans les actes de corruption, n’est-ce pas cracher sur la mémoire du peuple et de feu Etienne Tshisekedi?

Je considère ça comme un incident de parcours. Ceux qui ont basculé dans cette facilité n’avaient pas encore compris les conséquences de leurs actes. Aujourd’hui, chacun de nous, trempé dans la corruption, est entrain de regretter  de l’avoir fait. C’est une évidence, il y a de carrières politiques qui sont mise en jeu. Cette façon d’agir et de viser les intérêts personnels, a porté un préjudice énorme au grand parti. A l’UDPS, nous incarnons des valeurs républicaines, l’espoir de tout un peuple. Les gens nous ont votés puisqu’ils ont pensé que nous pouvons changer des choses. Lorsque nous tombons aussi dans les antivaleurs comme ça, ce n’est pas toute l’UDPS qui est trempée mais quelques individus. Dans l’avenir, cet incident va servir d’exemple non seulement aux membres de l’UDPS mais à la classe politique congolaise dans son ensemble.

Pensez-vous que la situation va-t-elle changer quand on sait que qui a bu boira et que les gens ont eu goût à la corruption qui reste du moins un fléau à combattre dans notre pays?

Le Président Félix Tshisekedi s’est donné pour mission, entre autres, la lutte contre la corruption. Nous devons combattre cette corruption même là où les membres de l’UDPS sont trempés.  On va lutter sans pardon. Il faut que ce phénomène s’arrête puisque si jamais on continuait de cette manière, on ne connaitra jamais le développement dans notre pays.

Consternée par cette situation déplorable, l’UDPS envisage de mettre sur pied une commission d’enquête sur les allégations de corruption de ses députés provinciaux aux sénatoriales. A quoi aboutira ladite commission?

Dans la mesure du possible, la finalité c’est de dénicher à l’interne ceux qui n’ont pas obéi au mot d’ordre du parti. Si ces derniers doivent expliquer les motivations qui les ont poussés à poser cet acte, ce sera une très bonne chose pour édifier les uns et les autres non seulement aujourd’hui mais aussi dans l’avenir. Actuellement, la direction politique du parti est mise en cause. Il appartient à ces députés provinciaux de s’expliquer de vive voix et de dire en quoi est-ce que la direction politique avait failli. Et si cela est établi, la direction politique pourrait aussi tirer les conséquences ainsi que les députés qui se sont compromis.

Comment justifiez-vous la violence avec laquelle les combattants de l’UDPS ont réagi contre leurs députés provinciaux démolissant des maisons des élus à Mbuji-Mayi où un policier a été tué et en incendiant le siège du PPRD, votre partenaire à Kinshasa. Des actes répréhensibles par la loi pour un parti qui a toujours prôné la non-violence?

C’est vrai qu’il y avait des combattants de l’UDPS dans ce mouvement et il y avait aussi des gens qui n’appartenaient pas à l’UDPS. L’UDPS a aussi des adversaires qui ne sont pas contents que Félix Tshisekedi soit porté à la tête du pays. Ils profitent de tout ce qui se passe à l’UDPS pour amplifier la situation et lui donner un autre sens. Ces actes ne sont pas à encourager. Le président ad intérim de l’UDPS a fait une déclaration dans laquelle il a eu à condamner et à présenter des excuses au parti dont le siège a été incendié. Tout en dénonçant ces actes, je me dis que ce n’est pas un fait qu’on doit apriori attribuer aux membres de l’UDPS. Il y a eu certainement des infiltrés qui ont été préparés pour suivre le mouvement et attaquer même les institutions de la République.Et les membres de l’UDPS ayant compris cela, ils se sont tous ligués contre ces manifestations qui n’ont plus continué. Nous comprenons qu’il y a des ennemis qui s’en mêlent et qui chercher à faire porter le chapeau à l’UDPS.

Dans leur furie, les combattants de l’UDPS sont allés voir le Président de la République confondant le rôle du Chef de l’Etat avec les activités d’un parti politique qui est un fait privé. Pourquoi une affaire interne à l’UDPS a-t-il été porté sur la table du Chef de l’Etat qui a urgemment convoqué une réunion interinstitutionnelle à l’issue de laquelle d’importantes décisions ont été prises?

Tous les partis politiques sont composés des RD-Congolais. Le Président de la République est le Chef de tous les RD-Congolais. Ceux qui ont été voir le Président l’ont fait non parce qu’ils sont membres de l’UDPS  mais surtout parce qu’ils sont Congolais. Cela dit, on ne peut refuser au Président de la République de recevoir les Congolais qui ont des mécontentements. Et surtout qu’il s’agit de faits qui touchent à la moralité publique. Le Président de la République a pour mission constitutionnelle de garantir la paix et la sécurité de tous les Congolais. Pendant sa campagne électorale, le Président de la République avait promis de combattre la corruption. Vous évoquez la réunion interinstitutionnelle, je réponds qu’avant tout, le Procureur général près la Cour de cassation avait saisi la CENI lui demandant de surseoir l’élection des sénateurs et des gouverneurs en vue de lui permettre de mener des enquêtes pour faits présumés de corruption. La CENI n’a pas accédé à cette demande. Il y a déjà un conflit entre les institutions de la République. Or, selon la constitution, le Président de la République est le garant du bon fonctionnement des institutions. Il est en droit de convoquer les institutions en conflit et de les écouter et proposer des pistes de solution. Dans ce cas, il joue le rôle d’arbitrage. Il a arbitré entre la CENI et le Parquet général. C’est à l’issue de cet arbitrage qu’il a demandé la suspension de l’installation du Sénat, le report de l’élection des gouverneurs et l’ouverture des enquêtes par le Parquets généraux à travers le pays. Cela va aider à ce que les prochaines élections des gouverneurs soient transparentes. Il a agi pour préserver la paix et la cohésion sociale.

Au-delà des allégations de corruption, une certaine opinion regrette le fait que cette élection des sénateurs soit organisée dans l’illégalité car les règlements intérieurs des Assemblés provinciaux n’ont pas été envoyés à la Cour constitutionnelle pour avis de conformité à la constitution. Quelle est votre réaction?

Il y a eu beaucoup de bévues et d’irrégularités. Tout s’est fait dans la précipitation. L’article 160 de la Constitution stipule que la Cour constitutionnelle examine la conformité des lois et des actes ayant force des lois. Cette conformité doit être validée avant que ces lois entrent en vigueur. Les règlements intérieurs des Assemblées provinciales sont des actes ayant force de loi. Cela n’a pas été fait. Il s’agit d’une violation de la loi qui conduirait à l’annulation de tous les actes postérieurs.

Propos recueillis par Octave MUKENDI

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