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Katumbi et l’affaire des mercenaires: deux pièces contradictoires

A moins de quatre-vingts jours de l’audience dans l’affaire des mercenaires qui oppose le Parquet général de la République à Moise Katumbi, avocats, proches de l’inculpé et presse passent au peigne fin les deux pièces disponibles, notamment le rapport confidentiel de l’Agence nationale de renseignement -ANR- et la requête aux fins de fixation d’audience signée de la main du Procureur général de la République, et y relèvent des contrastes flagrants. Si la «présence» de mercenaires autour de l’ancien gouverneur remonterait «à partir de novembre 2015», selon le rapport des services, le Parquet situe les faits une année plus tôt.
Les avocats de Katumbi ont relevé ces contradictions le 4 avril au cours d’une conférence de presse à Kinshasa, évoquant «l’imprécision en ce qui concerne les dates et/ou périodes auxquelles ont été commises les prétendues infractions à charge» de Katumbi. Selon eux, «les éléments en présence démontrent de manière non équivoque que d’une part Katumbi a eu à recourir à des services extérieurs pour sa protection seulement lorsque sa garde rapprochée lui a été retirée et, d’autre part, l’Américain Darryl Lewis a été recruté par la société Jones Group International en qualité de conseiller en matière de sécurité avec qui il a signé un contrat en date du 7 mars 2016, donc largement après la date de démission au poste de gouverneur de l’ancienne province du Katanga». Les avocats ont cependant fait remarquer que dans sa requête aux fins de fixation, «le Procureur général de la République précise que les infractions mises à charge de notre client auraient été commises ‘au courant de la période allant de l’année 2014 et l’année 2016’».
Et ce 4 avril-là, le bâtonnier Jean-Joseph Mukendi, le professeur Jean-Pierre Kifwabala et Me Barthélemy Mumba ont posé deux questions: «Pourquoi le Procureur général de la République recule-t-il sciemment les faits en 2014? Est-ce parce que Monsieur Katumbi était gouverneur de province à cette époque?». Le 9 avril, soit 5 jours plus tard, le magazine Jeune Afrique a lui aussi relevé ces paradoxes inouïs en publiant des extraits du document confidentiel intitulé «Rapport d’enquête actualisé sur le recrutement des mercenaires par sieur Katumbi Chapwe Moise», adressé le 16 décembre 2016 au PGR, dans lequel les services de sécurité rappellent les faits et les situent vers la fin de l’année 2015.
«Après la démission du sieur Katumbi Chapwe Moïse, le 29 septembre 2015, de ses fonctions de gouverneur de l’ex-province du Katanga, il a été notoirement observé, à partir de novembre 2015, dans son entourage immédiat, la présence des gardes du corps d’origine étrangère, notamment le sieur Toon Jr III Leonardo O’Neal, alias LT, sujet américain, qui a séjourné à Lubumbashi, du 29 décembre 2015 au 3 janvier 2016, avant de disparaître momentanément de la circulation», a pu lire Jeune Afrique dans ce document de 208 pages, dont 39 annexes.
Cependant, à en croire la requête de fixation d’audience, les faits reprochés à Katumbi remontent à 2014, donc pendant qu’il dirigeait encore l’ex-Katanga. «Sans préjudice de date plus précise mais au courant de la période allant de l’année 2014 à l’année 2016», l’ancien gouverneur est accusé d’avoir «levé ou fait lever des troupes armées, engagé ou enrôlé, fait engager, enrôler des soldats et leur avoir fourni des armes et munitions sans ordre ni autorisation du gouvernement», a détaillé le Parquet général de la République dans cette pièce transmise au premier président de la Cour suprême de justice -CSJ-, prié de fixer l’audience dans cette affaire.
Pour leur part, les avocats de Katumbi, surpris par ce privilège de juridiction, ont dénoncé une «tentative de vouloir soustraire l’accusé de son juge naturel pour le présenter directement devant la Cour suprême de justice qui rend ses arrêts en premier et dernier ressort». Moralité: le présidentiable risque d’être privé de son droit de recours.

Tino MABADA

  

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